Objectif de ce 09/02/2016 : identifier la typologie des sites de gagnage de 854X, le Cygne de Bewick « sentinelle » équipé d’un émetteur GPS en Sibérie.
Les données transmises depuis l’arrivée de ce cygne dans le Delta de l’Evros nous indiquent qu’il se nourri exclusivement dans la partie turque du Delta. La raison en est simple : cette zone est recouverte à 99% de rizières. Les habitats naturels, qui font par ailleurs la richesse biologique exceptionnelle de la partie grecque du Delta, ont été complètement détruits côté turc. C’est frappant à l’observation d’une carte satellite: à l’est du fleuve, tout est d’un vert soutenu : ce sont les rizière. Tandis qu’à l’ouest, on observe un patchwork de couleurs de toutes les formes, de toutes les tailles. Il y a évidemment des zones qui sont cultivées, mais pas de manière intense tandis que dans la zone côtière, les marais salants et lagunes s’étendent à perte de vue.
En route donc pour la Turquie. Une partie des rizières est complètement à sec, les éteules de riz subsistant après la moisson s’alignent dans d’interminables sillons. Une autre partie est partiellement inondée, le fond des sillons est rempli d’eau, probablement consécutivement aux pluies de la semaine passée. Une troisième partie est complètement sous eau, formant des lacs de plusieurs km². C’est sur ces rizières inondées que se concentre la majorité des cygnes. Une partie de la zone ne peut cependant être prospectée car elle est sous contrôle militaire.
La plupart des cygnes sont rassemblés en 4 énormes bandes de 1500 à 4000 individus. Des petits groupes comptant de quelques dizaines à quelques petites centaines de cygnes sont dispersés çà et là. Les grandes bandes sont composées des cygnes des 3 espèces : Cygne tuberculé, Cygne de Bewick et Cygne sauvage.
Tous se gavent des racines des plants de riz qui ont été semés le printemps passé. Et tous les sites où 854X a été localisé, et qui ont pu être visités, sont effectivement des rizières complètement inondées.
A part des cygnes, il n’y a quasi pas d’autres oiseaux dans cette partie du Delta. C’est probablement la conséquence de la disparition des habitats naturels et de la monoculture du riz. Mais certainement aussi la faute à une pression de chasse qui parait très importante : chaque rizière compte une à deux huttes de chasse et les cartouches jonchent le sol par centaines.
A 14h45, au milieu d’un groupe de 2700 cygnes se nourrissant dans une rizière complètement inondée près du village d’Enes, il est là. 854X est occupé à se lisser consciencieusement le plumage.
Hasard complet car hier, il était localisé à 26 km au nord, près du village d’Ipsala. Il y a exactement 179 jours nous étions ensemble à l’embouchure de la rivière Yuribey, sur les rives de l’Océan arctique.