Préserver et utiliser les Profondeurs Marines : les scientifiques appellent à un renforcement des connaissances pour une gestion durable

Un nouveau Future Science Brief du European Marine Board, dirigé par la professeure Sylvia Sander du Centre Helmholtz GEOMAR pour la recherche océanique de Kiel, avertit qu’une gestion durable des écosystèmes des grands fonds marins est impossible sans une meilleure compréhension de ceux-ci. Le rapport, publié le 11 avril 2025 lors d’un webinaire en ligne, souligne l’urgence d’un renforcement de la recherche ciblée et de l’action politique afin de protéger ces milieux essentiels mais largement inexplorés.

Les profondeurs marines, définies dans ce rapport comme les eaux et les fonds marins situés en dessous de 200 mètres, représentent environ 90 % du volume des océans. Elles jouent un rôle crucial dans la biodiversité, la régulation du climat et le cycle mondial du carbone. Pourtant, cet immense environnement est de plus en plus menacé par l’exploitation pétrolière, la pêche, l’extraction minière et le changement climatique.

Le Deep Sea and Ocean Health Working Group du European Marine Board, composé de onze chercheurs, présente dix recommandations clés pour une gouvernance durable et une conservation efficace. Celles-ci incluent la création d’un comité scientifique international, l’amélioration des études d’impact environnemental, l’investissement dans une surveillance à long terme, le renforcement de l’éducation et du transfert technologique, ainsi que l’application des principes FAIR (Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable).

« L’océan est un système interconnecté », déclare la professeure Sander. « On ne peut pas gérer les profondeurs marines indépendamment du reste de l’environnement marin. »

Autrefois considérées comme inhospitalières, les profondeurs sont aujourd’hui connues pour abriter des écosystèmes complexes, comme les sources hydrothermales et les plaines abyssales. Toutefois, beaucoup reste à découvrir. On estime que 90 % des organismes vivant dans les grands fonds n’ont pas encore été décrits, et de nombreuses lacunes scientifiques persistent en océanographie physique, géochimie marine et fonctionnement des écosystèmes.

Des défis technologiques freinent également la collecte de données. Les systèmes de surveillance actuels ne sont souvent pas adaptés aux profondeurs extrêmes, limitant notre capacité à évaluer l’impact d’activités comme l’exploitation minière des fonds marins. Une meilleure compréhension de ces systèmes est essentielle pour prendre des décisions fondées sur des données scientifiques solides et garantir une durabilité à long terme.

Les activités humaines perturbent déjà les profondeurs marines. Le réchauffement, l’acidification et la perte d’oxygène s’accélèrent sous l’effet du changement climatique. La surexploitation des ressources marines aggrave la situation. L’océan, qui stocke le CO₂, produit plus de la moitié de l’oxygène terrestre et soutient la vie, joue un rôle vital dont la dégradation mettrait la planète en danger.

Selon les auteurs, 2025 est une année charnière pour la santé des océans. Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 et enrayer la perte de biodiversité dès maintenant est crucial pour éviter des conséquences irréversibles. « Le changement climatique est l’une des menaces les plus alarmantes pour la vie sur Terre », prévient Sander. « Combiné à la perte de biodiversité, il pourrait entraîner une perturbation durable des systèmes océaniques. »

Le rapport souligne que l’Europe peut jouer un rôle moteur à l’échelle internationale. En s’engageant activement et en finançant la recherche transdisciplinaire, l’UE pourrait promouvoir la protection des grands fonds à l’échelle mondiale. Cela inclut le soutien aux pays sous-représentés et la reconnaissance de la science comme un droit humain fondamental.

Seule une collaboration mondiale accompagnée d’investissements scientifiques accrus permettra de préserver les profondeurs marines, et les océans dans leur ensemble, pour les générations futures.

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L’Institut des Sciences naturelles se concentre également sur la recherche sur la structure écologique et le fonctionnement des grands fonds marins. Une attention particulière est également accordée à l’estimation de l’impact potentiel des activités humaines et à la formulation de conseils politiques en la matière.

L’État fédéral belge est représenté au sein de l’EMB (European Marine Board) par la Politique scientifique fédérale (BELSPO) et au sein du EMB Communication Panel par l’Institut des Sciences naturelles.