Le Cygne de Bewick du delta de l’Evros

Lagune de Paloukia, 04/02/1997 10 heures 45, 25 Cygnes de Bewick, y compris une nichée de 4 juvéniles se reposent sur ​​la glace. Ils ont été découverts au cours d’une mission visant à rechercher des Courlis à bec grêle Numenius tenuirostris une espèce d’échassiers parmi les plus menacées. Incroyable, un des adultes est marqué avec un collier bleu gravé d’un code de 4 chiffres. Ce qui permet de déterminer qu’il a été bagué le 15/08/1992, par une équipe d’ornithologues russes et néerlandais, dans la région de nidification du delta de la Petchora.

George Handrinos et Filios Akriotis rapportent dans leur livre « Les Oiseaux de Grèce » (Ch . Helm, 1997) seulement huit précédentes observations de Cygne de Bewick dans le pays. La première donnée date de 1934 à Kavala, les suivantes proviennent du delta de l’Evros (3 données), de Kerkini (3 données) et du lac de Kastoria (1 donnée). Le grand total des individus est de 21, avec un groupe maximum de six.

Depuis l’hiver 1999-2000 au moins, le Cygne de Bewick est un visiteur hivernal annuel dans le delta de l’Evros. L’augmentation est régulière, près de 500 individus sont comptabilisés au cours de l’hiver 2005-2006, 800 en 2008-2009. Les chiffres explosent au cours de l’hiver suivant avec 2250 Cygnes de Bewick comptés simultanément. Pendant les hivers 2013-14 et 2014-2015, le groupe est estimé à 4500 cygnes. Un spectacle époustouflant ! Par ailleurs, plusieurs milliers de Cygnes tuberculés originaires d’Ukraine et de Russie méridionale ainsi que des Cygnes chanteurs d’origine inconnue, hivernent dans le delta de l’Evros. Un dénombrement réalisé le 28/01/2015 sur les lagunes du delta de l’Evros permet d’observer au moins 10.800 cygnes appartenant aux 3 espèces ! Probablement un record européen.

L’hivernage des Cygnes de Bewick dans le delta de l’Evros est étroitement étudié et un ornithologue russe travaillant sur les rives de l’océan Arctique est venu dans le delta afin suivre les cygnes jusqu’à la Méditerranée. Le delta de l’Evros est un lieu unique en Méditerranée avec une biodiversité très diversifiée. C’est un Parc national qui vaut le détour, sans aucun doute ! Une équipe d’environnementalistes, d’ornithologues et de gardes est dédiée à la surveillance du site afin d’en assurer la préservation.

Vous êtes à la recherche d’une prochaine destination nature ? Allez-y!

A flock of Bewick's Swan on 22/02/2008 in the Evros Delta.
Groupe de Cygnes de Bewick dans la delta de l’Evros 22/02/2008 (photo Didier Vangeluwe).

Une autre route vers la Grèce

Le Cygne de Bewick Cygnus bewickii est une espèce nicheuse endémique de la toundra de Russie. Cela signifie qu’il se reproduit seulement dans cette partie du monde.

Bewick's Swan
Le Cygne de Bewick est la plus petite espèce de cygne d’Eurasie (photo Didier Vangeluwe).

Il se distingue facilement du Cygne tuberculé Cygnus olor par son bec jaune et noir et par sa taille beaucoup plus petite.

Mute Swan

Le Cygne tuberculé a typiquement le bec orange (photo Didier Vangeluwe).

La différence entre un Cygne de Bewick et un Cygne chanteur Cygnus cygnus – la troisième espèce de cygne d’Eurasie – est beaucoup moins simple ! Le Cygne chanteur a aussi du jaune sur le bec mais plus largement. Il est de plus grande taille que le Bewick et est peut-être le plus facilement distingué par son long, très long cou avec une tête passive et un bec puissant. En comparaison, le Bewick est délicate et mince. La voix pourra aussi aider à l’identification. Le Cygne tuberculé est muet … mais émet un bruit très particulier avec ses ailes lorsqu’il vole. Les Cygnes de Bewick et chanteur sont loquaces, émettant souvent un «Whoop- Whoop Whoop » qui est plus profond et plus fort, avec un deuxième syllabe supérieure, chez le Chanteur par rapport au Bewick.

Whooper Swan

La tête triangulaire et le bec massif sont typiques du Cygne chanteur (Didier Vangeluwe).

Les conditions météorologiques qui prévalent pendant l’hiver dans la toundra ne permettent pas à un oiseau herbivore comme le Cygne de Bewick de rester toute l’année à proximité de son site de reproduction. C’est une espèce migratrice à longue distance. Mais tous les Cygnes de Bewick n’hivernent pas dans la même région. Trois zones distinctes ont été identifiées. L’une est centrée sur la mer du Nord, une autre se trouve dans le sud-est de la Chine et au Japon tandis que la troisième est située sur la rive sud de la mer Caspienne.

Trois zones d’hivernage ? Vraiment? Non! Depuis 1997, une nouvelle zone a été découverte en Grèce, dans le delta de l’Evros. Au carrefour de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, le delta de l’Evros est l’une des zones humides côtières naturelles parmi les plus – sinon la plus – riche de la Méditerranée. En février 2015, près de 1500 Cygnes de Bewick y ont été dénombrés. Un spectacle incroyable ! Et un événement inhabituel étant donné que l’on est plutôt enclin ces dernières années à annoncer des déclins voire des extinctions …

Mais de quelles zones de reproduction proviennent ces cygnes ? Quelle route utilisent-ils pour relier l’Arctique à la Méditerranée ? Quels sont les facteurs qui rendent possible que des Cygnes de Bewick ont colonisé une nouvelle aire d’hivernage située minimum à 2000 km du site le plus proche connu «historiquement» ? Est-il nécessaire de prendre des mesures (de gestion ou légales) afin d’assurer leur avenir en Grèce ?

Cela est particulièrement important étant donné qu’entre-temps le nombre de Cygnes de Bewick en hivernage dans la région de la mer du Nord a diminué de 30 % ces 15 dernières années. Une baisse particulièrement importante et inquiétante !

Les ornithologues de l’Institut Severstov d’Ecologie et d’Evolution (Centre de Baguage de Russie), le Goose, Swan & Duck Study Group of Northen Eurasia et l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (BeBirds – Centre Belge de Baguage), en partenariat avec l’Autorité de Gestion du Parc Naturel du Delta de l’Evros et l’Institut de Recherche forestière de Thessalonique ont uni leurs effort afin de lancer le programme « L’Odyssée du Cygne de Bewick – une nouvelle route vers la Grèce ».

Nous vous proposons de partager nos observations et nos découvertes.