Une journée n’est pas l’autre

Il gèle ce lundi 8 février à la frontière entre l’Europe et la Turquie. La journée est consacrée au comptage des oiseaux d’eau – cygnes, oies, canards, limicoles et autres mouettes – ainsi que des rapaces qui hivernent dans le Parc National du Delta de l’Evros. Parmi ces derniers, ont été observés ce jour: 2 Pygargues à queue blanche, 2 Aigles impériaux, une vingtaine d’Aigles criards, une soixantaine de Buses variables et autant de Busards des roseaux, un Faucon pèlerin, une quinzaine de Faucons crécerelles, une dizaine d’Eperviers d’Europe. Les 2 Buses pattues découvertes avant-hier n’ont pas été retrouvées.

Deux Aigles criards posés sur un tamarix dans les marais de Dimitriades, 04/12/2005 (photo Didier Vangeluwe)
Deux Aigles criards posés sur un tamarix dans les marais de Dimitriades, 04/12/2005 (photo Didier Vangeluwe)

Les Cygnes de Bewick sont bien entendu toujours sous étroite surveillance et l’observation de l’arrivée au dortoir débute à 16:00 depuis la digue qui sépare la lagune de Drana et le marais de Dimitriades. Sept Cygnes tuberculés somnolent au milieu de la zone où s’étaient rassemblés vendredi passé quelques 8500 cygnes des trois espèces. Aucun mouvement ou presque jusqu’à 17h15, au moment où le jeune Aigle impérial observé dans la matinée survole la zone en direction des collines de Loutros où est situé son dortoir. 17:30, arrivée des premiers 8 Cygnes de Bewick. Les 12 suivants arrivent à 17:35. A 17:46, il pleut des Casarcas roux. 17:58 une escadrille de 28 Cygnes de Bewick se pose délicatement sur l’eau. 18:08, il fait complètement noir, fin du comptage. Le total se porte à 48 Cygnes de Bewick. Hier, ils étaient 1240, avant-hier, 1400, vendredi 8400 ! Les Cygnes de Bewick hivernant dans le delta de l’Evros ont-ils débuté leur migration de printemps vers la toundra de Sibérie ?

Les données transmises par le cygne 854X équipé d’un émetteur GPS à Yamal permet d’interpréter ces différences. L’analyse des positions de 854X à 02:00 du matin indique qu’il y a plus d’un dortoir dans le Delta de l’Evros. Entre le 12 décembre 2015, date de son arrivée en Grèce et le 12 janvier 2016, 854X a utilisé 8 dortoirs différents, 4 situés en Grèce et 4 en Turquie. Au cours de ce premier mois, il a dormi à 23 reprises en Grèce et à 8 en Turquie. Il y a donc manifestement une répartition différente des cygnes entre les dortoirs et entre les nuits. On ignore exactement pourquoi, mais on peut postuler que les conditions météorologiques représentent un facteur important. Et ceci est une première explication aux variations des dénombrements.

Localisation (étoiles) des sites de dortoir du Cygne de Bewick 854X équipé d'un émetteur GPS; le point rouge indique le dortoir des marais de Dimitriades, (carte Nicolas Pierrard).
Localisations (étoiles) des sites de dortoir durant la période du 12/12/2015-12/01/2016 du Cygne de Bewick 854X équipé d’un émetteur GPS; le point rouge indique le dortoir des marais de Dimitriades, (carte Nicolas Pierrard).

Un autre paramètre explique ces disparités de comptage au dortoir de Dimitriades : le timing de départ des sites de gagnage. Les localisations GPS de 854X et les observations au télescope nous indiquent que ceux-ci sont quasi exclusivement situés dans la partie Turque du Delta. Une visite y est d’ailleurs prévue dans les jours prochains.

Aujourd’hui, 854X était encore en Turquie à 19:00. Considérant qu’il fait noir à 18:10, il est donc arrivé dans l’obscurité et n’a en conséquence pu être détecté et donc comptabilisé. Hier 7 février, il a été localisé à 19:00 à 7 km à l’Est du dortoir ; il était très probablement en vol vu la localisation. Idem qu’aujourd’hui donc, il arrivé au dortoir dans l’obscurité et n’a pu être compté. Avant-hier, il était encore en Turquie à 18:00 et au dortoir à 19:00. Il est rentré un peu plus tôt mais est quand même arrivé après ou juste après l’obscurité. Et le 5 février, l’histoire est déjà connue, 854X et des milliers de congénères ont passé toute la journée au dortoir de Dimitriades, ils n’ont simplement pas été ce nourrir ce jour. Ce qui a permis ce comptage record.

Tout cela n’a pas aidé à retrouver le cygne à collier jaune observé, mais pas déchiffré, le 5 février. Il reste introuvable !