Impact environnemental des parcs éoliens offshore : se préparer à l’augmentation du nombre de parcs éoliens dans la mer du Nord belge

Dans leur dernier rapport annuel, les scientifiques chargés de surveiller l’impact environnemental des parcs éoliens offshore dans la partie belge de la mer du Nord mettent l’accent sur la poursuite du développement du programme et sur son expansion dans la perspective de l’augmentation de la capacité éolienne dans nos eaux. Parmi les résultats notables, citons l’absence d’impact significatif des parcs éoliens sur l’abondance des invertébrés et des poissons vivant sur les fonds sablonneux (pas d’impact négatif), la plus grande diversité des communautés d’organismes vivant au-dessus du fond dans les parcs éoliens (impact positif) et les modèles de dispersion qui permettent désormais de déterminer combien d’oiseaux marins se déplacent en raison des parcs éoliens (l’ampleur de l’impact varie selon les espèces, la plus grande sensibilité étant observée à l’extérieur des parcs éoliens existants et à venir). En outre, les connaissances sur la promotion de l’effet de récif artificiel et la réduction du risque de collision d’oiseaux et du dérangement des marsouins continuent de se développer.

Parc éolien offshore dans la partie belge de la mer du Nord. © IRSNB

Depuis la fin de l’année 2020, le nombre d’éoliennes offshore et leur capacité combinée dans la partie belge de la mer du Nord sont restés inchangés. À cette date, 12 années de construction dans la première zone d’énergie marine renouvelable de Belgique se sont achevées, donnant lieu à huit parcs éoliens avec un total de 399 turbines dans une zone de 238 km² le long de la frontière avec les eaux néerlandaises. Ensemble, ils représentent une capacité installée de 2,26 gigawatts (GW) et une production annuelle moyenne de 8 TWh, soit environ un tiers de la production brute d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables en Belgique.

Assurer la durabilité écologique des activités humaines en mer est une tâche importante pour le développement de l’économie bleue. C’est pourquoi le programme de surveillance WinMon.BE génère des informations écologiques de base dans la zone d’énergie renouvelable offshore belge depuis le début de sa construction en 2005, en se concentrant sur les impacts à différentes échelles spatiales et temporelles. L’objectif est double : quantifier les impacts attendus et inattendus et comprendre les relations de cause à effet. Les connaissances acquises jusqu’à présent ont permis d’ajuster les pratiques de construction et d’exploitation des parcs éoliens offshore lorsque cela s’avérait nécessaire, contribuant ainsi à la durabilité environnementale de la production d’énergie éolienne dans la partie belge de la mer du Nord. Tous les rapports scientifiques de la surveillance WinMon.BE sont accessibles au public.

Préparer l’expansion

Pour atteindre l’objectif européen de zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050, notre pays prévoit d’ajouter une capacité installée de 3,15 à 3,5 GW en construisant des parcs éoliens offshore supplémentaires dans une deuxième zone d’énergie renouvelable – la zone Princess Elisabeth (285 km²) – désignée dans le plan national d’aménagement des espaces marins 2020-2026. Il va sans dire que les connaissances acquises par WinMon.BE seront également appliquées à la conception et à l’exploitation respectueuses de l’environnement des futurs parcs éoliens offshore dans la zone Princess Elisabeth.

Zones d’énergie renouvelable, y compris les parcs éoliens offshore, dans la partie belge de la mer du Nord. Zone orientale = première phase pleinement opérationnelle, zone occidentale (Hinder North, Hinder South et Fairybank) = zone Princess Elisabeth (source : Plan d’aménagement des espaces marins 2020-2026).

Cependant, la Belgique n’est pas le seul pays à développer la production d’énergie éolienne dans le sud de la mer du Nord. Outre les 523 km² désignés pour les parcs éoliens offshore opérationnels et prévus dans la partie belge de la mer du Nord, 344 km² sont prévus dans la zone néerlandaise voisine de Borssele, et 122 km² dans la zone française de Dunkerque. L’expansion internationale a également des répercussions sur le programme de surveillance.

Steven Degraer (Institut royal des Sciences naturelles de Belgique/MARECO), coordinateur du consortium WinMon.BE, déclare : « Les impacts écologiques cumulatifs potentiels du nombre croissant de parcs éoliens offshore dans le sud de la mer du Nord étant une préoccupation majeure, leur détection et leur compréhension deviennent un défi supplémentaire important pour WinMon.BE. Nous devons également internationaliser la coopération dans la région élargie de la mer du Nord, où les frontières nationales ont fait obstacle à une approche régionale. »

Afin d’être prêt à surveiller les impacts environnementaux du secteur croissant de l’énergie éolienne offshore dans la partie belge de la mer du Nord, le rapport WinMon.BE 2022 aborde de nouvelles connaissances sur la distribution des invertébrés et des poissons, l’identification des zones où les oiseaux marins sont les plus sensibles aux parcs éoliens offshore, la « promotion du bon » (communautés colonisatrices du substrat dur artificiel) et « l’atténuation du mauvais » (collisions d’oiseaux marins et pollution sonore pour les marsouins). Le rapport est basé sur des données collectées jusqu’en 2021.

Modèles de répartition spatiale et zones sensibles

Sur les fonds marins – épibenthos et poissons démersaux (ILVO)

Pour détecter et comprendre les effets des parcs éoliens offshore existants, et pour évaluer les effets possibles de la future zone d’énergie renouvelable, il faut d’abord documenter et comprendre la situation avant la construction. Pour l’épibenthos (invertébrés vivant sur les fonds marins, tels que certains mollusques, crustacés et calmars) et les poissons benthiques, une analyse des communautés a donc été réalisée pour l’ensemble de la mer du Nord belge. Ainsi, la distribution et l’abondance de ces organismes ont été vérifiées et des communautés d’espèces cooccurrentes ont été définies.

Il en ressort que les communautés d’épibenthos et de poissons diffèrent nettement entre la zone côtière et la zone offshore. Dans la zone côtière, deux communautés différentes habitent respectivement les sédiments vaseux et sableux, tandis que les communautés offshore sont également structurées par la topographie des bancs de sable. La zone d’énergie renouvelable existante chevauche largement les communautés d’épibenthos et de poissons au large, mais la surveillance entre les turbines n’a pas montré d’effets significatifs des parcs éoliens.

Cartes des sites d’échantillonnage (lignes) indiquant les types de communautés épibenthiques (à gauche) et de poissons (à droite) auxquels ils appartiennent : communautés de sédiments vaseux et sableux fins dans les zones côtières (tons violets) et communautés de sables grossiers plus au large (tons verts et bruns). © ILVO

Au-dessus des fonds marins – hyperbenthos (Université de Gand)

WinMon.BE s’est également intéressé pour la première fois à l’hyperbenthos. Cette communauté se compose d’organismes vivant dans la colonne d’eau directement au-dessus du fond marin, y compris une grande variété de petits crustacés et de vers, de stades de vie d’hydrozoaires ressemblant à des méduses, et de larves de crustacés et de poissons de plus grande taille. La présence d’éoliennes (effet de récif artificiel) et l’arrêt de la pêche (effet d’exclusion de la pêche) devraient entraîner un enrichissement des communautés hyperbenthiques à l’intérieur des parcs éoliens. Pour vérifier cette hypothèse, des échantillons prélevés à l’intérieur et à l’extérieur de deux parcs éoliens offshore belges ont été comparés, chacun présentant des conditions d’habitat locales spécifiques, un type de fondation, une durée de construction et des distances différentes par rapport à la côte.

Bien que les communautés d’hyperbenthos à différentes distances de la côte se soient révélées différentes en termes de composition des espèces (plus d’espèces côtières près de la côte) et de densité (densités plus élevées près de la côte), les densités étaient systématiquement plus élevées dans les parcs éoliens que dans les sites de contrôle correspondants situés en dehors des parcs éoliens. Des différences dans la richesse des espèces (plus élevée à l’intérieur du parc éolien) et dans la structure des communautés ont également été observées plus au large. Ces résultats confirment l’hypothèse de l’enrichissement. Plus près de la côte, aucune différence dans la richesse des espèces et la structure des communautés n’a été observée.

Densités d’hyperbenthos à l’intérieur et à l’extérieur des parcs éoliens offshore. En haut = offshore vs en bas = zone côtière (échelles différentes, densités plus élevées dans la zone côtière) ; à gauche = à l’intérieur du parc éolien vs à droite = à l’extérieur du parc éolien (densités plus élevées à l’intérieur des parcs éoliens). © Université de Gand

A la surface de la mer – les oiseaux marins (INBO)

Une connaissance détaillée de la distribution des oiseaux marins est importante pour concevoir un programme de surveillance qui permette de mieux comprendre la sensibilité des différentes espèces aux parcs éoliens offshore. Sur la base des comptages effectués par bateau en mer du Nord belge entre 2000  et 2018, des modèles de distribution ont été créés pour quatre espèces d’oiseaux marins connues pour être sensibles à la présence de parcs éoliens : le plongeon catmarin (Gavia stellata), le fou de Bassan (Morus bassanus), le guillemot de Troïl (Uria aalge) et le pingouin torda (Alca torda). Ces données ont été combinées dans une carte et un indice intégré montrant où la sensibilité des oiseaux marins au développement des parcs éoliens offshore est la plus élevée.

Les modèles de distribution permettent également de quantifier le nombre d’oiseaux marins dont la distribution devrait se déplacer en raison de la présence des parcs éoliens existants et futurs. Avec environ 1 600 individus, le guillemot de Troïl est l’espèce la plus touchée en nombre absolu. En ce qui concerne les oiseaux marins, une zone a été identifiée comme particulièrement sensible au développement des parcs éoliens offshore. Cette zone se situe entre 5 et 12 milles nautiques de la partie occidentale de la côte belge, et bien en dehors de tous les parcs éoliens belges existants et futurs.

Carte de sensibilité combinée pour le plongeur catmarin, le fou de Bassan, le guillemot de Troïl et le pingouin torda. Le bleu plus foncé indique une plus grande sensibilité au déplacement par les parcs éoliens offshore. © INBO

Promouvoir le bien et atténuer le mauvais

« Le bon » – l’encrassement des fondations (IRSNB)

Des études antérieures ont montré que les fondations des éoliennes offshore sont colonisées par un large éventail d’espèces (l’effet rife artificiel). Les espèces dominantes à différents stades du processus de colonisation sont l’anémone Metridium senile, la moule Mytilus edulis et le crustacé Jassa herdmani. Ainsi, la biomasse sur les fondations peut être jusqu’à 35 fois supérieure à celle des sédiments mous environnants. Cela peut affecter la dynamique locale du réseau trophique, et l’établissement d’espèces non indigènes suscite également des inquiétudes (voir photo : des Crépidules Crepidula fornicata – flèches, et le tunicier voile Diplosoma listerianum – cercle, © IRSNB).

Afin de mieux comprendre les effets d’une colonisation à grande échelle des éoliennes, les communautés sur les fondations ont été comparées à celles de structures artificielles plus anciennes, notamment des épaves. Les épaves abritaient une plus grande richesse d’espèces que les éoliens (165 contre 114 espèces). Les deux types de substrat contiennent également d’autres espèces : les épaves comptaient 95 espèces uniques contre 44 pour les éoliens. Ces différences peuvent être attribuées à l’âge plus avancé et à la plus grande complexité structurelle des épaves. Le fait d’apporter une plus grande complexité structurelle aux fondations des turbines et autour de celles-ci pourrait augmenter la richesse en espèces de la communauté colonisatrice, qui est souvent considérée comme un atout des parcs éoliens en mer.

Quelques espèces exotiques provenant de l’encrassement des pierres de protection des fondations d’un parc éolien offshore belge : les Crépidules Crepidula fornicata (mollusques, flèches), et le tunicier voile Diplosoma listerianum (cercle). © IRSNB

« Le mauvais » – les collisions d’oiseaux marins (IRSNB & INBO)

Les éoliennes offshore ayant une durée de vie relativement courte, des scénarios de remplacement sont déjà à l’étude pour les parcs éoliens les plus anciens. Ce faisant, les développements technologiques conduisent à des éoliennes plus grandes avec un plus grand espace ouvert entre elles. Entre-temps, le risque de collisions d’oiseaux marins – un problème important et de longue date des parcs éoliens offshore – a été évalué pour un scénario hypothétique de remplacement du premier parc éolien offshore dans les eaux belges. Pour toutes les espèces d’oiseaux considérées, le risque de collision estimé a diminué (40 % de moins en moyenne pour les turbines de 15 MW) en raison de la plus grande distance entre la pointe inférieure du rotor et le niveau de la mer et du plus petit nombre de turbines par km². L’augmentation de la hauteur du moyeu des turbines de 10 m a encore réduit le nombre prévu de collisions avec les oiseaux marins de 37% en moyenne.

Des turbines plus grandes peuvent donc permettre de réduire la mortalité des oiseaux marins. Pour les oiseaux terrestres et les chauves-souris qui migrent également par la mer, l’effet des grandes turbines est moins clair. Il est probable que des stratégies prévoyant l’arrêt des turbines en cas de forte intensité migratoire seront encore nécessaires pour réduire l’impact sur ces groupes.

« Le mauvais » – perturbation des marsouins (IRSNB, Université de Gand & VLIZ)

Un deuxième problème important et de longue date des parcs éoliens offshore est la perturbation des mammifères marins pendant les opérations de battage, où des niveaux élevés de bruit impulsif sont produits. Sur la base d’ensembles de données de surveillance acoustique passive de 2018 à 2020, y compris les périodes de construction de trois parcs éoliens offshore, il a été démontré que les marsouins communs (Phocoena phocoena) réagissent au battage des pieux sur une période allant de quelques heures à quelques jours. Les détections de marsouins ont diminué jusqu’à 20 km du site de battage de pieux. l’ampleur et la durée de la réduction diminuaient sensiblement plus les marsouins étaient éloignés de la source de perturbation.

L’utilisation de techniques d’atténuation du bruit a clairement permis aux marsouins de moins s’échapper de la zone de construction, mais la fréquence à laquelle les marsouins sont détectés à proximité immédiate d’un site de construction semble diminuer même avant le battage des pieux. Cela suggère que les efforts visant à réduire l’effet du bruit sous-marin provenant de la construction de futurs parcs éoliens offshore sur la vie marine devraient se concentrer non seulement sur la limitation des niveaux de bruit générés, mais aussi sur la durée totale de la construction.

Échantillonnage scientifique avec le RV Belgica dans les parcs éoliens offshore belges. © IRSNB

Recherche, surveillance et atténuation futures

Steven Degraer : « Il est nécessaire de poursuivre les efforts de collecte de connaissances, non seulement pour continuer à surveiller l’impact des parcs éoliens déjà construits, mais aussi pour affiner la conception et l’exploitation respectueuses de l’environnement des futurs parcs éoliens en mer. Des progrès significatifs ont été réalisés et se sont avérés applicables pour une bonne gestion de l’énergie renouvelable en mer. Cependant, de nombreuses inconnues doivent encore être levées. »

Parmi les exemples de la manière dont ces efforts en cours se traduiront dans la pratique, on peut citer une plus grande attention portée aux communautés d’invertébrés et de poissons des fonds marins (particulièrement pertinente dans la deuxième zone d’éoliennes en mer, moins étudiée), des efforts d’échantillonnage accrus pour caractériser pleinement les communautés d’hyperbenthos et renforcer la capacité statistique à détecter les impacts des parcs éoliens en mer sur ces communautés, et un affinement de la modélisation des oiseaux marins, prenant en compte d’autres espèces d’oiseaux marins et les pressions anthropogéniques, afin d’informer le processus d’aménagement des espaces marins. Le cas échéant, les mesures d’atténuation doivent être conçues et appliquées au fur et à mesure que le programme de surveillance apporte de nouvelles informations.

Le programme de surveillance WinMon.BE est une coopération entre l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), l’Institut de recherche sur la nature et la forêt (INBO), l’Institut de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’alimentation (ILVO) et le groupe de recherche en biologie marine de l’Université de Gand. Il est coordonné par l’équipe Écologie et gestion marines (MARECO) de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

WinMon.BE est commandé par le gouvernement fédéral dans le cadre des conditions de permis d’environnement pour les parcs éoliens offshore. Pour le suivi, on a fait appel au navire de recherche Belgica (le temps de navigation sur le RV Belgica a été mis à disposition par BELSPO et l’IRSNB -DO Nature), au navire de recherche Simon Stevin (exploité par l’Institut de la mer flamande – VLIZ), à plusieurs navires privés, à l’équipe scientifique belge de plongée et à l’avion d’observation de l’IRSNB.