Le Cygne de Bewick est vraiment un oiseau magnifique. Il est élégant, gracieux. Son comportement social est fascinant à observer. Les parents s’occupent de leurs jeunes pendant près d’une année, ils migrent, hivernent ensemble. Les relations entre adultes sont complexes. Ils communiquent souvent entre eux par des cris très mélodieux.
Ils s’intimident parfois, ouvrant les ailes, dressant le cou, se poursuivant. Ils alternent périodes de nourrissage et de repos. De loin, dans un polders de Flandres ou des Pays-Bas, on dirait des flocons d’un blanc immaculé. Mais le soir, invariablement, ils s’envolent en escadrille bien structurée pour rejoindre leur dortoir situé sur une large étendue d’eau, parfois située à des dizaines de kilomètres de leur site de gagnage. Autant ils sont (relativement) tolérants aux activités humaines durant la journée, autant une fois l’obscurité arrivée, ils sont sur leurs gardes et cherchent à se protéger des prédateurs en se réfugiant sur l’eau.
Une situation idyllique ? Pas vraiment. Le nombre de Cygnes de Bewick hivernant dans la région de la mer du Nord (d’Est en Ouest en Pologne, Allemagne, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Iles britanniques) a chuté de 30 % entre l’hiver 1994-1995 et l’hiver 2009-2010. Les données du dernier comptage global réalisé il y a un an (en janvier 2015) ne sont pas encore disponibles. Il semble que la tendance négative se poursuive.
Quelles sont les raisons de cette chute que l’on peut qualifier de catastrophique ? On l’ignore largement. Mais on observe plusieurs faits inquiétants: les Cygnes de Bewick qui hivernent dans la région de la mer du Nord ont peu de jeunes en comparaison avec les populations qui hivernent en Chine et en Grèce. Au cours des 10 derniers hivers, la proportion moyenne de jeunes s’élève à 10,4 %. Le maximum enregistré a été de 16,6% durant l’hiver 2012/2013 et le minimum de 4,7% (ce qui est vraiment très peu !) durant l’hiver 2007/2008. Ces données ont été récoltées largement grâce à des centaines d’ornithologues volontaires qui comptent et observent les cygnes chaque hiver. Par ailleurs, les ornithologues britanniques du célèbre Wildfowl & Wetland Trust ont fait un constat interpellant. Depuis 2000, ils ont radiographié 47 Cygnes de Bewick en marge d’opérations de baguage réalisées en Angleterre. Parmi ceux-ci, 22,7 % contenaient des plombs de chasse. On peut en déduire que malgré leur statut d’espèce strictement protégée dans l’Union européenne et en Russie, les Cygnes de Bewick sont encore régulièrement braconnés. Enfin, et ici ce sont les ornithologues néerlandais de l’Institut d’Ecologie de Wageningen qui sont en pointe, on observe que les Cygnes de Bewick changent régulièrement de source d’alimentation au cours des derniers hivers et que la plupart de celles-ci sont liées aux activités humaines : prairies, labours de betteraves, de pommes de terre, éteules de maïs. Ce comportement est-il indicateur d’une situation instable, défavorable aux cygnes ? Les études sont en cours. Et puis, il y cette arrivée, progressive mais rapide, de milliers de Cygnes de Bewick dans le Delta de l’Evros en Grèce. Y a-t-il un lien de cause à effet avec la diminution des cygnes dans la région de la mer du Nord? S’agit-il d’un déplacement de population ? Est-ce une bonne – ou une mauvaise nouvelle ? C’est ce qu’essaient de comprendre les partenaires belges, russes et grecs de ce programme.
Nous devons comprendre rapidement ce qu’il se passe !