Dans un nouveau rapport annuel, les scientifiques qui surveillent l’impact environnemental des parcs éoliens offshore dans la partie belge de la mer du Nord résument leurs dernières conclusions. Une fois de plus, des révélations surprenantes y figurent. Les résultats montrent que la vie dans et autour des parcs éoliens n’a pas encore atteint la stabilité, 13 ans après leur construction. Par exemple, la biodiversité des communautés qui colonisent les éoliennes offshore augmente à nouveau après un déclin les années précédentes. Ou encore, les mouvements des oiseaux de mer sont plus variables dans l’espace et dans le temps que constaté précédemment. Le risque de collision avec les oiseaux chanteurs est désormais mieux compris, et des mesures d’atténuation sont proposées pour les périodes de migration intense des oiseaux. Les récifs artificiels entre les turbines continuent de se developper étant donné que certaines espèces de poissons sont attirées par la quantité croissante de nourriture qu’ils fournissent. Les données d’écholocation indiquent que les mesures d’atténuation du bruit sous-marin réduisent de manière efficace l’impact du battage des pieux sur les marsouins communs.
Le 31 décembre 2019, la Belgique a soumis à la Commission européenne un plan national pour l’énergie et le climat qui envisage un objectif chiffré de 17,5 % pour la contribution de la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables d’ici 2030. Les parcs éoliens offshore dans la partie belge de la mer du Nord devraient apporter une contribution importante pour atteindre cet objectif. En fait, ils le font déjà, puisqu’actuellement 10 % de la demande totale d’électricité en Belgique, soit 50 % de la demande d’électricité de tous les ménages belges, est déjà produite par des parcs éoliens offshore. Cette production est réalisée par un total de 399 turbines dans huit parcs éoliens, regroupés dans une zone de 238 km² le long de la frontière avec les Pays-Bas. Après 12 ans de construction, cette zone est pleinement opérationnelle depuis fin 2020 et représente une capacité installée de 2,26 gigawatts (GW) et une production moyenne de 8 TWh. Cela place la Belgique au 5e rang mondial pour la production de cette forme d’énergie. Une deuxième zone pour les énergies renouvelables de 285 km² est prévue par le nouveau plan d’aménagement des espaces marins belge (2020-2026), visant une capacité installée de 3,1 à 3,5 GW dans cette zone.
Science, politique et industrie travaillent ensemble vers le même objectif
Avant d’installer un parc éolien, un promoteur doit obtenir une concession de domaine et un permis environnemental. Le permis environnemental comprend des conditions destinées à minimiser et à atténuer l’impact du projet sur l’écosystème marin. Comme l’exige la loi, le permis impose également un programme de surveillance pour suivre les effets sur l’environnement marin.
Pour les parcs éoliens offshore dans la partie belge de la mer du Nord, le programme de surveillance WinMon.BE surveille l’ampleur des impacts prévus et inattendus sur l’écosystème marin et vise à révéler les processus à l’origine de ces impacts.
Une meilleure connaissance de l’impact environnemental
Les scientifiques de WinMon.BE ont commencé à surveiller l’impact des parcs éoliens offshore en Belgique dès le début de la construction des premières éoliennes en 2008. Cela leur a permis de développer des connaissances et une expertise approfondies en ce qui concerne les méthodes de surveillance et l’impact environnemental réel. « La Belgique dispose désormais de la plus longue série chronologique de données sur l’impact environnemental des parcs éoliens offshore au monde, et de nombreux pays s’inspirent de l’exemple belge pour lancer des programmes similaires », déclare Steven Degraer (IRSNB/MARECO), coordinateur du consortium WinMon.BE. « La série chronologique a déjà révélé des aperçus uniques, mais nous sommes encore régulièrement confrontés à des résultats surprenants qui conduisent à de nouvelles connaissances. Cela montre l’importance de maintenir l’effort de suivi à long terme et permet de comprendre pourquoi nous devons rester flexibles dans nos interprétations et dans l’ajustement des activités humaines en mer. »
Dans leur dernier rapport, les partenaires de WinMon.BE présentent une vue d’ensemble des plus récents résultats scientifiques du programme belge de surveillance environnementale des parcs éoliens offshore, sur la base des données collectées jusqu’en 2020 inclus. Ils font un zoom sur les schémas d’attraction, d’évitement et d’utilisation de l’habitat à différentes échelles spatiales (échelles du parc éolien, de la turbine et du microhabitat) et à travers différentes composantes de l’écosystème (mammifères marins, oiseaux, poissons et invertébrés vivant au fond de la mer et sur les turbines), et démontrent les avantages de l’accroissement des connaissances pour concevoir des mesures appropriées afin d’atténuer les impacts indésirables ou de promouvoir les effets souhaités.
Aperçu des résultats
Effets sur les fonds marins et la vie associée
Le début de la surveillance dans le parc éolien le plus proche de la côte a montré que cette zone abrite des communautés biologiques très diverses vivant sur le fond marin. La réponse de ces précieuses communautés à la présence long terme des éoliennes et à l’exclusion de la pêche fera l’objet d’un suivi attentif au cours des prochaines années.
Dans les parcs éoliens établis depuis plus longtemps, la colonisation par les organismes marins et les effets sur le fond marin ont été surveillés en permanence. Au départ, la colonisation par les invertébrés et les poissons qui préfèrent les substrats durs était principalement visible à proximité immédiate des éoliennes individuelles. Dix ans après la construction, on observe maintenant que ces effets locaux s’étendent aux sédiments mous situés entre les éoliennes. Des récifs artificiels se forment et un plus grand nombre d’espèces épibenthiques et de poissons associées aux substrats durs vivent désormais sur les sédiments mous. Les espèces concernées sont la moule commune (Mytilus edulis), les anémones, l’astérie (Asterias rubens), le petit oursin vert (Psammechinus miliaris), le crabe poilu rouge (Pilumnus hirtellus) et le bar commun (Dicentrarchus labrax). Pour les espèces épibenthiques (les organismes vivant à la surface des fonds marins), cela se traduit également par des densités et des biomasses globales nettement plus élevées à l’intérieur des fermes.
L’attraction des poissons vers les parcs éoliens offshore se fait principalement à l’échelle des turbines individuelles. La plie d’Europe (Pleuronectes platessa), une espèce commerciale de poisson plat, est attirée par les zones sablonneuses entre la protection contre l’affouillement autour des éoliennes offshore, car celles-ci offrent des possibilités optimales de nourriture et d’abri. Il a déjà été démontré que les poissons benthopélagiques comme le tacaud (Trisopterus luscus) et la morue de l’Atlantique (Gadus morhua), qui s’attardent traditionnellement autour des turbines et de leurs fondations, sont attirés par les récifs artificiels en développement, car ils offrent d’excellentes possibilités d’alimentation pour ces espèces.
Développements dans la colonne d’eau
Dans la communauté d’organismes qui se développe sur les fondations des turbines (les biosalissures), les interactions entre espèces commencent à jouer un rôle important. Les coquilles des moules communes fournissent un habitat secondaire de substrat dur attrayant pour les organismes colonisateurs, et contribuent ainsi à une augmentation de la diversité des espèces. Une comparaison de la composition des espèces des communautés colonisatrices précoces (moules non répandues) et matures (moules répandues) a montré que 21 des 47 espèces identifiées poussaient uniquement sur des coquilles de moules. Toutes ces espèces étaient des espèces sessiles, principalement des mollusques, des arthropodes, des annélides et des bryozoaires. Cet effet contrebalance l’appauvrissement de la richesse en espèces qui avait été constaté auparavant en raison de la présence abondante de l’anémone plumeuse (Metridium senile).
Les activités de battage de pieux lors de la construction de parcs éoliens offshore provoquent une pollution sonore considérable. Les marsouins communs (Phocoena phocoena), cétacés bien établis dans la partie belge de la mer du Nord, sont connus pour éviter les zones où les niveaux sonores sont excessifs. Par conséquent, l’application et les effets des mesures d’atténuation potentielles ont reçu beaucoup d’attention. En comparant les données de surveillance acoustique de 2016 (où aucune mesure d’atténuation n’a encore été appliquée) et de 2019 (application de rideaux à double bulle), il a été déterminé que les mesures d’atténuation du bruit sous-marin réduisent de manière efficace l’étendue spatiale et temporelle de la zone de construction évitée par le marsouin commun.
Et au-dessus de la surface de l’eau ?
Le déplacement des oiseaux marins causé par les parcs éoliens offshore s’est avéré être un processus complexe. L’attraction et l’évitement des parcs éoliens par les oiseaux marins ont des causes multiples, notamment la perturbation visuelle induite par les turbines et la présence de repos en mer et de possibilités de recherche de nourriture. Ils peuvent également s’expliquer en partie par l’absence de pêche dans les parcs éoliens belges. Le suivi en cours commence maintenant à fournir un meilleur aperçu de la variation spatiale et temporelle des réponses des oiseaux de mer. La variation spatiale peut résulter des différences de qualité de l’habitat local, de la taille et de la configuration du parc éolien, ainsi que de son emplacement par rapport aux colonies d’oiseaux et aux zones d’alimentation privilégiées. La variation temporelle peut dépendre du cycle de vie de l’espèce. Dans ce contexte, il apparaît aujourd’hui que les goélands bruns (Larus fuscus) adultes, étiquetés par GPS et provenant de colonies de reproduction proches, ne sont pas attirés par le parc éolien Norther, tandis que les congénères attirés par le parc Belwind, situé plus au large, comprenaient des individus migrateurs et immatures. À plus long terme, certains oiseaux de mer peuvent également s’habituer à la présence d’éoliennes offshore. Cela pourrait être le cas pour le fou de Bassan (Morus bassanus), le guillemot de Troïl (Uria aalge) et le pingouin torda (Alca torda), qui semblaient éviter les parcs éoliens dans le passé mais qui étaient tous présents en bon nombre lors de la dernière étude de suivi.
Lorsqu’ils volent à hauteur de rotor, les oiseaux chanteurs migrateurs risquent d’entrer en collision avec les éoliennes offshore. L’intensité de la migration des oiseaux chanteurs est particulièrement élevée la nuit, comme l’ont confirmé les relevés de radar continus des oiseaux dans un parc éolien offshore belge. Le risque de collision augmente lorsque les conditions météorologiques se détériorent. Une mesure efficace pour réduire les collisions avec les oiseaux consiste à mettre temporairement les éoliennes au repos lorsque ces événements se produisent à hauteur du rotor de l’éolienne. Il a été modélisé qu’un nombre total de 682 collisions d’oiseaux chanteurs aurait été évité à l’automne 2019 si les turbines de tous les parcs éoliens offshore belges avaient été mises au ralenti lorsque le flux d’oiseaux à la hauteur du rotor a dépassé 500 oiseaux par km et par heure. Bien que nous ne sachions pas quelles espèces sont concernées, il est peu probable que ces collisions d’oiseaux chanteurs aient un effet significatif au niveau de la population. On ne sait pas encore si ce sera également le cas pour les effets cumulés de tous les parcs éoliens prévus en mer du Nord.
Le programme de surveillance WinMon.BE est une coopération entre l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), l’Institut de recherche sur la nature et la forêt (INBO), l’Institut de recherche pour l’agriculture, la pêche et l’alimentation (ILVO) et le groupe de recherche en biologie marine de l’Université de Gand. Il est coordonné par l’équipe Écologie et gestion marines (MARECO) de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.
WinMon.BE est commandé par le gouvernement fédéral dans le cadre des conditions de permis d’environnement pour les parcs éoliens offshore. Pour le suivi, on a fait appel au navire de recherche Belgica (le temps de navigation sur le RV Belgica a été mis à disposition par BELSPO et l’IRSNB -DO Nature), au navire de recherche Simon Stevin (exploité par l’Institut marin de Flandre – VLIZ) et à l’avion d’observation de l’IRSNB.
Tous les rapports scientifiques de la surveillance de WinMon.BE sont accessibles au public.