Depuis 2008, 318 éoliennes offshore ont été installées dans la partie belge de la mer du Nord. La technologie de construction et la surveillance de l’impact sur l’environnement ont beaucoup changé au cours de la dernière décennie. Dans un nouveau rapport, les partenaires scientifiques du programme de surveillance résument ce que nous avons appris jusqu’à présent sur les effets à long terme sur diverses composantes de l’écosystème, des invertébrés benthiques aux oiseaux et mammifères marins. Au fur et à mesure que les séries chronologiques s’allongent, notre capacité à détecter les impacts augmente. Parmi les résultats frappants, mentionnons que les substrats durs artificiels comme les fondations d’éoliennes ne peuvent être considérés comme des solutions de rechange équivalentes aux substrats durs naturels riches en espèces, que les parcs éoliens dissuadent certaines espèces d’oiseaux mais en attirent d’autres, que le nombre de marsouins communs échoués est lié aux périodes de forte intensité sonore sous-marine et que les parcs éoliens en mer ont seulement modifié de façon subtile la pêche sans créer de faibles taux de prises chez les principales espèces ciblées.
Évolution des pratiques de construction et programme de surveillance
De 2008 à 2018, 318 éoliennes offshore d’une puissance installée totale de 1556 MW ont été construites dans la partie belge de la mer du Nord. La technologie et les pratiques de construction ont radicalement changé au cours de cette décennie. Ces changements comprennent une évolution des types de fondations (des fondations gravitationnelles en béton et en acier aux éoliennes monopiles XL), une extension de la zone géographique pour la construction de parcs éoliens (en direction des eaux offshore) et une augmentation de la taille et de la capacité des éoliennes (de 3 MW avec un diamètre rotor de 72 m à 8,4 MW avec un diamètre rotor de 164 m).
Le programme de surveillance WinMon.BE a documenté et évalué l’impact environnemental des phases de construction et d’exploitation des parcs éoliens pendant toute cette période. Il a évolué pour devenir la base d’une compréhension approfondie des effets à long terme sur diverses composantes de l’écosystème, des invertébrés benthiques et poissons aux oiseaux et mammifères marins. Le nouveau rapport fait le point sur ce que nous avons appris jusqu’à présent et met l’accent sur une sélection de techniques innovantes de surveillance et d’atténuation des impacts.
Impacts sur l’écosystème
L’échantillonnage des sédiments a révélé des impacts constants sur la composition sédimentaire et les communautés macrobenthiques (invertébrés vivant dans et sur le fond marin, comme les vers, les mollusques, les crustacés et les étoiles de mer). Le raffinement des sédiments n’a été observé que très près des fondations gravitationnelles en acier, alors qu’aucun résultat concluant en termes d’enrichissement organique n’a été trouvé. Des densités et une diversité des espèces plus élevées d’organismes macrobenthiques ont été observées à proximité des éoliennes. C’est au banc Thornton que le phénomène a été le plus prononcé. Ceci confirme l’hypothèse selon laquelle les impacts sont spécifiques aux sites, aux types de fondation ou même aux turbines individuelles, ce qui souligne l’importance d’une surveillance continue du macrobenthos pour les différents types de turbines.
En ce qui concerne la macrofaune qui vit/grandit sur les fondations, une décennie de suivi a révélé trois étapes de succession. Dans une première phase pionnière relativement courte (~2 ans), l’installation des fondations de la turbine a été suivie d’une colonisation rapide qui a varié selon les sites et les types de fondations. Vint ensuite une étape intermédiaire plus diversifiée caractérisée par un grand nombre de suspensivores (qui mangent des particules de nourriture flottant dans l’eau, comme le Jassa herdmani, un petit crustacé amphipode). Un troisième stade, et peut-être le point culminant, avec une plus faible diversité d’espèces et l’anémone plumeuse Metridium senile et la moule commune Mytilus edulis comme espèces dominantes, a été atteint après neuf à dix ans. Les rapports antérieurs sur les éoliennes offshore en tant que points chauds de la biodiversité font généralement référence à la deuxième étape de la succession, riche en espèces. Il faut donc les lire avec prudence car la riche biodiversité semble maintenant être de courte durée et disparaître à nouveau à un stade ultérieur (après environ six ans dans cette étude). Ceci souligne que les substrats durs artificiels ne peuvent pas être considérés comme une alternative aux substrats durs naturels riches en espèces.
Oiseaux et mammifères
La comparaison des données sur la répartition des oiseaux de mer avant la construction avec les données recueillies après, a montré que le fou de Bassan Sula bassana (-98 %), le guillemot de Troïl Uria aalge (-60-63 %) et le pingouin torda Alca torda (-75-80%) avaient évité la zone du parc éolien. En revanche, l’attrait du parc éolien a pu être démontré pour les grands cormorans Phalacrocorax carbo, les goélands argentés Larus argentatus et les goélands marins Larus marinus. Il est important de noter que la plupart de ces effets n’étaient plus perceptibles à des distances de plus de 0,5 km des bords du parc éolien. L’impact de ces effets sur la condition physique individuelle, le succès de reproduction et la survie des oiseaux demeure encore inconnu.
Il est démontré que les parcs éoliens offshore belges sont visités par les pipistrelles de Nathusius Pipistrellus nathusii en migration. L’étude jette un premier éclairage sur les conditions météorologiques qui favorisent l’activité des chauves-souris dans le sud de la mer du Nord et sur le risque possible de collision avec des éoliennes offshore. La vitesse du vent (la plupart des détections à une vitesse maximale de 5 m/s), la direction du vent (fréquence maximale dans les vents de l’est et du sud-est), la température et la pression barométrique semblent influencer l’activité des chauves-souris dans les parcs éoliens. La vitesse du vent semble avoir la plus grande influence. Ces connaissances offrent la possibilité de réduire le risque de collision pour les chauves-souris, par exemple en réduisant l’activité des turbines lorsque certaines conditions météorologiques surviennent pendant la saison de migration.
Les niveaux sonores impulsifs élevés produits lors de la construction d’un parc éolien en mer (battage de pieux) entraînent le déplacement et la perturbation des marsouins communs Phocoena phocoena, le cétacé le plus commun dans le sud de la mer du Nord. Notre analyse révèle une fréquence plus élevée d’échouages de marsouins communs sur les plages belges pendant des mois avec une forte intensité de sons impulsifs. Cette analyse préliminaire suggère une augmentation de la mortalité des marsouins communs pendant les périodes de construction de parcs éoliens et fera l’objet d’une analyse approfondie dans l’avenir. Au cours des dernières années, les techniques d’atténuation du bruit ont donc reçu beaucoup d’attention et diverses techniques sont maintenant commercialement disponibles. Dans ce rapport, nous quantifions comment les grands rideaux à bulles et les systèmes de résonateurs fixes (AdBm Noise Mitigation System) ont été utilisés pour réduire la pression acoustique pendant la construction de parcs éoliens dans les eaux belges.
Impact sur la pêche
Comme la pêche est interdite dans les parcs éoliens offshore belges (environ 140 km² opérationnels), la surface totale disponible pour la pêche diminue à mesure que les parcs éoliens offshore se multiplient. Il a été démontré que les parcs éoliens offshore n’ont que subtilement modifié l’activité de pêche dans les eaux belges sur la période 2006-2017 (effort, débarquements et taux de capture des 10 espèces les plus importantes, y compris la sole commune Solea solea et la plie d’Europe Pleuronectes platessa – les principales espèces cibles de la flotte belge et néerlandaise de chaluts à perche). De toute évidence, une diminution remarquable de l’effort de pêche a toutefois été observée à l’intérieur des parcs éoliens offshore, ce qui suggère que les pêcheurs locaux ont adopté des efforts pour s’adapter à l’exclusion de la zone du parc éolien de leurs zones de pêche et ont augmenté leur effort de pêche sur les bords. Alors que les taux de capture de sole à proximité des parcs éoliens offshore opérationnels sont restés comparables aux taux de capture dans l’ensemble de la zone, les taux de capture de plie étaient plus élevés autour de certains parcs éoliens opérationnels.
Le Programme de Suivi WinMon.BE est une coopération entre l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), l’Institut de Recherche Nature et Forêt (INBO), l’Institut de Recherche en Agriculture, Pêche et Alimentation (ILVO) et le Groupe de Recherche en Biologie Marine de l’Université de Gand, et est coordonnée par l’équipe Écologie et Gestion Marines (MARECO) de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
Le rapport complet, ainsi que les anciens rapports de suivi, peuvent être consultés sur le site http://odnature.naturalsciences.be/mumm/fr/windfarms/.