La production d’énergie à partir de sources renouvelables couvrira 13% de la consommation totale d’énergie belge d’ici 2020, si l’objectif défini par la Commission européenne en 2001 est atteint. Les parcs éoliens dans la partie belge de la mer du Nord devraient apporter une contribution importante à la réalisation de cet objectif, et produiront environ 43 % de l’énergie renouvelable, en supposant une puissance installée de 2000 mégawatts d’ici 2020. Dans le nouveau rapport « Environmental Impacts of Offshore Wind Farms in the Belgian Part of the North Sea: Assessing and Managing Effect Spheres of Influence.”, l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et ses partenaires évaluent les impacts des éoliennes en mer sur l’écosystème marin et révèlent les processus à l’origine de ces impacts.
Aujourd’hui, quatre parcs éoliens en mer sont déjà opérationnels dans la partie belge de la mer du Nord et un cinquième (Norther) est en cours de construction. D’ici la fin de 2018, une puissance installée de 1152 mégawatts, composée de 274 éoliennes, sera opérationnelle dans nos eaux nationales. Quatre autres projets devraient débuter en 2019 et 2020. Avec 238 km² réservés aux parcs éoliens en mer en Belgique, 344 km² dans la région de Borssele aux Pays-Bas et 122 km² dans la zone française de Dunkerque, les impacts écologiques cumulés devraient constituer une préoccupation majeure dans le sud de la mer du Nord dans les prochaines années.
Outre une concession de domaine, un promoteur doit donc également obtenir un permis environnemental avant d’installer un parc éolien. Un tel permis comporte des conditions visant à minimiser l’impact du projet sur l’écosystème marin, mais impose également un programme de surveillance pour évaluer les effets du projet sur le milieu marin. En Belgique, l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique coordonne ce programme de suivi, s’appuyant ainsi sur l’expertise de l’Université de Gand, de l’Institut de Recherche en Agriculture, Pêche et Alimentation (ILVO) et de l’Institut de Recherche Naturelle et Forestière (INBO). « Grâce à ce programme de surveillance, nous obtenons non seulement une bonne compréhension de la sphère d’influence des éoliennes individuelles et des parcs éoliens dans leur ensemble, mais nous pouvons également concevoir des mesures d’atténuation pour gérer directement les effets indésirables sur l’écosystème marin », déclare Steven Degraer, auteur principal du rapport.
Quelques résultats remarquables du nouveau rapport
Efficacité d’un seul grand rideau de bulles (“Big Bubble Curtain”, BBC) pour atténuer les bruits sous-marins lors du battage de pieux (chapitre 2): Comme la taille des éoliennes disponibles a augmenté au cours des dernières décennies, des marteaux hydrauliques plus puissants sont nécessaires pour enfoncer les plus grands monopieux de fondation en acier dans le fond marin. En conséquence, des niveaux plus élevés de sons impulsifs sont introduits dans l’environnement marin, ce qui soulève des inquiétudes quant aux impacts négatifs possibles sur la vie marine. Pour se conformer aux exigences de la Directive cadre Stratégie Marin, un seuil de 185 dB à 750 m de la source sonore ne peut pas être dépassé. Les activités actuelles de battage de pieux produisent cependant des niveaux sonores allant jusqu’à 204 dB à une distance de 750 m. Les mesures d’atténuation sonore ne sont donc plus une option mais une obligation lors des activités d’empilage. Dans cette étude, l’efficacité d’un seul grand rideau de bulles a été testée lors de la construction du parc Rentel. Dans cette méthode, l’air est comprimé par l’intermédiaire d’un tuyau perforé qui est installé sur le fond marin autour du lieu de construction, créant un écran de bulles qui absorbe partiellement l’énergie sonore, et réduit le bruit avec un maximum de 11-13 dB.
La surveillance des sédiments et des invertébrés dans les sédiments mous entourant les éoliennes a montré que les moules et les anémones, organismes connus pour s’encrasser sur les fondations des éoliennes, deviennent plus abondants dans ces sédiments que dans les zones de référence en dehors des parcs éoliens. Toutefois, un suivi détaillé est nécessaire pour valider s’il s’agit d’une observation ponctuelle ou d’un effet réel de parc éolien, de sorte qu’il est trop tôt pour conclure qu’un effet direct de parc éolien (« récif ») ou un effet indirect d’exclusion de la pêche se manifeste (chapitre 3). Des changements dans les sédiments (tels que le rafinnement et l’enrichissement), ainsi que dans la densité, la diversité et la composition des communautés d’invertébrés ont été détectés de différentes orders de tailles autour des trois différents types de fondations de turbines (monopieux, jackets et fondations gravitaires) qui sont utilisés dans la partie belge de la mer du Nord. Il est suggéré que ces résultats contrastés pourraient être dus à une combinaison de capacités de dispersion propres au site et de différences structurelles entre les types de fondations et leurs communautés d’invertébrés associées (chapitre 5).
Outre le suivi dans les parcs éoliens déjà opérationnels, les conditions de référence des communautés d’invertébrés et de poissons dans les nouvelles zones de concession sont également décrites dans le rapport, permettant une évaluation future des effets des parcs éoliens nouvellement construits sur ces communautés (chapitre 4).
Un examen plus approfondi de la faune ichtyologique des parcs éoliens en mer (chapitre 6) a révélé qu’une combinaison de techniques d’échantillonnage variées est nécessaire pour obtenir une vue complète sur cette communauté. Sur un total de 25 espèces, 15 sont également connues pour vivre autour d’épaves dans la même zone. Quatre espèces cependant, la Grenouille de mer (Raniceps raninus), la Grande Baveuse (Parablennius gattorugine) et le Petit Chabot (Taurulus bulbalis) étaient auparavant rarement ou, dans le cas de la Vielle Commune (Labrus bergylta), seulement une fois signalés dans les eaux belges. Ces espèces peuvent être caractérisées comme des espèces dures fréquentant des substrats et devraient bénéficier de plus en plus de l’expansion continue des parcs éoliens offshore dans le sud de la mer du Nord.
La modélisation des données GPS du Goéland brun (Larus fuscus) (chapitre 7) capturées et marquées dans les colonies d’Ostende et de Zeebrugge a confirmé qu’on passait beaucoup plus de temps à se percher sur des éoliennes extérieures qu’intérieures dans un parc éolien. On a également constaté une augmentation significative et progressive du nombre de registrations d’oiseaux volants allant du centre du parc éolien jusqu’à 2000 m du bord du parc éolien, au-delà de laquelle la réponse a semblé se stabiliser. Une analyse temporelle a montré que les oiseaux hésitaient de plus en plus à entrer dans le parc éolien lorsque les vents étaient forts et que les pales du rotor se déplaçaient rapidement. Ces résultats peuvent être très utiles pour affiner la modélisation du risque de collision.
Les conséquences de la perturbation sur une population simulée de Marsouins Communs (Phocoena phocoena) (chapitre 8) ont été testées à l’aide de 17 scénarios avec et sans diverses mesures d’atténuation. Les résultats de cette étude monrent que la combinaison d’une restriction saisonnière de battage des pieux (lorsque les marsouins sont les plus abondants) et d’un dispositif de dissuasion acoustique n’était pas suffisante pour ramener l’impact sur la population de Marsouins à des valeurs acceptables. Ces simulations suggèrent également que la construction d’un parc éolien chaque année a plus affecté la population de Marsouins Communs que la construction de deux parcs éoliens en même temps.
Pour la première fois en mer du Nord, l’activité des chauves-souris a été étudiée à la hauteur de la nacelle (à 94 m au-dessus du niveau de la mer) des éoliennes (chapitre 9). Des détecteurs acoustiques de chauves-souris ont été installés sur quatre turbines dans les eaux belges. Plusieurs espèces de chauves-souris migrent sur de longues distances entre les perchoirs d’été et d’hiver, et traversent même la mer du Nord pendant leur migration. Les résultats indiquent que les détections à hauteur de nacelle (au centre de la zone balayée par le rotor) représentaient environ 10 % des détections effectuées à basse altitude (environ 17 m au-dessus du niveau de la mer), ce qui donne une indication de l’activité des chauves-souris à différentes altitudes quand elles traversent des parcs éoliens offshore. Les observations ne permettent cependant pas encore de tirer des conclusions solides sur le risque de collision pour les chauves-souris, surtout pas dans la partie inférieure de la zone balayée par le rotor.
Ce communiqué de presse ne décrit que le cadre général de surveillance des effets environnementaux dans les parcs éoliens offshore belges et ne se concentre que sur certains résultats. Le rapport complet, et les anciens rapports de suivi, peuvent être obtenus ici.