Réunion des opérateurs internationaux de navires de recherche à Bruges

Du 16 au 20 octobre 2023, la ville de Bruges, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, a été le théâtre de la 34e réunion annuelle des opérateurs de navires de recherche internationaux. La réunion était organisée par l’Institut des Sciences naturelles et l’Institut flamand de la mer. 129 participants ont assisté à la réunion pour partager des informations et résoudre des problèmes d’intérêt commun. L’amélioration du soutien aux efforts de recherche en mer de la communauté scientifique marine est toujours une priorité.

Opérateurs de navires de recherche internationaux, 16-20 octobre 2023, Bruges, Belgique

Le forum international des opérateurs de navires de recherche (International Research Ship Operators – IRSO) réunit des opérateurs de navires de recherche représentant 49 organisations de 30 pays. Ensemble, ils exploitent plus de 100 des principaux navires de recherche en sciences marines du monde. L’adhésion à l’IRSO est ouverte à toutes les organisations exploitant des navires de recherche et à tous les programmes de recherche nationaux qui collectent des données à partir de navires en mer et suivent des protocoles établis pour la publication ouverte de leurs résultats.

L’IRSO a été fondé en 1986 et depuis lors, des réunions annuelles sont organisées par et dans les pays participants. En 2023, l’Institut des Sciences naturelles, exploitant du RV Belgica, et l’Institut flamand de la mer (VLIZ), exploitant du RV Simon Stevin, ont repris l’organisation. Ensemble, ils garantissent également la représentation belge au sein de l’IRSO. 129 participants se sont rendus à Bruges pour cette 34ème réunion de l’IRSO. Outre les sessions plénières et certains ateliers spécifiques, qui se sont déroulés au Grand Hôtel Casselbergh de Bruges, le programme comprenait également des activités sociales. Une visite des navires de recherche RV Belgica et RV Simon Stevin était bien sûr incontournable. Pour l’occasion, les deux navires étaient amarrés à la base navale de Zeebrugge le vendredi 20 octobre.

RV Simon Stevin et RV Belgica dans la base navale de Zeebrugge (© Institut des Sciences naturelles)

Objectifs de l’assemblée annuelle

Le partage d’expériences réussies (meilleures pratiques) dans la conception et l’exploitation de navires de recherche et d’équipements scientifiques font partie des principaux objectifs de la réunion annuelle de l’IRSO.

« Ces réunions permettent un partage efficace de l’information et la résolution de problèmes d’intérêt commun. De cette manière, les efforts de recherche de la communauté scientifique marine en mer peuvent être de plus en plus soutenus », explique Greg Foothead, président de l’IRSO et directeur général de NIWA Vessel Management Ltd de Nouvelle-Zélande.

Giuseppe Magnifico, vice-président de l’IRSO et directeur adjoint du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR) italien, ajoute : « L’IRSO agit également comme porte-parole de la communauté de recherche et fournit des conseils d’experts à d’autres organismes si nécessaire. »

Avantages supplémentaires

Cependant, l’IRSO va également plus loin que la simple information mutuelle des expériences et des développements des flottes de recherche nationales. « Le fait d’être actif au sein de l’IRSO se traduit parfois aussi par de véritables collaborations et par un échange de temps d’expédition et d’équipement entre instituts et pays », explique André Cattrijsse, chef du département Infrastructure de recherche de l’Institut flamand de la mer.

« Cet échange stratégique de connaissances et d’expériences est également crucial à une époque de restrictions budgétaires, alors que le besoin de connaissance des mers côtiers et de l’océan et de leurs relations avec les humains augmente rapidement. » souligne Lieven Naudts, coordinateur du RV Belgica et chef du Service de Mesure d’Ostende de l’Institut des Sciences naturelles.

De gauche à droite : André Cattrijsse (Institut flamand de la mer), Giuseppe Magnifico (vice-président de l’IRSO), Greg Foothead (président de l’IRSO) et Lieven Naudts (Institut des Sciences naturelles) reviennent sur une réunion réussie de l’IRSO (© Institut des Sciences naturelles)

L’IRSO initie également des projets d’intérêt commun pour ses membres. Par exemple, un code de conduite pour les navires de recherche marine a été élaboré et, par l’intermédiaire de l’IRSO, des contributions ont été apportées à la création de la base de données OCEANIC pour les navires de recherche de l’Université du Delaware. L’IRSO parraine également des ateliers et des groupes de travail, tels que l’atelier biennal international des techniciens maritimes (INMARTECH).

Impact de la fonte des glaciers sur les fjords du Groenland

Le Belgica documente le changement climatique dans un écosystème marin arctique

Le 13 juillet 2023, le nouveau navire de recherche océanographique belge RV Belgica quittera Reykjavik, en Islande, pour trois semaines dans les régions arctiques du sud-ouest du Groenland. L’équipe de recherche internationale à bord utilisera les installations de pointe du Belgica pour étudier comment le changement climatique, et plus particulièrement la fonte accélérée des glaciers, affectera la dynamique du carbone, la biodiversité et le réseau alimentaire dans les fjords du Groenland, un écosystème marin typique de l’Arctique.

Les fjords sont d’une importance régionale et mondiale, non seulement parce qu’ils abritent un réseau alimentaire très productif et diversifié, mais aussi parce que cette riche vie marine absorbe une grande quantité de carbone. Les fjords jouent donc un rôle de stockage de carbone plus important qu’on ne le soupçonne en raison de leur taille limitée par rapport au vaste bassin océanique.

Des glaciers de mer aux glaciers terrestres

Depuis plusieurs décennies, le réchauffement climatique a un impact significatif sur les fjords marins en raison de la fonte accélérée des glaciers. Ce phénomène a des conséquences importantes dans les régions polaires, dont le Groenland. Ici, les glaciers se terminent souvent par des fjords, appelés glaciers marins.

Les glaciers marins du Groenland, en particulier, ont récemment connu une très forte augmentation du débit des eaux de fonte causée par la fonte de la calotte glaciaire. En conséquence, de nombreux glaciers marins du Groenland se déplacent progressivement vers la terre, un processus qui se renforce même.

Icebergs provenant de la fonte d’un glacier marin au Groenland. (©UGent/A. Vanreusel)

Impact sur le fonctionnement des écosystèmes et les services écosystémiques

Bien qu’il soit de plus en plus évident que les changements de types de glaciers entraînent des modifications majeures des processus physiques, biogéochimiques et écologiques dans les systèmes de fjords adjacents, les impacts sur le réseau trophique marin et sur l’absorption et le stockage du carbone dans les fonds marins sont actuellement mal cartographiés. Par conséquent, les impacts d’un réchauffement plus important sur les services écosystémiques importants de ces fjords arctiques, tels que l’approvisionnement en nourriture et la régulation du climat, restent largement inconnus.

Cette expédition Belgica explorera dans quelle mesure la transformation des glaciers marins aux glaciers terrestres dans les fjords arctiques entraîne une baisse de la productivité primaire (production de biomasse algale à partir de carbone et d’eau en utilisant de l’énergie externe), et donc une communauté biologique et un réseau alimentaire moins riches. Cette recherche fait partie du projet CANOE (Climate chANge impacts on carbon cycling and food wEbs in Arctic Fjords), financé par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO).

Zone d’étude

La zone d’étude se compose de deux fjords adjacents dont les apports glaciaires, respectivement marins et terrestres, sont différents. Dans les deux fjords, un gradient allant de l’estuaire à la partie la plus intérieure du fjord sera échantillonné. Les processus dans la colonne d’eau seront décrits à haute résolution dans chaque fjord, en plus des processus et de la biodiversité du fond océanique. Le réseau trophique sera étudié à deux endroits différents dans chaque fjord.

Zone de recherche au sud du Groenland, indiquant les lieux d’échantillonnage prévus et la bathymétrie. Le fjord Ikersuaq est influencé par des glaciers marins, tandis que le fjord Igaliku est influencé par un glacier terrestre. (© CANOE)

« Avec cette expédition, l’équipe contribuera à deux problèmes sociétaux importants pour lesquels la recherche est cruciale pour des politiques durables, à savoir la pêche et le changement climatique », déclare Ann Vanreusel, professeur au département de biologie de l’université de Gand et scientifique en chef de l’expédition RV Belgica au Groenland. « En comprenant les effets du changement climatique sur les réseaux alimentaires marins, nous obtiendrons des informations importantes pour la gestion future de ces fjords ».

Le projet CANOE, coordonné par le professeur Ulrike Braeckman (Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et Université de Gand), développera également des modèles prédictifs qui aideront à anticiper les changements actuels et futurs liés au climat dans les écosystèmes marins et les conséquences pour les ressources naturelles et les autres fonctions des écosystèmes telles que le stockage naturel du CO2.

La tradition de la recherche intégrée

La Belgique a une longue tradition en matière de recherche marine dans l’Arctique depuis qu’Adrien de Gerlache est parti en 1907 avec l’historique Belgica pour une expédition scientifique visant à explorer certaines parties de l’océan Arctique. À l’époque déjà, il s’agissait d’intégrer différentes disciplines de recherche et d’impliquer des scientifiques de différentes nationalités dans cette expédition. Dans une tradition similaire, les scientifiques de CANOE utilisent maintenant le nouveau RV Belgica pour une campagne de recherche intégrée et internationale, étudiant les aspects physiques, biogéochimiques et biologiques du sol et de la colonne d’eau dans ces écosystèmes de fjords du Groenland en relation avec la dynamique des glaciers sous l’influence du changement climatique. Une telle campagne interdisciplinaire nécessite une utilisation optimale des nombreux outils de recherche océanographiques et biologiques offerts par le RV Belgica.

 

L’équipe internationale et multidisciplinaire CANOE est dirigée par des chercheurs de l’Université de Gand (Prof Ulrike Braeckman) et comprend aussi des chercheurs de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), de l’Institut flamand de la mer (VLIZ), de l’Université d’Anvers (UAntwerpen), de l’Institut royal néerlandais de recherche sur la mer (NIOZ), de l’Université du Sud du Danemark et de l’Université de Bonn (Allemagne). La recherche est également menée en collaboration avec des instituts de recherche groenlandais.

CANOE est financé par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO) en tant que bénéficiaire d’un appel spécifique destiné à donner un élan au lancement de la recherche sur le nouveau RV Belgica et à permettre aux chercheurs d’apprendre à connaître le navire et son potentiel. Le projet se déroule du 15 décembre 2021 au 15 mars 2026. Plus d’informations sur le projet à http://canoe.marinetraining.eu/.

L’expédition CANOE avec le RV Belgica fait suite à l’expédition DEHEAT qui s’est déroulée dans les eaux islandaises du 26 juin au 11 juillet. Elle a étudié comment l’altération naturelle des minéraux silicatés dans la mer consomme le gaz à effet de serre qu’est le dioxyde de carbone, contribuant ainsi à l’éliminer de l’atmosphère, et comment l’accélérer pourrait être un allié dans la lutte contre le réchauffement de la planète.

De plus amples informations sur le RV Belgica peuvent être consultées sur les sites web du navire chez l’IRSNB (y compris les positions en direct et les images de la webcam) et BELSPO. Le navire et ses activités scientifiques peut également être suivi sur Facebook et Twitter.

DEHEAT 2023/05 – Hvalfjördur – Cinq façons de faire remonter la boue à la surface (2)

28 juin 2023 – Trois faits, deux à venir ! Comme si la benne Van Veen, le carottier à boîte et le carottier GEMAX ne fournissent pas déjà à l’équipe DEHEAT suffisamment d’échantillons de sédiments pour mieux comprendre le fond marin de Hvalfjördur et les processus biogéochimiques qui s’y déroulent, les scientifiques envoient deux autres types d’appareils au fond de l’eau pour collecter encore plus de sédiments.

La première est le « long carottier à gravité« , qui se compose essentiellement d’une foreuse étroite de 3 m dans laquelle est inséré un tube d’échantillonnage – ou de deux foreuses et tubes de ce type, totalisant 6 m – et d’un poids énorme pour enfoncer la foreuse dans le fond marin (d’où le terme « carottier à gravité »). De cette manière, des couches de sédiments beaucoup plus profondes sont coupées qu’avec les autres techniques, où plus c’est profond, plus c’est vieux. Les longues carottes permettent de reconstituer l’histoire sédimentologique du fond marin et de dévoiler de nombreux secrets du passé. Dans le cas de DEHEAT et des biogéochimistes à bord, l’accent est mis sur l’évolution de l’altération des silicates au fil du temps et sur le lien entre les changements historiques et les processus climatiques.

Un carottier à gravité de 6 m retourne en toute sécurité sur le pont après un échantillonnage réussi.

Christian März, professeur de géologie générale à l’université de Bonn, en Allemagne, s’intéresse plus particulièrement à la partie profonde des sédiments et s’appuie donc sur les longues carottes. En les étudiant, il peut déterminer comment la composition des sédiments a changé au fil du temps et comment ces changements ont affecté le cycle des éléments essentiels tels que le carbone, les métaux et les nutriments dans les fonds marins. L’étude des environnements passés à partir des données sédimentaires permet également de déduire des signaux de changement climatique.

« Il est également passionnant d’approfondir le thème de l’altération des silicates, un sujet nouveau et très actuel en raison de la nécessité d’arrêter et d’inverser le réchauffement climatique. Ce lien nous a permis, à ma collègue Katrin Wagner et à moi-même, de participer à l’expédition avec le RV Belgica en Islande en tant que partenaires du projet DEHEAT. À ce titre, nous mettons notre expertise au service de nos recherches et de celles de DEHEAT », explique Christian.

Cependant, le déploiement et la récupération du long carottier à gravité sont loin d’être faciles. Et une fois dans l’eau, l’échantillonnage du fond ne s’avère pas facile non plus. Le RV Belgica, polyvalent et interdisciplinaire, n’est pas parfaitement équipé pour ce type d’échantillonnage. Il faut beaucoup d’inventivité et une compréhension progressive pour réussir la procédure, mais l’équipage très motivé y parvient et livre régulièrement des « longues carottes » utiles aux scientifiques.

Un Christian ravi après plusieurs tentatives pour obtenir une bonne carotte longue.

Christian : « Le long carottier à gravité ne peut pas être déployé sur les côtés du RV Belgica, il faut donc le faire à partir de la poupe. Si la houle fait que l’amplitude du mouvement de la poupe dépasse la précision avec laquelle la position du carottier par rapport à la profondeur du fond marin est connue, il est presque impossible d’appliquer cette méthode avec succès. Il faut parfois s’y reprendre à plusieurs fois, mais grâce à l’équipage, on finit par obtenir de bonnes carottes ». Il ajoute en riant : « C’est pourquoi j’aime tant travailler dans le centre de l’Arctique. Là, la glace empêche le navire de bouger et nous pouvons travailler avec plus de précision ».

Enfin, il existe un cinquième moyen de remonter les sédiments à la surface lors de la campagne DEHEAT : l’atterrisseur benthique. Cependant, il serait irrespectueux de considérer cet appareil comme une simple prise de sédiment. Après tout, l’atterrisseur fait bien plus que cela. Il s’agit d’une plate-forme envoyée dans les profondeurs pour prendre des mesures sur le fond marin lui-même, équipée de ce que l’on appelle des « chambres de flux benthiques » qui mesurent le flux de substances entre le fond marin et l’eau qui le surplombe. L’atterrisseur reste sur le fond marin pendant un ou plusieurs jours, tandis que les scientifiques de DEHEAT, dans une autre station, prélèvent des échantillons et effectuent les actions préprogrammées, tout en stockant les données résultantes dans un enregistreur de données alimenté par une batterie.

L’atterrisseur benthique utilisé lors de l’expédition DEHEAT appartient à l’Université de Göteborg, Suède, qui emploie un véritable gourou de l’atterrisseur benthique en la personne de Mikhael Kononets. Il est presque inconcevable que l’atterrisseur soit déployé sans la présence de Mikhael pour superviser l’opération. L’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique a donc conclu un contrat avec lui pour la durée de l’aventure du RV Belgica en Islande, ainsi que pour l’expédition suivante au Groenland. Il a embarqué à Galway, en Irlande, et a été constamment impliqué dans l’atterrisseur pendant le voyage vers l’Islande et pendant le séjour de deux jours à Reykjavik. Mikhael et l’atterrisseur semblent liés et il n’a même pas posé le pied sur le sol islandais, mais il s’est occupé de veiller à ce que l’atterrisseur soit parfaitement prêt pour ses fonctions à bord du RV Belgica. « C’est juste du béton, c’est partout pareil, n’est-ce pas ? » plaisante-t-il.

La récupération de l’atterrisseur benthique.

Le déploiement de l’atterrisseur depuis le RV Belgica, et surtout son retour à bord, demandent un certain travail. Mikhael explique comment cela fonctionne : « Ce n’est pas tant le déploiement de l’atterrisseur qui pose problème. Il peut être soulevé par-dessus bord, puis le ballast le fait couler au fond de la mer. De vieux rails de chemin de fer, donnés par la société suédoise Stena Recycling, sont utilisés comme ballast dans ce cas. Une fois que l’atterrisseur a fait son travail, nous activons le mécanisme de libération à l’aide d’un signal acoustique via un hydrophone, après quoi les compartiments remplis de polystyrène le font remonter à la surface. Les spores sont laissées sur place, ce qui n’est pas un problème car la production primaire en mer est limitée par la disponibilité du fer ».

Ce n’est qu’ensuite que le plus dur commence : ramener l’atterrisseur à bord. Mikhael : « Nous devons d’abord repérer l’atterrisseur flottant. En général, nous connaissons très précisément sa position, mais si nous ne pouvons pas le voir tout de suite – en raison de l’action des vagues, par exemple – nous pouvons utiliser un simple signal radio pour déterminer dans quelle direction chercher. Une fois trouvé, l’atterrisseur est alors soigneusement remorqué à l’aide d’un RHIB (bateau pneumatique à coque rigide) jusqu’à la poupe du RV Belgica, d’où il peut être hissé à bord. Le temps qui s’écoule entre l’appel de l’atterrisseur et sa remontée dans la colonne d’eau peut parfois être éprouvant pour les nerfs… Après tout, il y a déjà eu des cas d’atterrisseurs perdus à jamais… ».

Mikhael ajuste l’atterrisseur benthique.

Pour mettre à l’eau cette grande variété de matériel d’échantillonnage, pour l’échantillonnage proprement dit de la colonne d’eau et du fond, et pour récupérer le matériel, il est évidemment très important que la plate-forme sur laquelle se déroulent ces opérations soit très stable et reste très précise sur place. Le RV Belgica est en effet un navire très stable, mais le vent et l’action des vagues sont également importants et on dépend aussi de la houle. Pour la seconde, le système de positionnement dynamique entre en jeu. Le positionnement dynamique est un système contrôlé par ordinateur qui maintient automatiquement la position et la trajectoire d’un navire en utilisant ses propres hélices et propulseurs. L’équipe DEHEAT est comblée : tous les échantillonnages se déroulent comme prévu à Hvalfjördur grâce à des conditions favorables et au positionnement dynamique du RV Belgica. Croisons les doigts pour qu’il en soit de même plus tard sur le plateau continental.

Ne vous méprenez pas, les techniques d’échantillonnage du sol mentionnées ne sont pas seulement utilisées le jour où elles sont décrites dans ce blog, mais font partie de la routine quotidienne. Il en va de même pour le CTD dont nous avons parlé précédemment et pour de nombreuses opérations et analyses qui suivront.

Et le fjord ? Qui reste pittoresque !

Belle Hvalfjördur.

DEHEAT 2023/04 – Hvalfjördur – Cinq façons de faire remonter la boue à la surface (1)

27 juin 2023 – Combien de méthodes pouvez-vous imaginer pour faire remonter la boue des fonds marins à la surface ? Pas moins de cinq techniques seront utilisées lors de la campagne DEHEAT avec le RV Belgica, toutes de conception différente mais avec un objectif commun : apporter aux scientifiques des échantillons de la précieuse boue, de ses habitants et de ses gradients chimiques, sans les mouiller ! Mais les empêcher de se salir n’est pas garanti ! Certes, il est préférable de parler de « sédiments » plutôt que de boue, car techniquement, ce n’est pas toujours de la boue qui est remontée à la surface. De même qu’une eau n’est pas l’autre, un sédiment n’est pas non plus l’autre.

Commençons par la méthode la plus simple et la moins sophistiquée, qui est généralement le premier échantillonneur de sédiments déployé à chaque nouvelle station d’échantillonnage au cours de la campagne DEHEAT : la benne Van Veen (ou simplement le Van Veen). Dès que le CTD est de retour à bord. Cet instrument n’est rien d’autre qu’un seau en acier inoxydable en forme de coquille qui s’ouvre comme des ciseaux au fur et à mesure qu’il descend dans la colonne d’eau. Le mécanisme de verrouillage est libéré lorsque l’appareil touche le fond marin, ce qui permet aux moitiés du seau de se refermer et de saisir un échantillon de sédiments lorsque l’appareil est remonté.

La benne Van Veen

Dans le cadre du programme étendu, un carottier à boîte est généralement envoyé sur le fond marin lorsque l’échantillonnage Van Veen est terminé. Cette opération peut être effectuée une ou plusieurs fois, en fonction des besoins d’échantillonnage. Techniquement, le carottier à boîte est également un dispositif de collecte de sédiments assez simple, composé essentiellement d’une carotte cylindrique qui s’appuie sur des poids pour aider le cylindre à pénétrer dans le fond marin et d’une bêche qui scelle la carotte par le bas pour empêcher la perte de l’échantillon de sédiments lorsque l’appareil est remonté à la surface.

Le carottier à boîte

La prochaine étape du programme consiste à déployer le carottier GEMAX. Il ressemble un peu à une double torpille avec des ailes (voir photo, montrant l’appareil avant qu’il ne soit descendu sur le fond marin) où des conteneurs d’échantillons tubulaires sont insérés dans les deux carottes qui sont retirées après avoir été récupérées – avec l’espoir qu’elles soient remplies de sédiments.

Le carottier GEMAX

Contrairement à la benne Van Veen et au carottier à boîte, le GEMAX n’est pas seulement déployé une ou plusieurs fois à chaque station d’échantillonnage, mais recueille jusqu’à 22 carottes de sédiments par site.

Per Hall, biogéochimiste marin et professeur émérite à l’université de Göteborg, explique : « Le GEMAX prélève des carottes non perturbées et fournit donc un échantillon de sédiments plus représentatif que, par exemple, le carottier à boîte. Ce dernier perturbe davantage les sédiments, pour plusieurs raisons. L’une d’elles est qu’il a une très grande « vague d’arc » qui peut éloigner les particules de la surface des sédiments. En outre, le sédiment à l’intérieur de la boîte peut être plus perturbé, il peut y avoir des fissures, de l’eau peut s’infiltrer entre la paroi de la boîte et le sédiment. Cela ne pose souvent pas de problème, par exemple si vous cherchez des échantillons de faune, mais si vous voulez des gradients chimiques non perturbés dans vos carottes, comme c’est le cas pour de nombreuses analyses biogéochimiques de DEHEAT, le GEMAX est un bien meilleur choix. Le choix du carottier dépend donc de l’objectif de l’échantillonnage ».

Per est un académique senior qui n’hésite pas à se salir les mains. » Bien que je sois officiellement à la retraite, je continue à faire de la recherche à temps partiel parce que cela m’intéresse et m’enthousiasme toujours. Aujourd’hui, je participe à cette expédition à l’invitation de Sebastiaan, en essayant d’apporter mon expertise à l’ensemble de la chaîne, depuis les aspects pratiques de l’échantillonnage jusqu’aux discussions sur les données ».

Per avec un échantillon de sédiment du carottier GEMAX.

Saheed Puthan Purayil, de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, aide Per à prélever les différentes carottes de sédiments. Il est titulaire d’un doctorat en océanographie physique et possède une vaste expérience de la recherche, des prévisions et de la modélisation océaniques. Mais se retrousser les manches ne fait pas partie de ces expériences.

Saheed nettoie les carottes du GEMAX entre les sessions d’échantillonnage.

« J’ai participé à de nombreuses expéditions scientifiques en mer, parfois en tant que scientifique en chef, mais c’est la première fois que j’aide à prélever des carottes de sédiments. Je trouve spécial de voir comment les carottes sont traitées après que nous les ayons remises à d’autres scientifiques, et comment certaines données apparaissent déjà au cours de l’expédition », explique-t-il.

Saheed apprécie manifestement de faire partie de l’expédition DEHEAT : « C’est aussi une expédition amusante et passionnante, avec des scientifiques issus de domaines et d’instituts si différents et de nationalités si diverses, ainsi qu’un navire et un équipage formidables. Et tout le monde est très amical ! »

Tous les carottiers de sédiments susmentionnés et le CTD seront déployés sur le côté tribord du RV Belgica, à l’aide d’une grue et d’un treuil spécialement installés pour le déploiement de ces instruments.

Le CTD dispose même de son propre hangar et de son propre système d’exploitation, car il ne faut pas que des sédiments volants contaminent les précieux échantillons d’eau. Je plaisante ! Bien entendu, les sédiments sont également manipulés avec le plus grand soin. Mais lorsque l’on nettoie les carottiers entre deux prélèvements (parce que même les résidus de sédiments d’un prélèvement ne doivent pas affecter le suivant), il n’est pas inconcevable que des sédiments se retrouvent sur la rosette CTD ou dans les échantillons d’eau. Et pour les scientifiques qui effectuent un échantillonnage CTD précis et propre, il est également plus correct et plus agréable de pouvoir travailler à l’abri dans de mauvaises conditions météorologiques.

En parlant de météo, nous avions été prévenus que le temps en Islande peut prendre n’importe quelle forme en été également. C’est ce que nous avons constaté aujourd’hui, avec une alternance de soleil, de nuages, de brouillard, d’une rafale de pluie et même d’un flocon de neige. Mais Hvalfjördur est resté d’une beauté saisissante dans toutes ces conditions !

C’est un plaisir de travailler dans le paysage fantastique de Hvalfjördur.

DEHEAT 2023/03 – Hvalfjördur – À la recherche de l’eau

26 juin 2023 – Le RV Belgica est en pleine effervescence ce matin, alors que le navire quitte le port de Reykjavik pour se rendre à sa première station d’échantillonnage. La route n’est pas longue, car les premiers jours de l’expédition se dérouleront dans un fjord situé juste au nord de la capitale islandaise. Le fjord en question est le Hvalfjördur, littéralement traduit par « fjord des baleines ». Il faut moins de deux heures pour arriver à la station HF3, qui a le privilège d’être la première à être échantillonnée. Ce premier prélèvement est toujours un moment crucial, car il est certainement préférable pour le moral de commencer par un succès. Une seule chose est sûre pour l’instant : le temps ne sera certainement pas un rabat-joie ! L’eau est calme, le vent absent et le soleil agréable.

Le RV Belgica navigue vers Hvalfjördur.

La campagne DEHEAT commence par le déploiement du CTD, qui deviendra le point de départ habituel des opérations sur chaque site d’échantillonnage. CTD signifie conductivité, température et profondeur, des paramètres mesurés par des capteurs intégrés dans une structure qui consiste en 24 bouteilles Niskin placées en rosette. Par souci de simplicité, nous appellerons l’ensemble « CTD ».

La rosette contenant 24 bouteilles Niskin et les capteurs CTD quitte le hangar CTD du RV Belgica.

La construction CTD est un outil océanographique essentiel. Lorsque le CTD descend dans la colonne d’eau jusqu’à la surface du fond, la profondeur et les changements de température, de salinité et de teneur en oxygène de l’eau peuvent être suivis en temps réel sur un ordinateur. En fonction de l’évolution de ces paramètres, les scientifiques décident à quelle profondeur des échantillons d’eau seront prélevés. C’est là qu’interviennent les bouteilles Niskin, qui peuvent être fermées à distance, une à une, d’un simple clic de souris. Cela se produit pendant le voyage de retour de la rosette vers la surface.

Contrôle en temps réel de la température, de la salinité et de la teneur en oxygène pour déterminer la profondeur à laquelle les différentes bouteilles Niskin sont fermées.

Lors du premier voyage du CTD vers le fond et de sa remontée, le ‘wetlab’ (laboratoire humide) qui abrite l’ordinateur sur lequel les paramètres du CTD sont contrôlés a été particulièrement occupé. Tout le monde voulait être personnellement témoin des toutes premières données apparues au cours de l’expédition DEHEAT. Dans les jours qui suivent, ce moment sera beaucoup moins fréquenté. Cela n’a bien sûr rien à voir avec une perte d’intérêt, mais est entièrement dû au fait qu’aucune autre activité n’avait encore commencé pendant le tout premier CTD. Dans les stations suivantes, la situation sera très différente, et le calendrier des activités des différents scientifiques sera donc lui aussi de plus en plus différent.

Un wetlab très peuplé pendant les premières mesures CTD.

Par la suite, ce seront principalement quelques visages habituels qui seront présents à chaque CTD, prenant les décisions concernant la collecte d’échantillons d’eau et la fermeture des bouteilles Niskin. Outre Sebastiaan van de Velde, scientifique en chef de DEHEAT, l’équipe CTD permanente se compose de Kate, Lei et Felipe. Ce sont également eux qui prélèveront éventuellement des échantillons du contenu des bouteilles Niskin, de différentes manières et à différentes fins.

L’administration est assez lourde, car chacun à bord veut sa part d’eau, et l’une des eaux s’avère ne pas être l’autre … Des échantillons doivent être prélevés pour déterminer l’alcalinité, le carbone inorganique dissous, les nutriments, le silicium, les métaux, l’oxygène, le magnésium et le strontium, la salinité, … et tous ces échantillons sont nécessaires dans des volumes différents, doivent être stockés dans des conteneurs différents, nécessitent un traitement différent et doivent être transportés à différents endroits du navire. Pour compliquer encore les choses, certains échantillons ne doivent être prélevés que dans le fjord, ou plus tard seulement en haute mer, ou seulement à certaines profondeurs, et différents participants à l’expédition viennent avec des bouteilles de grande taille ou même plus grandes pour obtenir également leur part d’eau …

Kate Hendry a la tâche importante d’assurer le suivi des données, non seulement pour l’échantillonnage CTD, mais aussi pour presque tous les échantillons prélevés au cours de l’expédition. Kate est climatologue océanique, océanographe chimiste ou biogéochimiste au British Antarctic Survey. Elle fait partie du comité scientifique et du comité directeur de DEHEAT et a également été désignée comme deuxième responsable scientifique de l’expédition.

Kate Hendry (British Antarctic Survey) est co-responsable scientifique et gestionnaire des données générales lors de l’expédition DEHEAT avec le RV Belgica.

 Kate explique ce que cela signifie : « Le travail de co-responsable scientifique consiste à vérifier le bon sens et à donner son avis au responsable scientifique. Lors d’une expédition comme celle-ci, il y a beaucoup de choses à penser et à surveiller, et de nombreuses décisions importantes doivent être prises. Mon travail consiste à proposer des idées, des suggestions, des alternatives et des solutions à tous les problèmes. Mais pour être honnête, Sebastiaan fait un excellent travail, donc pour moi ce n’est pas trop grave, tout se passe bien ».

En ce qui concerne la tâche consistant à tout suivre, elle ajoute : « Outre la science, je me concentre sur la gestion des données, je m’occupe de la paperasserie et je veille à ce que tout soit archivé. La dernière chose que l’on souhaite, c’est que des documents importants se perdent, c’est pourquoi je m’assure que tout est scanné et archivé. Cela s’avère parfois utile, même des mois ou des années après une campagne sur le terrain, si quelque chose déroute ou intrigue les chercheurs, les obligeant à revenir aux journaux originaux vitaux ».

Revenons maintenant à l’échantillonnage CTD. Felipe Sales de Freitas, océanographe chimiste/ géochimiste et chercheur postdoctoral à l’Université Libre de Bruxelles, est directement impliqué dans le projet DEHEAT, fournissant ce que l’on peut considérer comme « l’échantillonnage CTD à petit volume » pour toute une série de cibles, dont la plupart nécessitent que l’eau soit filtrée des bouteilles Niskin.

« Mais d’abord, nous devons accomplir le rituel sacré qui consiste à rincer chaque récipient ou outil trois fois avec l’eau que nous allons échantillonner », explique-t-il en riant. « Ensuite, nous pressons l’eau dans des seringues et des filtres jusqu’à ce que nos pouces soient complètement à l’étroit. »

Felipe explique son rôle dans l’expédition DEHEAT Belgica comme suit : « Dans cette expédition, je suis essentiellement une paire de mains supplémentaire dans diverses actions d’échantillonnage en raison de mon expérience dans l’échantillonnage sur le terrain et l’analyse. Plus tard, j’utiliserai une grande partie des données issues du carottage des sédiments et de l’analyse de l’eau pour la modélisation géochimique de DEHEAT ».

Felipe Sales de Freitas (ULB) pendant le traitement des échantillons d’eau du CTD.

Lei Chou, quant à elle, traîne de grands récipients entre les bouteilles Niskin et un système de filtration plus sophistiqué qu’elle a apporté elle-même et qui est mieux adapté au filtrage de plus grands volumes. Biogéochimiste marin et professeur émérite à l’Université libre de Bruxelles, elle reste active et impliquée dans la recherche et la formation des étudiants.

Lei a eu très peu de temps pour se préparer à l’expédition DEHEAT, mais elle en tire le meilleur parti : « On m’a proposé une couchette sur le RV Belgica quelques semaines seulement avant le début de l’expédition, une place s’étant soudainement libérée en raison de l’annulation d’un autre participant. J’ai dû faire vite et envoyer deux valises de matériel à Reykjavik car le Belgica avait déjà quitté son port d’attache de Zeebrugge. En effet, je voulais profiter de l’occasion pour collecter des échantillons supplémentaires pour les matières en suspension, les nutriments, les métaux et la teneur en chlorophylle afin de compléter le plan DEHEAT déjà très ambitieux ».

Lei Chou (ULB) lors du traitement des échantillons d’eau du CTD.

Nous pouvons être sûrs que l’eau de mer islandaise aura beaucoup moins de secrets après l’analyse des échantillons de DEHEAT.

DEHEAT 2023/02 – Se préparer pour l’Islande

25 juin 2023, 17h00 – Il serait faux de prétendre que les préparatifs d’une expédition en mer commencent le jour de l’embarquement des participants. En réalité, les préparatifs durent depuis longtemps, depuis la conceptualisation, la rédaction de la proposition de projet, la préparation et la soumission de la demande d’utilisation du navire choisi, jusqu’à la préparation pratique de l’expédition.

Cette dernière étape est une tâche titanesque, surtout pour une expédition à caractère international comme l’expédition DEHEAT. En effet, du matériel a dû être envoyé de différents endroits d’Europe à Zeebrugge et Reykjavik, tout a dû trouver une place logique à bord, et toute une série d’équipements d’échantillonnage et de laboratoires ont également dû être préparés et mis en place pour pouvoir être utilisés dès le début de l’expédition proprement dite. Un certain nombre de scientifiques étaient déjà montés à bord à Galway à cette fin, afin d’effectuer les préparatifs nécessaires pendant le voyage de l’Irlande à l’Islande.

Mais aujourd’hui, le grand jour est enfin arrivé : tous les scientifiques qui participeront à l’expédition DEHEAT en Islande jettent leur premier regard sur le RV Belgica, le navire à bord duquel ils passeront 17 nuits et donneront le meilleur d’eux-mêmes pendant les jours qui suivront.

RV Belgica dans le port de Reykjavik, Islande, 24 juin 2023 (© IRSNB/K. Moreau)

Ils sont 22, issus d’universités et d’instituts de Belgique, du Royaume-Uni, d’Allemagne, du Danemark et de Suède, mais ils représentent bien plus de nationalités différentes. Certains ont déjà travaillé ensemble, mais il y a aussi beaucoup de nouveaux visages.

Ce n’est pas un luxe superflu que de compiler un aperçu des photos avec les noms, ce qui permet aussi à l’équipage habituel du RV Belgica de savoir immédiatement qui est qui. L’aperçu est accroché dans le mess, pratiquement le seul endroit à bord où tout le monde se rend plusieurs fois par jour. Tout le monde le voit donc régulièrement et peut rapidement associer des noms aux nombreux visages !

Le désordre scientifique de l’aventure DEHEAT dans les eaux islandaises avec le RV Belgica (© IRSNB/K. Moreau)

Le départ n’est prévu que demain matin, mais la première soirée à bord est immédiatement mise à profit. Tout d’abord, il y a l’indispensable briefing de sécurité donné par le chef Sam, où tout le monde est informé des différentes procédures de sécurité et du comportement attendu à bord. Nous avons également tous dû enfiler une combinaison de sauvetage, ce qui a parfois donné lieu à des scènes hilarantes.

Sebastiaan, le scientifique en chef de DEHEAT, n’échappe pas non plus à la mise en place de la combinaison de sauvetage 😉 (© IRSNB/K. Moreau)

Ensuite, l’ordre du jour scientifique. Sebastiaan, scientifique en chef, résume la mise en place du projet DEHEAT, en insistant évidemment sur le rôle crucial de l’expédition RV Belgica. Le déroulement et les activités de la première journée d’échantillonnage sont également passés en revue.

Discussion détaillée des plans pour la première journée d’échantillonnage de l’expédition (© IRSNB/K. Moreau)

Le pont, mais aussi les laboratoires du RV Belgica, seront entièrement occupés pendant cette expédition. Une bonne organisation est indispensable pour que tout le monde puisse travailler efficacement. Astrid, responsable des laboratoires, prend donc la parole pour expliquer les procédures et prendre les bonnes dispositions.

Astrid, responsable du laboratoire, explique les procédures de laboratoire (© IRSNB/K. Moreau)

Assez parlé de la première soirée ! Profitons tous de la dernière soirée qui, nous en sommes sûrs, se déroulera dans un environnement stable.

DEHEAT 2023/01 – Utiliser l’océan pour réduire la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère

Première mission du RV Belgica dans le Grand Nord

Le 26 juin 2023, une équipe internationale de scientifiques a donné le coup d’envoi de la première mission arctique du nouveau navire de recherche océanographique belge RV Belgica. Ils ont embarqué à Reykjavik, capitale de l’Islande, et passeront 16 jours dans les fjords et sur le plateau continental islandais afin d’étudier les possibilités de réduire la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère en favorisant l’altération des silicates dans l’océan. Ce processus pourrait contribuer à contrer activement le réchauffement climatique actuel.

RV Belgica (© Freire Shipyard)

Le changement climatique est l’un des plus grands défis mondiaux du 21e siècle et nécessite d’urgence une action ambitieuse, transformatrice et collective pour limiter le réchauffement de la planète. En 2015, les représentants de 196 pays se sont réunis lors de la conférence des Nations unies sur le climat à Paris et ont signé un accord historique visant à limiter l’augmentation de la température moyenne mondiale à moins de 2 degrés Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.

Cependant, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) continuent d’augmenter et les concentrations atmosphériques ont atteint des niveaux sans précédent depuis au moins 800 000 ans. L’humanité est arrivée à un point où la prévention des émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère – « l’atténuation conventionnelle » – n’est plus suffisante pour atteindre l’objectif ambitieux. Nous devons également éliminer activement le dioxyde de carbone de l’atmosphère à l’aide de technologies à émissions négatives pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris de 2015.

Amélioration de l’altération des silicates

Une approche prometteuse des technologies d’émissions négatives est l’amélioration de l’altération des silicates (Enhanced Silicate Weathering). Ce processus tire parti de l’altération naturelle des minéraux silicatés, où la dissolution des silicates consomme le dioxyde de carbone de l’atmosphère.

Le concept d’altération marine des silicates consiste à répandre des minéraux silicatés sur les fonds marins des mers côtières. Des expériences récentes ont montré que l’altération pouvait être accélérée de cette manière. L’idée est que la disponibilité accrue des silicates, qui se traduit par une alcalinité plus élevée des océans (une plus grande capacité de l’eau à contrer l’acidification), améliorera l’absorption du dioxyde de carbone, réduisant ainsi les concentrations dans l’atmosphère.

DEHEAT

D’autre part, on ne sait pas si les taux d’altération élevés observés dans les expériences se produisent réellement dans les environnements naturels et quelle serait l’efficacité du processus d’extraction du dioxyde de carbone dans ces environnements. Pour lever ces incertitudes, un groupe de chercheurs de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), de l’Université d’Anvers et de l’Université libre de Bruxelles ont uni leurs forces dans le cadre du projet « DEHEAT – Natural analogues and system-scale modelling of marine enhanced silicate weathering » (Analogues naturels et modélisation à l’échelle du système de l’altération marine des silicates).

« Nous voulons étudier pour la première fois la faisabilité et l’efficacité de l’altération des silicates dans des conditions marines en utilisant l’océan côtier comme un réacteur biogéochimique naturel à grande échelle », explique Sebastiaan van de Velde, coordinateur de DEHEAT à l’Université d’Anvers et à l’IRSNB. « Une deuxième question cruciale concerne les effets secondaires possibles sur les écosystèmes marins, qu’ils soient positifs ou négatifs », ajoute-t-il.

Avec RV Belgica vers l’Islande

Pour combler ces lacunes critiques, l’équipe DEHEAT a mis sur pied une expédition scientifique spécialisée à bord du nouveau navire de recherche belge RV Belgica afin de quantifier la géochimie et la minéralogie des sédiments à un endroit qui sert d’analogue naturel pour l’altération améliorée des silicates : le plateau continental de l’Islande, qui est riche en basalte. Le basalte est une roche volcanique dont la teneur en silice et la vitesse d’altération conviennent aux recherches envisagées. L’Islande est donc un endroit idéal pour atteindre les objectifs de DEHEAT.

Sites d’échantillonnage DEHEAT autour de l’Islande pendant l’expédition Belgica 2023 (© Google Maps 2023 – TerraMetrics 2023, DEHEAT)

L’équipe, dirigée par Sebastiaan van de Velde et renforcée par l’expertise scientifique de collègues et d’équipements de l’Université de Gand, du British Antarctic Survey (Royaume-Uni), de l’Université de Bonn (Allemagne), de l’Université du Danemark du Sud (Danemark) et de l’Université de Göteborg (Suède), a embarqué sur le RV Belgica le lundi 26 juin à Reykjavik, la capitale islandaise. Ils passeront 16 jours dans les fjords et sur le plateau continental islandais, avant de rentrer à Reykjavik le 11 juillet 2023.

Au cours de l’expédition, l’équipe internationale et interdisciplinaire prélèvera des échantillons d’eau, forera le fond marin de l’Islande et mesurera les taux d’altération des sédiments, mais appliquera également des modèles informatiques pour simuler les taux d’altération du fond marin autour de l’Islande. Les données recueillies seront ensuite utilisées pour une application virtuelle à grande échelle de l’altération améliorée des silicates dans la mer du Nord belge à l’aide du modèle COHERENS, qui est conçu pour un large éventail d’applications dans les zones côtières et sur le plateau continental et dont le développement est dirigé par les chercheurs de l’IRSNB.

Lors des briefings quotidiens dans la salle de conférence du RV Belgica, Sebastiaan van de Velde (au centre, à l’arrière), chercheur principal du projet DEHEAT, évalue le travail de la journée et informe tous les scientifiques des actions d’échantillonnage et des expériences prévues pour le lendemain.

Une première dans le Nord

La capacité de l’équipe scientifique à mener à bien cette mission tient au fait que le nouveau navire de recherche Belgica est équipé pour une telle recherche interdisciplinaire et dispose d’une autonomie qui lui permet de rester en mer sans interruption pendant une période suffisamment longue. Dès la conception du nouveau RV Belgica, l’un des principaux objectifs était de mettre les eaux arctiques à la portée de la recherche belge et européenne. Dans ce contexte, la documentation et la recherche sur le changement climatique et le développement de mesures d’atténuation du changement climatique étaient des objectifs importants. Pour permettre des opérations au bord de la banquise pendant la saison estivale, le RV Belgica dispose même d’un renforcement léger pour la glace.

Le voyage nordique du RV Belgica vers l’Islande n’est pas un voyage isolé. En effet, le navire a déjà quitté son port d’attache de Zeebruges le 6 juin et a d’abord terminé une expédition dirigée par le Renard Centre of Marine Geology de l’Université de Gand, qui étudiait les processus sédimentaires (passés et présents) au large de la côte sud-ouest de l’Irlande, notamment dans la zone des monticules du Belgica (montagnes sous-marines aux flancs abrupts découvertes avec le Belgica précédent). Après une brève escale à Galway, en Irlande, et un transit vers Reykjavik, la partie DEHEAT de l’aventure internationale a commencé. Le RV Belgica se rendra ensuite au Groenland où une autre équipe scientifique embarquera, dirigée par le groupe de recherche en biologie marine de l’université de Gand. Ils étudieront comment le changement climatique, et plus particulièrement la fonte des glaciers, affectera la dynamique du carbone, les communautés biologiques et le réseau alimentaire dans les fjords du Groenland, un écosystème marin typique de l’Arctique (projet CANOE). Le retour du RV Belgica à Zeebrugge est prévu pour le 13 août.

 

DEHEAT (ainsi que CANOE) est financé par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO) en tant que bénéficiaire d’un appel spécifique destiné à donner un élan au lancement de la recherche sur le nouveau RV Belgica et à permettre aux chercheurs d’apprendre à connaître le navire et son potentiel. DEHEAT se déroule du 15 décembre 2021 au 15 mars 2026.

De plus amples informations sur le RV Belgica peuvent être consultées sur les sites web du navire chez l’IRSNB (y compris les positions en direct et les images de la webcam) et BELSPO. Le navire et ses activités scientifiques peut également être suivi sur Facebook et Twitter.

SEADETECT : Réduire les collisions entre les navires et les baleines

Dans le cadre du projet SEADETECT financé par le programme LIFE de l’Union européenne, l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique contribuera au développement et à la validation d’un système de détection automatique des mammifères marins pour prévenir les collisions entre les navires et les cétacés.

Un rorqual commun reste coincé sur le bulbe d’étrave d’un navire après une collision, arrivant avec lui dans le port de Gand en novembre 2015. (© IRSNB/J. Haelters)

Aujourd’hui, l’économie mondiale repose principalement sur le trafic maritime qui représente 80 % du commerce mondial en volume et 70 % en valeur. Ce trafic intense implique un nombre croissant de navires se déplaçant de plus en plus vite sur les mers et les océans du monde, ce qui augmente considérablement le risque de collision avec les cétacés.

Les collisions entre les navires et les baleines entraînent souvent la mort des animaux. Au cours des dernières décennies, le trafic maritime, combiné à l’augmentation de la vitesse des navires, a entraîné un doublement du nombre de collisions mortelles. Plusieurs études ont montré que les collisions avec les navires sont la principale cause de mortalité des cétacés dans certaines régions. Par exemple, les collisions avec les navires sont la principale forme de mortalité des rorquals communs et des cachalots dans le Sanctuaire Pelagos en Méditerranée, une zone pour laquelle la France, Monaco et l’Italie ont conclu un accord de protection des mammifères marins.

Dans l’Arctique, le changement climatique devrait entraîner une exposition accrue des espèces de cétacés vulnérables au risque de collision. À l’échelle mondiale, la réduction de la mortalité due aux collisions profitera aux populations de baleines qui se remettent encore des effets de la surchasse historique et continuent de souffrir de la dégradation de l’habitat causée par l’homme.

Face à cette situation, le projet SEADETECT développe une nouvelle solution qui devrait permettre aux navires de réduire de 80 % les collisions avec les cétacés.

Prévenir les collisions entre les navires et les baleines

Les collisions sont souvent dues à la combinaison de trois facteurs : la capacité de détection, le temps de réaction de l’équipage et le temps nécessaire pour manœuvrer le navire, qui dépendent tous de la taille et de la vitesse du navire et de l’état de la mer. Le projet SEADETECT développera trois systèmes pour réduire ces collisions :

  • Un système à bord des navires qui détectera en temps réel les objets non identifiés, en particulier les mammifères marins.
  • Un réseau de bouées de surveillance acoustique passive situées dans les zones à risque en mer qui déterminera et triangulera la position des cétacés en temps réel.
  • Un logiciel de partage des données de détection, alimenté par les détections, pour informer les navires dans la zone des risques de dangers.
Schéma du projet SEADETECT pour la détection automatisée des mammifères marins et des obstacles, et système anti-collision pour les navires. (© SEADETECT)

Le RV Belgica comme plateforme d’essai

« Le système de détection automatique et d’anticollision sera utilisé dans l’infrastructure multisensorielle existante du navire national de recherche océanographique RV Belgica et sera validé par les scientifiques de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique au cours des expéditions et des campagnes de surveillance du navire. » clarifie Bob Rumes de l’équipe de d’écologie et de gestion marine de l’IRSNB (MARECO).

Le système de détection automatique et d’anticollision détectera de manière autonome les cétacés, mais aussi les obstacles ou les objets flottants tels que les conteneurs, afin d’éviter les collisions avec les navires. Grâce à un système performant de fusion et de traitement des données, cette solution permettra de détecter en temps réel un objet de 2 mètres de long en surface à une distance de 1 km, de jour comme de nuit, même dans des conditions maritimes complexes (forts états de mer ou mauvaises conditions météorologiques). Par ailleurs, les chercheurs étudieront également l’impact d’une application générale de ce système de détection et d’anti-collision sur plusieurs espèces cibles comme alternative à d’autres mesures possibles.

Le RV Belgica sera également utilisé comme plate-forme d’essai dans le cadre de SEADETECT. (©Belgian Navy/J. Urbain)

Le projet SEADETECT, coordonné par Group Naval (FR), durera quatre ans et réunira dix partenaires de trois pays européens : Belgique, France et Italie. De plus amples informations sont disponibles sur le site web du projet : https://life-seadetect.eu/ .

Le programme LIFE est un instrument financier de la Commission européenne destiné à soutenir des projets privés et publics innovants dans les domaines de l’environnement et du climat.

Exposition de photos RV Belgica, Nieuwe Gaanderijen, Ostende

Du 10 mai au 4 juillet 2023, les « Nieuwe Gaanderijen » d’Ostende accueillent l’exposition de photos « Christian Clauwers : en première ligne du réchauffement climatique », consacrée au RV Belgica et à la recherche en sciences marines. Toutes les images sont de l’explorateur-photographe Christian Clauwers et ont été prises lors d’une expédition sur le Belgica, le navire de recherche belge de la Politique scientifique fédérale et de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

Adresse: Nieuwe Gaanderijen, Koning Boudewijnpromenade (Zeedijk) z/n – 8400 Ostende

Prix : gratuit

Un laboratoire flottant

Christian Clauwers n’est pas seulement un photographe, mais aussi un explorateur, un conférencier et un auteur. Il a déjà fait deux fois le tour du monde à la voile, visité pas moins de 114 pays sur les sept continents et exploré certaines des îles les plus reculées de la planète. Son travail se concentre sur la relation fragile – et le conflit potentiel – entre l’homme et la nature.

Des scientifiques en première ligne

Christian Clauwers a eu l’opportunité unique de participer à l’expédition TalPro22 qui a mis le cap sur la mer Tyrrhénienne.  À bord du Belgica, il a documenté à la fois la recherche scientifique et l’impact de la relation entre l’homme et la nature. Le navire dispose de plus de 400 mètres carrés d’espace de laboratoire et transporte plusieurs instruments de mesure océanographiques de haute technologie. Par exemple, la rozette, une structure cylindrique à laquelle sont suspendus des tubes pour l’échantillonnage et des appareils de mesure, peut être descendue jusqu’à une profondeur de 5 000 mètres. Il faut deux heures pour remonter l’instrument, et ce dans des conditions qui peuvent changer rapidement. Le navire est équipé d’une technologie satellite qui lui permet de maintenir sa position au mètre près, même dans les conditions météorologiques les plus difficiles. Les photos nous permettent de jeter un coup d’œil dans les coulisses de ces expériences impressionnantes.

Une visite incontournable pour tous ceux qui se préoccupent de l’avenir de notre planète.

Mais l’expo, c’est plus que de belles images. Face à la mer, c’est un appel à l’action pour prendre au sérieux la fragilité de notre planète.

Christian Clauwers : « Je veux donner aux gens la possibilité de voir ce que la nature nous offre et en même temps leur montrer à quel point elle est précieuse. La série sur le Belgica l’exprime très bien, car les recherches scientifiques qui y sont menées rendent cette fragilité de la nature mesurable. Les scientifiques à bord mesurent ce que j’essaie de photographier, et maintenant je photographie ce qu’ils mesurent. C’est un échange où la flèche va dans les deux sens et c’est ce qui le rend si fascinant ».

L’exposition montre les conséquences de l’empreinte humaine et ce qui est en jeu si nous n’agissons pas pour lutter contre le changement climatique. C’est un exemple impressionnant et inspirant de la façon dont les images peuvent être utilisées pour sensibiliser et changer le monde.

Le navire de recherche Belgica rencontre des dauphins à bec blanc à deux reprises en 2022

Après que les dauphins à bec blanc aient été observées plus fréquemment dans les eaux belges au début du 21e siècle, l’espèce est récemment redevenue plus rare localement. En effet, les observations de groupes le 23 juin et le 14 décembre 2022 représentent les premières observations de dauphins à bec blanc vivantes dans les eaux belges depuis avril 2018. À ces deux dates, les animaux ont été observés depuis le nouveau navire de recherche RV Belgica.

Dauphins à bec blanc (© Diederik D’Hert)

Le jeudi 23 juin 2022, un groupe d’une douzaine de dauphins à bec blanc a été repéré à partir du navire de recherche RV Belgica dans la partie belge de la mer du Nord. Les dauphins ont été repérés par plusieurs membres de l’équipage à environ 5 km de la côte de Knokke, alors que le navire se rendait à sa cérémonie de baptême dans la ville de Gand. Les animaux nageaient en direction de l’ouest, émergeant régulièrement de l’eau. Des chercheurs de l’ILVO ont identifié les dauphins comme étant des dauphins à bec blanc, ce qui a été confirmé par une vidéo que le capitaine de corvette de la marine belge Ilja Van Hespen a pu prendre et qui montre le museau blanc distinctif et les marques claires sur les flancs avec une selle foncée.

Le mercredi 14 décembre 2022, les chercheurs de l’INBO et de l’IRSNB ont été les témoins privilégiés. Dans un premier temps, une dizaine de dauphins ont été repérés à environ 42 km de la côte belge (mesurés perpendiculairement à la côte, c’était au niveau d’Ostende), et étaient déjà soupçonnés d’être des dauphins à bec blanc. Ce n’est qu’un peu plus tard, lorsque deux individus se sont approchés plus près du navire, que cette hypothèse a pu être confirmée et documentée photographiquement par Hilbran Verstraete (INBO).

Aire de répartition

Le dauphin à bec blanc (Lagenorhynchus albirostris) fréquente les eaux tempérées froides et subarctiques de l’Atlantique Nord, principalement confinées à des zones de moins de 1 000 m de profondeur. Son aire de répartition s’étend de la côte est de l’Amérique du Nord (vers le nord à partir du cap Cod), en passant par le sud du Groenland et les eaux autour de l’Islande, jusqu’à la côte ouest de l’Europe, du nord de la France au Svalbard. En mer du Nord, on la trouve presque exclusivement dans les parties centrale et septentrionale, où la population était estimée à 20 000 animaux en 2016 (Hammond et al. ; 2017). Dans le sud de la mer du Nord, l’espèce se rapproche de la limite de son aire de répartition et les dauphins à bec sont plus irréguliers. Le dauphin à bec blanc est rare dans la Manche.

Plus nombreux et plus rares

Au début du 21ème siècle, en particulier entre 2003 et 2011, l’espèce semble avoir été moins rare chez nous pendant un certain temps (Haelters et al. ; 2018). Au cours de la période 2009-2018, 62 observations de dauphins à bec blanc ont été enregistrées dans la partie belge de la mer du Nord (Haelters et al. ; 2019), avec sans doute quelques doubles comptages, mais au cours des dernières années de cet intervalle de temps, le nombre d’observations a connu une forte diminution pour atteindre seulement 1-3 cas par an, avec également quelques observations juste en dehors de la zone belge de la mer du Nord (Haelters et al. ; 2016a, 2016b, 2017, 2018, 2019, 2020, 2021). Dans l’ensemble des données belges, un pic clair peut être observé dans la première moitié de l’année (janvier – mai), mais des observations de presque tous les autres mois sont également connues. Cependant, pour les années 2019, 2020 et 2021, il n’y a plus d’observations belges certaines de dauphins à bec blanc vivantes (Haelters et al. ; 2020, 2021, 2022), deux spécimens le 19 avril 2018 ont été la dernière observation. Jusqu’aux groupes du 23 juin et du 14 décembre 2022, ensuite. Le dauphin à bec blanc semble donc s’être à nouveau retiré plus au nord, peut-être une conséquence du changement climatique et de ses effets associés sur la distribution de leurs proies (IJsseldijk et al. ; 2018).

Échouages

Les dauphins à bec blanc mortes échouées sur le rivage (ou flottant en mer) sont également devenues plus rares le long de la mer du Nord méridionale. Alors qu’entre 2000 et 2013, une baleine à bec s’échouait en moyenne sur le rivage chaque année en Belgique, seuls trois cas sont connus depuis lors (le 29 novembre 2017 à Oostduinkerke, le 17 mai 2018 à La Panne et le 4 mars 2020 en mer près de Middelkerke). Une diminution des échouages a également été observée aux Pays-Bas (Keijl, 2016), après qu’il ait été noté précédemment que le grand dauphin (Tursiops truncatus) a disparu des listes d’échouages au début du 21ème siècle avec la fréquence croissante du dauphin à bec blanc (Camphuysen & Peet ; 2006). Nous ne souhaitons toutefois pas en déduire s’il existe réellement un lien entre les tendances opposées du grand dauphin (qui a récemment été observé plus régulièrement en Belgique) et du dauphin à bec blanc dans le sud de la mer du Nord.

Littérature

Camphuysen, C.J. & Peet, G.H., 2006. Whales and dolphins of the North Sea. Fontaine Uitgevers BV, ’s Graveland, The Netherlands.

Haelters, J., Kerckhof, F., Jauniaux, T., Potin, M., Rumes, B. & Degraer, S., 2016a. Zeezoogdieren in België in 2014 [Marine mammals in Belgium in 2014]. MARECO rapport 16/01. 29 pp.

Haelters, J., T. Jauniaux, F. Kerckhof, M. Potin & T. Vandenberghe, 2016b. Zeezoogdieren in België in 2015 [Marine mammals in Belgium in 2015]. Rapport BMM 16/01 – MARECO 16/03. 26 pp.

Haelters, J., F. Kerckhof, B. Rumes, M. Potin & T. Jauniaux, 2017. Strandingen en waarnemingen van zeezoogdieren en opmerkelijke vissen in België in 2016 [Strandings and sightings of marine mammals and some remarkable fish species in Belgium in 2016]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel. 30 pp.

Haelters, J., F. Kerckhof, K. Moreau, M. Potin, M. Doom & T. Jauniaux, 2018. Échouages et observations de mammifères marins et de poissons remarquables en Belgique en 2017 [Strandings and sightings of marine mammals and some remarkable fish species in Belgium in 2017]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel. 30 pp.

Haelters, J., F. Kerckhof, K. Moreau, B. Rumes, M. Potin, T. Jauniaux & D. Vercayie, 2019. Échouages et observations de mammifères marins et de poissons remarquables en Belgique en 2018 [Strandings and sightings of marine mammals and remarkable other species in Belgium in 2018]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel. 34 pp.

Haelters, J., F. Kerckhof, K. Moreau, B. Rumes, Team SeaLife, T. Jauniaux & P. Cornillie, 2020. Échouages et observations de mammifères marins et de poissons remarquables en Belgique en 2019 [Strandings and sightings of marine mammals and remarkable other species in Belgium in 2019]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel. 34 pp.

Haelters, J., F. Kerckhof, K. Moreau, Team SeaLife, E. Lambert & T. Jauniaux, 2021. Échouages et observations de mammifères marins et de poissons remarquables en Belgique en 2020 [Strandings and sightings of marine mammals and remarkable other species in Belgium in 2020]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel. 34 pp.

Haelters, J., Moreau, K., Team SeaLife, Jauniaux, T. & Kerckhof, F., 2022. Strandingen en waarnemingen van zeezoogdieren in België in 2021 [Strandings and sightings of marine mammals in Belgium in 2021]. Koninklijk Belgisch Instituut voor Natuurwetenschappen (KBIN), Brussel.

Hammond, P.S., Lacey, C., Gilles, A., Viquerat, S., Börjesson, P., Herr, H., Macleod, K., Ridoux, V. & Santos, M.B., 2017. Estimates of cetacean abundance in European Atlantic waters in summer 2016 from the SCANS-III aerial and shipboard surveys. Sea Mammal Research Unit, University of St Andrews, Scotland, UK.

IJsseldijk, L.L., Brownlow, A., Davison, N.J., Deaville, R., Haelters, J., Keijl, G., Siebert, U. & ten Doeschate, M.T.I., 2018. Spatio-temporal trends in white-beaked dolphin strandings along the North Sea coast from 1991-2017. Lutra 61(1): 153-163.

Keijl, 2016. Jaaroverzicht walvisstrandingen 2016. Gedownload van www.walvisstrandingen.nl, 28 maart 2017. Naturalis, Nederland.