5100, 5300, peut-être même 6000 ! C’est le nombre de Cygnes de Bewick qui a été dénombré ces derniers jours par les ornithologues qui travaillent pour le Parc national du Delta de l’Evros. Le précédent record était fixé aux alentours de 4500 individus recensés au cours de l’hiver passé. Le nombre de Bewick qui hivernent en Grèce progresse donc encore alors que dans le même temps les effectifs observés dans les zones traditionnelles situées autour du sud de la mer du Nord sont au plus bas.
Ce n’est pas une tâche facile que de compter les cygnes dans l’Evros. En effet, le delta est partagé entre la Grèce et la Turquie, ce qui rend malaisé les comptages coordonnés considérant par ailleurs que du côté turc, il n’y a pas d’équipe d’ornithologues sur place. Une partie de delta est d’ailleurs sous contrôle militaire et ne peut donc être visitée que ponctuellement et de manière très contrôlée. En plus, la zone de présence des cygnes est très vaste, environ 350 km², dont une partie est inaccessible lorsque le débit du fleuve est tellement important que les rives sont inondées à plusieurs centaines de mètres du lit normal. Enfin, les Cygnes de Bewick ne sont pas les seuls représentants de leur genre à hiverner dans le Delta de l’Evros, c’est également le cas de milliers de Cygnes tuberculés (en provenance des steppes – ou anciennes steppes – d’Ukraine et du sud de la Russie) et de Cygnes sauvages (très probablement originaires de la taïga de Sibérie). Les comptages sont donc souvent lents et malaisés car il s’agit de bien distinguer les trois espèces. Mais l’équipe grecque est particulièrement expérimentée, alternant, sur son territoire et tout au cours de l’hiver, comptages le jour chaque semaine et comptages le soir, à l’arrivée au dortoir, toutes les deux semaines.
A partir d’aujourd’hui, et pour 10 jours, les équipes grecques et belges se retrouvent dans le Delta afin d’étudier ensemble le comportement des cygnes, leur répartition entre les différentes lagunes, leur démographie en déterminant la proportion de jeunes et la taille des familles. L’objectif est également d’aller observer chaque site où a été localisé depuis son arrivée le 12/12/2016, le Bewick 854X, équipé d’un émetteur GPS le 14/07/2015 dans la toundra de Yamal (Sibérie). Cela permettra de déterminer précisément les habitats utilisés par ce «cygne sentinelle» ainsi que leur importance relative et donc de disposer de données utiles à assurer la conservation de l’espèce par, le cas échéant, des mesures de gestion adaptées. L’intervalle de localisation de l’émetteur a été fixé à 1h à compter d’aujourd’hui. Cela permettra d’obtenir des données encore plus précises au cours des jours qui viennent. Cette procédure sera limitée dans le temps car elle est évidemment coûteuse en énergie et risquerait d’épuiser la batterie solaire.
Le soleil est au beau fixe dans l’Evros aujourd’hui, la température diurne oscille entre 10-15°C. Il s’avère que quasi tous les Cygnes de Bewick sont partis se nourrir en Turquie et qu’en plus, ils n’ont quitté qu’après la tombée de la nuit leurs sites de gagnage pour rallier les lagunes où ils passent la nuit du côté grec. A peine 150 individus ont donc pu être dénombrés ce soir à l’arrivée au dortoir. Par contre, à 16:48 et ensuite à 17:11 c’est dans un ronronnement assourdissant qu’en deux vagues compactes, 4500 Tadornes casarcas sont arrivés pour dormir dans les marais situés juste au sud de la lagune de Drana. Cela se passe dans le Delta de l’Evros, et au niveau européen, uniquement dans le Delta de l’Evros !
Rendez-vous sur place demain à 06:30, avant le lever du soleil, afin de voir si les cygnes sont bien venus dormir en Grèce et de de les compter, si possible. Et peut-être aussi d’observer 854X !