Le 29 octobre, une orque mâle a été repérée au large de Coxyde, premier cas confirmé de cette espèce en Belgique au 21e siècle. Quelques heures plus tard, l’animal gravement affaibli s’est échoué à La Panne, où il est mort presque immédiatement. L’autopsie a eu lieu sur la plage le 30 octobre. On ne sait toujours pas dans quelle mesure l’affaiblissement et la mort de l’orque doit être associés à la vieillesse ou à des problèmes de santé. L’origine de l’animal n’est pas non plus encore connue.
Dans la matinée du dimanche 29 octobre, un animal marin de grande taille mais non identifié a été repéré à la frontière entre Nieuport et Oostduinkerke. Un peu plus tard, Laurent Raty remarque la grande nageoire dorsale en forme d’épée d’un mammifère marin au large de Coxyde. Il était immédiatement clair que cela ne correspondait qu’à une orque mâle. L’animal s’est déplacé lentement vers le sud-ouest le long de la côte et la nouvelle s’est rapidement répandue.
Lorsqu’une heure plus tard, il est apparu que l’orque s’était entre-temps à peine déplacée jusqu’au large de Saint-Idesbald et qu’il s’y attardait, des centaines de spectateurs se sont précipités sur le rivage dans l’espoir d’apercevoir l’animal. Cela n’a pas été difficile, la mer étant plate, l’orque était visible de loin. Mais il arrivait aussi que l’animal s’approche à quelques dizaines de mètres de la ligne de marée.
Échouage inévitable
Beaucoup de « oh » et de « ah », mais l’apparition de cette orque dans le sud de la mer du Nord, sa nage lente et son approche de la plage étaient des mauvais signes. L’euphorie a donc rapidement tourné court lorsqu’il est devenu évident que l’animal s’échouerait avec la marée montante. Une ultime tentative du canot de sauvetage Brandaris (Ship Support, Nieuport) pour inciter l’orque à choisir la haute mer est restée sans effet.
À deux heures et quart de l’après-midi, l’orque s’est échouée à La Panne, juste de l’autre côté de la frontière avec Saint-Idesbald. Une fois à sec sur la marée descendante, l’animal très maigre est mort presque immédiatement. Outre son état de faiblesse, la perte de la force de soutien de l’eau joue également un rôle. Sur la terre ferme, la pression de son propre poids sur les organes, la circulation sanguine et la respiration devient rapidement trop importante.
Autopsie
En raison de la taille de l’animal – 6,13 m de long – et de la volonté de conserver le corps aussi intact que possible pour l’autopsie et de préserver le squelette, il a été décidé d’organiser sur place l’enquête sur les antécédents médicaux et les causes de la mort de l’orque.
L’autopsie a été pratiquée le lundi 30 octobre au matin par le personnel des facultés de médecine vétérinaire de l’Université de Gand et de l’Université de Liège et de l’Institut des Sciences naturelles. Le public a pu suivre à distance le déroulement de l’opération, qui a duré environ trois heures. Toutes les parties du corps et tous les organes ont été inspectés extérieurement et intérieurement, et divers échantillons de tissus ont été prélevés en vue d’études microbiologiques (maladies) et écotoxicologiques (contamination chimique).
Cause du décès ?
L’analyse du système digestif a montré que l’estomac et les intestins étaient complètement vides et que l’animal n’avait donc pas réussi à se nourrir depuis un certain temps. La fine couche de graisse (sous-cutanée) et les dents très usées semblent également y être liées. Ces constatations sont cohérentes avec l’émaciation et l’affaiblissement de l’animal observés extérieurement.
L’inspection des autres organes a révélé des signes d’infection du système lymphatique et des saignements mineurs dans la paroi intestinale. La gravité et le rôle de ces signes dans l’affaiblissement et la mort de l’orque font l’objet d’une surveillance microbiologique plus poussée. Les autres organes ne présentaient aucun signe d’infection ou de pathologie évidente. Aucune quantité suspecte de parasites internes ou externes n’a été trouvée non plus.
Il n’est donc pas encore totalement établi dans quelle mesure l’affaiblissement, puis l’échouage et la mort de l’orque sont liés à son âge avancé (et à sa mort naturelle), à des problèmes de santé sous-jacents ou à une combinaison de ces deux facteurs.
Orques en Belgique
Il n’y a guère de cas bien documentés d’orques en Belgique au cours des siècles passés. Nous disposons de quatre rapports datant du 20e siècle et pour un échouage plus ancien, il faut déjà remonter à l’année 1850. Les cas plus récents (dont certains signalés en 2022) n’ont pas pu être suffisamment documentés pour être retenus comme certains. L’animal du 29 octobre 2023 concerne donc la première orque confirmée en Belgique au 21ème siècle. Entre-temps, on a appris qu’il avait également été filmé en mer, jeudi 26 octobre, le long des côtes nord de la France, entre Wimereux et Boulogne-sur-Mer.
Bien qu’une orque se soit également échoué à Cadzand (Pays-Bas) en octobre 2022, qu’une orque ait été trouvé dans la Seine (France) en mai de la même année (aucun des deux n’a survécu) et que d’autres mammifères marins rares et inattendus aient également été observés dans le sud de la mer du Nord au cours des dernières années, il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces données en raison de leur nombre peu élevé. Il en va de même pour l’identification des causes de l’apparition de ces espèces dans des zones où elles ne sont pas normalement présentes.
Origine
En ce qui concerne l’origine de l’orque belge, la question n’est pas encore tranchée. L’orque est une espèce cosmopolite, c’est-à-dire qu’on la trouve partout dans le monde, mais elle vit généralement en populations plus ou moins résidentes dans des zones bien définies (qui peuvent être assez vastes). Le sud de la mer du Nord ne compte aucune population locale, les orques les plus proches vivant en Écosse, en Norvège et au sud du golfe de Gascogne (au nord de l’Espagne).
Les populations d’orques sont invariablement bien suivies par les scientifiques locaux, et les individus sont généralement connus et documentés dans des bases de données photographiques. La reconnaissance des individus est souvent possible sur la base des marques, de la forme des nageoires et des dommages et cicatrices éventuels. L’orque de la côte belge est actuellement comparée aux photos de ces bases de données. Jusqu’à présent, aucune similitude n’a été trouvée avec les orques de la péninsule ibérique (Espagne – Portugal), de Madère, d’Écosse et d’Irlande. Une origine possible des populations de Norvège, d’Islande et des Açores est encore à l’étude.
Merci
Un mot de remerciement explicite à la police locale et aux pompiers, aux services municipaux de La Panne, aux services de sauvetage, à la protection civile, au personnel de l’Université de Gand et de l’Université de Liège, aux collègues de l’Institut des Sciences naturelles et du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, ainsi qu’aux nombreux bénévoles et autres parties prenantes qui ont joué un rôle dans le suivi et la documentation de l’orque, la gestion de l’échouage, du public et de l’autopsie.
La commune de La Panne a donné à l’infortuné orque le nom de « Reveil », d’après l’initiative qui vise à faire entrer la culture flamande du deuil dans le 21e siècle et dont La Panne pourrait s’attribuer le titre de « capitale de la consolation » en 2023. La veille de l’échouage de l’orque, 10 000 bougies ont été placées sur la plage de La Panne dans ce contexte.