La Garde côtière belge donne l’exemple en matière de lutte internationale contre la pollution de l’air au-dessus de la mer

Depuis 2016, un renifleur électronique est utilisé à bord de l’avion de la Garde côtière belge pour repérer les infractions environnementales et maritimes. Ce capteur sert à évaluer la teneur en soufre des hydrocarbures sur base des mesures des émissions des navires relevées au-dessus de la mer. Cette méthode permet non seulement de surveiller plus efficacement différents aspects de la qualité de l’air au-dessus de la mer, mais aussi d’identifier les contrevenants potentiels. Dans ce domaine, la Belgique est de plus en plus le point de mire de l’attention internationale. Outre les pays de la mer du Nord, la Chine s’intéresse actuellement de très près à cette technologie.

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Problématique de la pollution atmosphérique et rôle pionnier de la Belgique

Nos médias s’intéressent beaucoup à la pollution atmosphérique et à ses conséquences pour l’Homme et l’environnement. Si l’automobile est particulièrement montrée du doigt, l’on oublie souvent que la navigation est aussi une importante source de pollution atmosphérique (et d’autres formes de pollutions). Les émissions de dioxyde de soufre des navires qui brûlent des hydrocarbures lourds à haute teneur en soufre sont elles aussi responsables de divers problèmes de santé publique et environnementaux (particules fines, pluies acides, changement climatique). La réduction des émissions de soufre des navires en mer fait donc l’objet de traités internationaux (seuil pour la teneur en soufre des hydrocarbures fixé dans la convention MARPOL, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires) et est aussi une priorité majeure à l’échelon européen (directive « soufre » de l’UE). Nous avions déjà évoqué le renifleur électronique qui est utilisé depuis 2016 à bord de l’avion de la Garde côtière belge pour mesurer les émissions de soufre des navires au-dessus de la mer du Nord (la mesure des teneurs en SO2 et en CO2 permettant de calculer la teneur en soufre des hydrocarbures). L’avion de la Garde côtière belge, propriété de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique, contribue ainsi à l’application efficace de la réglementation maritime, en coopération avec le SPF Mobilité. Le rôle pionnier unique de la Belgique n’est pas passé inaperçu. Ainsi, la Belgique coopère déjà activement avec les Pays-Bas, tandis que d’autres pays de la mer du Nord envisagent de suivre l’exemple belge.

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Intérêt intercontinental

L’intérêt pour cette technologie est loin de se limiter à notre continent ! Les performances et l’expertise de la Belgique ont également été remarquées par des pays situés en dehors du bassin de la mer du Nord et de l’UE. En septembre 2017, par exemple, Ward Van Roy, notre opérateur en charge de la surveillance aérienne, a ainsi été invité à participer à une réunion internationale à Cornwall (Ontario), au Canada, pour y présenter le travail de pionnier de notre pays. Le public se composait principalement de représentants des autorités responsables de la lutte contre la pollution maritime.

En juin 2017, une délégation du ministère chinois des transports a également rencontré l’équipe belge de surveillance aérienne afin d’évaluer la possibilité d’appliquer en Chine les procédures mises au point dans notre pays. La Chine, comme l’Europe, est en effet particulièrement touchée par le problème de la pollution atmosphérique, et le gouvernement central chinois met actuellement tout en œuvre pour rattraper son retard dans la lutte contre les émissions des navires. Elle est prête à affecter beaucoup de moyens pour entamer un mouvement de rattrapage et en 2016, elle a ainsi délimité trois zones nationales d’émissions contrôlées (Domestic Emission Control Areas, DECA) autour des ports les plus fréquentés du pays. Les services d’inspection maritime ont ensuite été chargés de s’attaquer à la pollution du transport maritime – et donc aux émissions de soufre – dans ces zones. Le Natural Resources Defense Council (NRDC), une ONG dont la mission est de protéger la Terre (ses habitants, sa flore et sa faune, ainsi que les systèmes naturels dont dépend toute vie), aide les autorités chinoises à acquérir les connaissances nécessaires pour assurer elles-mêmes cette surveillance dans le futur.

Les trois “Emission Control Areas” chinoises sont situées autour des zones portuaires chinoises les plus achalandées.

Apprendre de l’expérience belge

Début mai 2018, le NRDC et le China Waterborne Transport Research Institute (département du ministère des transports) ont invité Monsieur Van Roy à participer à un atelier organisé à Shenzhen, en Chine, pour évoquer la question de la réglementation relative aux émissions des navires dans les zones DECA et de son application. Le 6 juin 2018, le NRDC a ensuite organisé un atelier et un événement médiatique à Pékin pour marquer le deuxième anniversaire de la mise en œuvre du DECA en Chine. Là encore, Ward Van Roy (avec le Danois Jon Knudsen) a été choisi pour y participer, par téléconférence, afin de partager ses connaissances sur le soufre, d’expliquer les expériences belges et mettre en avant l’importance de la mise en œuvre du DECA chinois. « Nous étions convaincus que les messages d’experts internationaux pouvaient aider la Chine à prendre des mesures plus ambitieuses et à mettre en place un solide programme de surveillance », explique Freda Fung du NRDC. « De plus, nous espérions que les expériences de l’étranger seraient une source d’inspiration, et aboutiraient non seulement au développement et à la mise en œuvre d’un cadre juridique contraignant, mais aussi au lancement d’initiatives volontaires visant à réduire encore davantage les émissions de soufre des navires. »

Big in China

L’événement médiatique a été un grand succès ! Les journalistes chinois ont trouvé très utile d’entendre des experts étrangers expliquer comment cette législation est respectée dans leur pays et si les nouvelles technologies visant à réduire la teneur en soufre des émissions des navires sont efficaces. « Les médias chinois se sont également montrés très enthousiastes quant au fait que la surveillance aérienne peut effectivement être un maillon important dans la détection des infractions en matière d’émissions en mer et ont manifesté un vif intérêt pour le travail de pionnier de la Belgique », explique M. Van Roy. « Quelques grands journaux chinois (dont le People’s Daily) et de nombreux médias spécialisés (navigation, énergie et transport), ont couvert l’événement et ont évoqué divers aspects relevés par le chercheur belge. Ward et l’approche belge sont désormais célèbres en Chine, » ajoute Freda.

« Ward Van Roy et Jon Knudsen ont décrit de manière détaillée comment la technologie des renifleurs doit être utilisée pour contrôler efficacement les émissions dans l’atmosphère de substances polluantes provenant des navires en mer. »

« Ward Van Roy a également fourni des explications très claires sur l’effet des absorbeurs-neutralisateurs (scrubbers*) et expliqué que ceux-ci peuvent encore majorer la pollution lorsque les eaux usées qui en résultent ne sont pas collectées et traitées, mais directement rejetées en mer.

China Shipping Weekly, 06-07-18

« Tant en ce qui concerne notre mission que notre souci de la qualité de notre environnement, dont la qualité de l’air est un élément important, l’intérêt international pour le travail de pionnier belge nous donne beaucoup de satisfaction et de motivation supplémentaire pour continuer sur la voie choisie, » conclut Monsieur Van Roy.

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Perspectives d’avenir

Dans l’intervalle, les chercheurs de la surveillance aérienne belge étudient la possibilité d’étendre leur expertise à la mesure des composés azotés rejetés par les navires en mer, qui seront régis par des normes plus strictes dans notre pays à partir de 2021. Ils continueront également à informer les autres pays de la mer du Nord et la Commission européenne de l’utilité de ces vols « renifleurs » au-dessus de la mer, dans l’espoir qu’ils soient étendus dans les années à venir, à la Chine mais aussi autour de la mer du Nord (et d’autres zones maritimes européennes) dans le cadre de l’approche commune de la pollution atmosphérique par les navires.

* Des absorbeurs-neutralisateurs (‘scrubbers’) sont des installations qui permettent d’éliminer les particules polluantes d’un flux gazeux dans l’eau. Lorsque l’eau n’est pas collectée ensuite, on parle de « système ouvert ». Dans le cas contraire, il s’agit d’un « système fermé ».