Nécessité d’une protection efficace des lits de gravier en mer du Nord belge

Les lits de gravier de la mer du Nord belge abritent une faune unique, vulnérable aux activités de fond. Actuellement, ces récifs sont ciblés par les pêcheries de fond. Ce paradoxe souligne l’urgence d’une protection plus efficace des lits de gravier marins et de leur faune.

Figure 1. Aperçu indicatif des formes de vie variables présentes dans les récifs pierreux belges. (A) le corail mou Alcyonium digitatum (B) la Grande araignée de mer Maja brachydactyla (C) la Squale roussette Scyliorhinus canicula (D) l’hydraire Nemertesia spp. (© Institut des sciences naturelles/MARECO)

Les fonds marins belges sont principalement constitués de sédiments mous structurés en un système proéminent de grands bancs de sable. Cependant, environ 16 % des fonds marins sont constitués de substrats naturels durs, communément appelés « lits de gravier ». Dans ces zones, le fond est en partie constitué de matériaux durs allant du gravier aux galets, aux cailloux et aux blocs rocheux plus importants. Ces lits de gravier sont dispersés dans l’environnement essentiellement sablonneux.

Les substrats durs offrent un support stable à une faune unique, diversifiée et spécialisée, et peuvent être considérés comme des « récifs pierreux ». Différentes formes de vie, telles que les coraux mous et les polypes aquatiques et bryozoaires ramifiés, s’y développent lentement et forment des structures tridimensionnelles complexes. Caractérisées par une plus grande complexité et hétérogénéité de l’habitat par rapport au milieu sablonneux environnant, ces zones agissent comme des oasis et servent de refuge, de lieu d’installation, de recherche de nourriture, de frayère et de nurserie pour des organismes situés à différents niveaux du réseau trophique. Nombre de ces espèces ont une importance commerciale et de conservation (Fig. 1). Ces habitats sont aussi précieux sur le plan écologique qu’ils sont vulnérables et très sensibles aux perturbations anthropogéniques, y compris les pêcheries de fond.

Recherche à perturbation minimale

L’objectif des recherches menées par Giacomo Montereale Gavazzi et ses collègues chercheurs du groupe MARECO (Marine Ecology and Management) de l’Institut des Sciences Naturelles était de mieux comprendre les effets de la pêche commerciale perturbant les fonds marins sur les récifs pierreux de la mer du Nord belge. Leurs résultats, sur une période de sept ans (2016-2022), sont présentés dans une publication (2023) dans la revue scientifique Frontiers in Environmental Science.

L’étude s’est concentrée sur deux zones différentes de récifs pierreux au large de la partie belge de la mer du Nord : le nord-ouest et les Hinderbanken (Fig. 2). La zone nord-ouest, observé pour la première fois en 2018 et célébré comme point chaud de biodiversité, a été désigné comme zone de recherche pour la protection de la biodiversité, mais aussi comme zone de prospection pour l’extraction de granulats marins (sable/gravier) dans le cadre du Plan d’aménagement des espaces marins 2020 – 2026 actuellement en vigueur. La zone des Hinderbanken chevauche en partie la zone marine protégée « Bancs flamands » en vertu de la directive Habitats de l’UE, qui a été délimitée en 2012 pour protéger les récifs et les bancs de sable.

Figure 2. Aperçu des zones d’étude (délimitées en rouge) dans la partie belge de la mer du Nord (délimitées en noir). Le plus grand des deux sites d’étude (Hinderbanken) est situé dans la zone Natura 2000 (encadré en vert), le polygone bleu qui se chevauche délimite la Zone Princesse Elisabeth pour les énergies renouvelables. Le polygone bleu à la frontière avec les Pays-Bas marque la zone d’énergie durable actuelle avec des parcs éoliens offshore opérationnels. (© Institut des sciences naturelles/MARECO)

En raison de la vulnérabilité de ces habitats, l’équipe de recherche n’a appliqué que des technologies peu invasives. Les données sur les activités de pêche commerciale (cartographie de la répartition spatiale et temporelle des pêcheries), l’hydroacoustique (cartographie des fonds marins avec des ondes sonores) et la photographie sous-marine (documentant la structure et la faune des fonds marins) ont été combinées pour obtenir un aperçu complet de l’état écologique des deux zones. L’analyse des données a confirmé que les deux étaient des points chauds pour la pêche de fond au cours de la période étudiée.

Les récifs comme hauts lieux de la pêche

Le site du nord-ouest a connu une croissance spectaculaire de l’activité de pêche entre 2021 et 2022 (augmentation de 32 % du nombre de navires actifs), la taille totale de la zone perturbée atteignant 86 %. Dans les Hinderbanken, la superficie perturbée a été estimée à 89 % et, bien que les activités de pêche y aient diminué de 60 % entre 2021 et 2022, cette zone est soumise de manière chronique à une très forte pression de pêche depuis des siècles.

La pression intense de la pêche se reflète dans les communautés vivant au fond de ces lits de gravier. Celles-ci sont passées d’espèces immobiles, à longue durée de vie et définissant l’habitat, présentant une faible résistance et un faible potentiel de rétablissement aux perturbations (typiques de tels habitats), à des espèces opportunistes dépourvues de ces caractéristiques typiques. L’effet du chalutage de fond sur le fond marin était également évident à partir des marques de traînée enregistrées par les levés hydroacoustiques (Fig. 3). Les chalutiers laissaient des traces de charrue dans le paysage et aplatissaient généralement les fonds marins. Cet impact a duré au moins quatre mois. Les résultats illustrent clairement que la pêche de fond au chalut peut avoir des effets néfastes sur la fonctionnalité écologique de ces biotopes vulnérables.

Figure 3. Traces de chalutage de fond à deux endroits sur les lits de gravier de la zone d’étude nord-ouest. (© Institut des sciences naturelles/MARECO)

Planification de l’espace marin

Bien que les deux sites d’étude soient soumis à des régimes de gestion environnementale différents, ils partagent un défi commun lié aux perturbations anthropiques directes et persistantes. Étant donné que la zone de Hinderbanken a été désignée zone marine protégée, il devient clair que ce statut juridique à lui seul ne suffit pas pour atteindre le niveau de protection souhaité. Cependant, des réglementations plus complètes sont en préparation dans le cadre du Plan d’aménagement des espaces marins actuel. Les deux sites de récifs pierreux ont été désignés comme zones de recherche pour la protection des fonds marins dans le but de limiter les pratiques de pêche perturbant les fonds marins afin de faciliter le rétablissement et la conservation de la faune.

L’étude de Montereale Gavazzi et de ses collègues fournit des informations scientifiques supplémentaires qui peuvent être prises en compte pour le prochain Plan d’aménagement spatial marin et, à ce titre, soutient la protection de la biodiversité naturelle locale. Les résultats plaident fortement en faveur d’une réglementation adéquate de la pêche perturbant les fonds dans les lits de gravier et soulignent l’importance de traduire les mesures de gestion prévues en réalité concrète.

Des défis supplémentaires

Dans le même temps, d’autres activités humaines se disputent le même espace. Par exemple, la Zone Princesse Elisabeth prévue pour les parcs éoliens offshore chevauche la zone marine protégée « Bancs flamands » (Fig. 2) et l’extraction d’agrégats marins est à l’étude sur le site nord-ouest. En ce qui concerne la Zone Princesse Elisabeth, l’étude EDEN2000 « Exploring options for a nature-proof Development of offshore wind farms inside a Natura 2000 area », également coordonnée par l’équipe MARECO (2019-2023), a apporté les connaissances nécessaires pour un développement respectueux de la nature des parcs éoliens offshore.

EDEN2000 a été commandé par l’ancien ministre de la Mer du Nord Vincent Van Quickenborne et le service Milieu Marin du Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement. Les résultats servent de conseil dans le cadre des procédures d’appel d’offres publics pour la construction d’éoliennes offshore sous la responsabilité de la DG Energie du SPF Economie.

 

Paul Van Tigchelt, ministre de la Mer du Nord : « Notre mer du Nord abrite plus de 2 000 espèces différentes. En même temps, elle est très animée avec de nombreuses activités. Nos fonds marins ont beaucoup souffert de la pêche intensive. Pour protéger l’intégrité des fonds marins, nous avons identifié les zones les plus précieuses sur la base de recherches scientifiques et en consultation avec les services compétents et le secteur, au sein desquelles nous proposons désormais des measure’s. Nous devons chérir et soutenir la biodiversité de notre mer du Nord. Nous devons restaurer la nature perdue ou gravement réduite. Comme l’huître plate européenne et les lits de gravier. La Belgique a de fortes ambitions en matière de restauration de la nature et nous souhaitons nous y mettre le plus rapidement possible.»

Tortue caouanne vivante sur la plage de Bredene

Le samedi 25 novembre 2023, une tortue caouanne vivante s’est échouée sur la plage de Bredene. Cette espèce n’a encore jamais été identifiée avec certitude en Belgique. L’animal est actuellement étroitement surveillé au SEA LIFE Blankenberge.

© Walter Rogiers

On sait que les vents forts du nord-ouest provoquent l’échouage de toutes sortes de matières mortes et vivantes provenant de la mer sur nos côtes, et la tempête des 24 et 25 novembre 2023 n’a pas été différente. Parfois, des animaux ou des objets surprenants sont également inclus. Dans l’après-midi du 25 novembre, les promeneurs sur la plage de Bredene ont croisé rien de moins qu’une tortue marine vivante.

Le jeune animal, d’une longueur de carapace de seulement 14 cm, a été récupéré sur la plage par les pompiers d’Ostende et signalé aux experts de l’Institut des Sciences naturelles, qui l’ont identifié comme une très jeune tortue caouanne (Caretta caretta). L’Institut a ensuite organisé le transport de l’animal perdu jusqu’au Sea Life Blankenberge.

© Institut des Sciences naturelles/Francis Kerckhof

Première fois en Belgique ?

Bien que la tortue caouanne ne se limite pas exclusivement aux eaux chaudes et soit l’une des tortues marines les plus répandues, la mer du Nord ne fait pas partie de l’aire de répartition de cette espèce. Un certain nombre d’échouages ​​sont connus aux Pays-Bas, aussi au 21e siècle, mais à notre connaissance, aucune observation n’a été confirmée en Belgique. Certains cas anciens sont discutables ou impliquent des tortues marines d’identité inconnue. La tortue de Bredene pourrait donc devenir la première tortue caouanne confirmée en Belgique.

Lorsque les tortues caouannes sortent de l’œuf, leur carapace ne mesure que 4 à 5 cm de long. La carapace des animaux adultes peut atteindre une longueur de plus d’un mètre. Les animaux échoués auparavant aux Pays-Bas avaient des longueurs de carapace très variables, d’environ 20 cm à près d’un mètre. Il s’agissait donc d’animaux d’âges variés, mais la plupart étaient immatures. Les tortues caouannes femelles ne se reproduisent que lorsqu’elles atteignent une longueur de carapace de 70 à 80 cm et ont alors au moins près de 20 (voire plus de 30) ans.

Origine atlantique ?

La tortue caouanne est présente dans tous les océans à l’exception des régions polaires. Comme toutes les tortues marines, elles pondent sur les plages. Les plages de ponte les plus proches de chez nous se trouvent en mer Méditerranée, mais cela ne veut pas dire que la tortue de Bredene vient de là. Dans l’océan Atlantique, les principales zones de reproduction devraient être recherchées dans les îles du Cap-Vert (Atlantique Est) et dans le sud-est de l’Amérique du Nord (Floride, Golfe du Mexique ; Atlantique Ouest), et une origine atlantique est possible dans le cas de la tortue de Bredene.

Cela peut s’expliquer comme suit. Les tortues caouannes immatures d’Amérique du Nord et du Cap-Vert effectuent un tour de plusieurs années dans l’océan Atlantique avant de retourner dans leurs régions d’origine. Au cours de cette étape de leur vie, de forts courants peuvent les faire dériver, les spécimens les plus jeunes – et donc les plus petits – courant le plus grand risque. Les courants occidentaux dans l’océan Atlantique se produisent principalement en automne et en hiver, ce n’est donc pas un hasard si les tortues marines de la mer du Nord apparaissent également le plus souvent pendant cette période.

La tempête de nord-ouest des 24 et 25 novembre 2023 a également provoqué l’échouage de nombreux matériaux qui ont certainement une origine atlantique. Outre le bois flotté et autres objets sur lesquels se trouvent des croissances biologiques provenant de l’océan Atlantique (comme de nombreuses anodontes), cela comprenait également des bouées provenant des États-Unis et du Canada. Il est donc probable que la tortue caouanne nous soit arrivée de l’océan Atlantique le 25 novembre avec le même courant d’ouest.

Cependant, on ne peut en déduire où est née la tortue caouanne belge. Pour une autre espèce précédemment échouée le long des côtes de la mer du Nord, la tortue de Kemp (avec un ex. mort en Belgique, le 6 janvier 2012 à Nieuport), une origine transatlantique est la seule possibilité, car cette espèce se reproduit uniquement dans le golfe du Mexique.

Réhabilitation

Parce que les tortues marines qui s’échouent vivantes dans notre région se sont retrouvées dans une zone qui leur est défavorable, une réhabilitation en refuge est toujours envisagé. La tortue caouanne de Bredene a également subi des dommages à l’arrière de la carapace. SEA LIFE Blankenberge est habilité à soigner les tortues marines et organise immédiatement un premier examen par un vétérinaire après l’arrivée de l’animal. Le poids était de 770 g, quelques balanes ont été professionnellement retirées du côté abdominal et un traitement antibiotique a été commencé. Un examen complémentaire suivra le 26 novembre, au cours duquel l’animal sera soumis à un examen interne aux rayons X.

La tortue caouanne séjourne au SEA LIFE Blankenberge dans un bassin de taille adaptée à l’animal, où la température de l’eau est systématiquement augmentée. Il est encore trop tôt pour déterminer si l’animal peut être relâché dans la nature, et où et quand cela pourrait se produire.

Consultation publique ‘Zone Princesse Elisabeth’

Le Service public fédéral Economie, PME, Classes moyennes et Energie a déposé une demande pour l’obtention d’une autorisation de construction et un permis environnemental d’exploitation des parcs éoliens offshore et le câblage du parc dans les espaces marins sous juridiction de la Belgique. Cette demande fait l’objet d’une procédure d’évaluation d’impact environnemental.

L’application, le rapport d’impact environnemental et le résumé non technique peuvent être consultés du 12 Décembre 2023 au 11 Janvier 2024 dans les bureaux de l’UGMM (Unité de Gestion du Modèle Mathématique de la Mer du Nord) à Bruxelles (Institut des Sciences naturelles, Rue Vautier 29, 1000 Bruxelles; mdevolder@naturalsciences.be; tél. 02 627 43 52) ou à Ostende (3de et 23ste Linieregimentsplein, 8400 Ostende; jhaelters@naturalsciences.be; tél. 02 788 77 22), uniquement sur rendez-vous et pendant les heures de bureau entre 9h00 et 17h00. Le dossier est également consultable les jours ouvrables dans les communes côtières. Une liste reprenant les lieux de consultation et les personnes de contact dans lesdites communes est disponible sur simple demande auprès de l’UGMM.

Les documents peuvent également être consultés sous forme électronique :

Toute partie intéressée peut soumettre ses vues, commentaires et objections à Mme Brigitte Lauwaert par courrier ou par e-mail jusqu’au 26 Janvier 2024:

Institut des Sciences naturelles/UGMM

Attn. Mme Brigitte Lauwaert

Rue Vautier 29

1000 Bruxelles

blauwaert@naturalsciences.be

Première campagne d’échantillonnage EcoMPV réussie : aperçu de la colonisation précoce sur les modules littoraux

Des scientifiques de l’Institut des Sciences naturelles ont réalisé le premier échantillonnage des modules littoraux du projet EcoMPV (Eco-designing Marine Photovoltaic Installations). L’échantillonnage, réalisé le 23 octobre 2023, vise à étudier l’effet d’amélioration de l’habitat des structures flottantes artificielles pour la faune colonisatrice et les poissons marins, l’un des objectifs d’EcoMPV.

A cet effet, trois modules littoraux ont été conçus et développés par Jan De Nul Group, en collaboration avec l’Institut des Sciences Naturelles et l’EMBRC Belgique (European Marine Biological Resource Centre). Ces modules flottants servent de base à diverses plaques de colonisation, construites à partir de matériaux intéressants pour les installations marines offshore. Les modules littoraux ont été installés en mai/juin 2023 par le RV Belgica et le Zeetijger dans la zone de sécurité du parc éolien offshore Mermaid. Ce site test présente de fortes similitudes avec la zone Princess Elizabeth (PEZ), une zone nouvellement désignée pour la production d’énergie offshore.

Au cours de la campagne, l’équipe de plongée scientifique de l’Institut des Sciences naturelles a récupéré le premier groupe de plaques de colonisation de chaque module littoral. À bord du RV Belgica, chaque planche a été photographiée pour une analyse quantitative des images de la couverture puis conservée pour une analyse taxonomique. Les données collectées à partir des modules littoraux fourniront une compréhension globale des premiers processus de colonisation et fourniront des informations cruciales pour le développement d’installations photovoltaïques marines respectueuses de l’environnement. Le projet EcoMPV est financé par le Fonds pour la Transition Energétique du SPF Economie, DG Énergie.

 

Un des modules littoraux, avant échantillonnage. (© Institut des Sciences Naturelles/MARECO)

Une fois le projet EcoMPV terminé, les modules littoraux seront intégrés dans le jardin artificiel à substrat dur (Artificial Hard Substrate Garden) en tant qu’équipement scientifique. Il s’agit d’une plateforme expérimentale in situ innovante, gérée par l’Institut des Sciences naturelles, composée de substrats durs artificiels flexibles et modulaires. Il est conçu pour étudier l’impact des structures artificielles, notamment les installations de mariculture, les structures d’énergie renouvelable, les traitements antisalissure, les structures de protection côtière et bien plus encore, sur l’environnement marin. Le graphiste Hendrik Gheerardyn a récemment créé une infographie informative avec un aperçu des composants du jardin artificiel à substrat dur et de leur plage d’échantillonnage respective.

Aperçu des différents composants du jardin artificiel à substrat dur. (© Hendrik Gheerardyn)

Le jardin artificiel à substrat dur est proposé en tant que service de recherche d’EMBRC à la communauté scientifique et à l’industrie. Plus de détails peuvent être trouvés sur le site web de MARECO ou demandés auprès de Wannes De Clercq (wdeclercq@naturalsciences.be).

 

Cette nouvelle a été initialement publiée sur le site web d’EMBRC le 9 novembre 2023.

Texte : Wannes De Clercq, MARECO, Institut des Sciences naturelles

Échouage d’une orque sur la côte belge

Le 29 octobre, une orque mâle a été repérée au large de Coxyde, premier cas confirmé de cette espèce en Belgique au 21e siècle. Quelques heures plus tard, l’animal gravement affaibli s’est échoué à La Panne, où il est mort presque immédiatement. L’autopsie a eu lieu sur la plage le 30 octobre. On ne sait toujours pas dans quelle mesure l’affaiblissement et la mort de l’orque doit être associés à la vieillesse ou à des problèmes de santé. L’origine de l’animal n’est pas non plus encore connue.

Image: Institut des Sciences naturelles/Jan Haelters

Dans la matinée du dimanche 29 octobre, un animal marin de grande taille mais non identifié a été repéré à la frontière entre Nieuport et Oostduinkerke. Un peu plus tard, Laurent Raty remarque la grande nageoire dorsale en forme d’épée d’un mammifère marin au large de Coxyde. Il était immédiatement clair que cela ne correspondait qu’à une orque mâle. L’animal s’est déplacé lentement vers le sud-ouest le long de la côte et la nouvelle s’est rapidement répandue.

Image: Filip De Ruwe

Lorsqu’une heure plus tard, il est apparu que l’orque s’était entre-temps à peine déplacée jusqu’au large de Saint-Idesbald et qu’il s’y attardait, des centaines de spectateurs se sont précipités sur le rivage dans l’espoir d’apercevoir l’animal. Cela n’a pas été difficile, la mer étant plate, l’orque était visible de loin. Mais il arrivait aussi que l’animal s’approche à quelques dizaines de mètres de la ligne de marée.

Image: Vincent Legrand

Échouage inévitable

Beaucoup de « oh » et de « ah », mais l’apparition de cette orque dans le sud de la mer du Nord, sa nage lente et son approche de la plage étaient des mauvais signes. L’euphorie a donc rapidement tourné court lorsqu’il est devenu évident que l’animal s’échouerait avec la marée montante. Une ultime tentative du canot de sauvetage Brandaris (Ship Support, Nieuport) pour inciter l’orque à choisir la haute mer est restée sans effet.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

À deux heures et quart de l’après-midi, l’orque s’est échouée à La Panne, juste de l’autre côté de la frontière avec Saint-Idesbald. Une fois à sec sur la marée descendante, l’animal très maigre est mort presque immédiatement. Outre son état de faiblesse, la perte de la force de soutien de l’eau joue également un rôle. Sur la terre ferme, la pression de son propre poids sur les organes, la circulation sanguine et la respiration devient rapidement trop importante.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Autopsie

En raison de la taille de l’animal – 6,13 m de long – et de la volonté de conserver le corps aussi intact que possible pour l’autopsie et de préserver le squelette, il a été décidé d’organiser sur place l’enquête sur les antécédents médicaux et les causes de la mort de l’orque.

L’autopsie a été pratiquée le lundi 30 octobre au matin par le personnel des facultés de médecine vétérinaire de l’Université de Gand et de l’Université de Liège et de l’Institut des Sciences naturelles. Le public a pu suivre à distance le déroulement de l’opération, qui a duré environ trois heures. Toutes les parties du corps et tous les organes ont été inspectés extérieurement et intérieurement, et divers échantillons de tissus ont été prélevés en vue d’études microbiologiques (maladies) et écotoxicologiques (contamination chimique).

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Cause du décès ?

L’analyse du système digestif a montré que l’estomac et les intestins étaient complètement vides et que l’animal n’avait donc pas réussi à se nourrir depuis un certain temps. La fine couche de graisse (sous-cutanée) et les dents très usées semblent également y être liées. Ces constatations sont cohérentes avec l’émaciation et l’affaiblissement de l’animal observés extérieurement.

L’inspection des autres organes a révélé des signes d’infection du système lymphatique et des saignements mineurs dans la paroi intestinale. La gravité et le rôle de ces signes dans l’affaiblissement et la mort de l’orque font l’objet d’une surveillance microbiologique plus poussée. Les autres organes ne présentaient aucun signe d’infection ou de pathologie évidente. Aucune quantité suspecte de parasites internes ou externes n’a été trouvée non plus.

Il n’est donc pas encore totalement établi dans quelle mesure l’affaiblissement, puis l’échouage et la mort de l’orque sont liés à son âge avancé (et à sa mort naturelle), à des problèmes de santé sous-jacents ou à une combinaison de ces deux facteurs.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Orques en Belgique

Il n’y a guère de cas bien documentés d’orques en Belgique au cours des siècles passés. Nous disposons de quatre rapports datant du 20e siècle et pour un échouage plus ancien, il faut déjà remonter à l’année 1850. Les cas plus récents (dont certains signalés en 2022) n’ont pas pu être suffisamment documentés pour être retenus comme certains. L’animal du 29 octobre 2023 concerne donc la première orque confirmée en Belgique au 21ème siècle. Entre-temps, on a appris qu’il avait également été filmé en mer, jeudi 26 octobre, le long des côtes nord de la France, entre Wimereux et Boulogne-sur-Mer.

Bien qu’une orque se soit également échoué à Cadzand (Pays-Bas) en octobre 2022, qu’une orque ait été trouvé dans la Seine (France) en mai de la même année (aucun des deux n’a survécu) et que d’autres mammifères marins rares et inattendus aient également été observés dans le sud de la mer du Nord au cours des dernières années, il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces données en raison de leur nombre peu élevé. Il en va de même pour l’identification des causes de l’apparition de ces espèces dans des zones où elles ne sont pas normalement présentes.

Origine

En ce qui concerne l’origine de l’orque belge, la question n’est pas encore tranchée. L’orque est une espèce cosmopolite, c’est-à-dire qu’on la trouve partout dans le monde, mais elle vit généralement en populations plus ou moins résidentes dans des zones bien définies (qui peuvent être assez vastes). Le sud de la mer du Nord ne compte aucune population locale, les orques les plus proches vivant en Écosse, en Norvège et au sud du golfe de Gascogne (au nord de l’Espagne).

Les populations d’orques sont invariablement bien suivies par les scientifiques locaux, et les individus sont généralement connus et documentés dans des bases de données photographiques. La reconnaissance des individus est souvent possible sur la base des marques, de la forme des nageoires et des dommages et cicatrices éventuels. L’orque de la côte belge est actuellement comparée aux photos de ces bases de données. Jusqu’à présent, aucune similitude n’a été trouvée avec les orques de la péninsule ibérique (Espagne – Portugal), de Madère, d’Écosse et d’Irlande. Une origine possible des populations de Norvège, d’Islande et des Açores est encore à l’étude.

 

Merci

Un mot de remerciement explicite à la police locale et aux pompiers, aux services municipaux de La Panne, aux services de sauvetage, à la protection civile, au personnel de l’Université de Gand et de l’Université de Liège, aux collègues de l’Institut des Sciences naturelles et du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, ainsi qu’aux nombreux bénévoles et autres parties prenantes qui ont joué un rôle dans le suivi et la documentation de l’orque, la gestion de l’échouage, du public et de l’autopsie.

La commune de La Panne a donné à l’infortuné orque le nom de « Reveil », d’après l’initiative qui vise à faire entrer la culture flamande du deuil dans le 21e siècle et dont La Panne pourrait s’attribuer le titre de « capitale de la consolation » en 2023. La veille de l’échouage de l’orque, 10 000 bougies ont été placées sur la plage de La Panne dans ce contexte.

Publication Nature Communications Earth and Environment : La réglementation maritime internationale fait diminuer les émissions de dioxyde de souffre mais augmenter les émissions d’oxyde d’azote en mer du Nord et en mer Baltique

En collaboration avec des chercheurs d’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas et de la Suède, les scientifiques de l’Institut des Sciences naturelles (Ward Van Roy et collègues) ont évalué l’efficacité des règles entourant les émissions des navires qui ont été mises en œuvre depuis plus de 15 ans dans la mer du Nord et dans la mer Baltique. Les résultats de cette étude ont été publiés aujourd’hui, le 26 octobre 2023, dans la revue scientifique réputée Nature Communication Earth and Environment. Cette étude est basée sur les mesures de plus de 110 000 panaches de fumée ainsi que sur des inspections à bord des navires. Les mesures à distance ont été effectuées grâce à différentes stations de contrôle fixes mais également en mobilisant des drônes, des hélicoptères et l’avion garde-côtes de l’Institut des Sciences naturelles.

L’avion garde-côtes belge opéré par l’Institut des Sciences naturelles (© Institut des Sciences naturelles/UGMM)

Les données révèlent une amélioration substantielle du taux de conformité aux limites d’émissions de souffre depuis le début de la campagne de mesures. Cette tendance positive a été observée dans la mer du Nord et dans la Baltique. Néanmoins, il a été observé que l’introduction du plafond mondial de 0,5 % FSC (teneur en soufre du carburant) a conduit à une légère augmentation des émissions de SO2 dans la zone SECA (zone de contrôle des émissions de soufre) à partir de 2020, peut-être en raison de l’utilisation accrue des épurateurs (scrubbers) et de l’inflation du prix du carburant.

Evolution du taux de non-conformité potentielle dans la zone SECA européenne

Contrairement à la réduction réussie des émissions de SO2 des navires, les réglementations internationales sur les émissions des navires ne semblent pas avoir d’impact sur les émissions d’oxyde d’azote (NOx). Au contraire, un accroissement des émissions de NOx des navires a même été observé. Ce résultat peut être attribué à diverses lacunes dans les réglementations sur les NOx, un sujet sur lequel l’Institut des Sciences naturelles et d’autres chercheurs ont publié précédemment.

Augmentation des émissions de NOx entre les périodes 2019-2020 et 2021-2022

Les résultats de ces recherches revêtent une importance particulière pour les décideurs politiques et les autres parties prenantes responsables de la réglementation environnementale et de sa mise en œuvre car ils offrent des indications précieuses pour l’élaboration de réglementations et de stratégies  plus efficaces en vue de leur application en mer et dans les ports.

Vous pouvez consulter l’article complet ici, et lire un article de blog « Derrière le journal » ici.

Réunion des opérateurs internationaux de navires de recherche à Bruges

Du 16 au 20 octobre 2023, la ville de Bruges, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, a été le théâtre de la 34e réunion annuelle des opérateurs de navires de recherche internationaux. La réunion était organisée par l’Institut des Sciences naturelles et l’Institut flamand de la mer. 129 participants ont assisté à la réunion pour partager des informations et résoudre des problèmes d’intérêt commun. L’amélioration du soutien aux efforts de recherche en mer de la communauté scientifique marine est toujours une priorité.

Opérateurs de navires de recherche internationaux, 16-20 octobre 2023, Bruges, Belgique

Le forum international des opérateurs de navires de recherche (International Research Ship Operators – IRSO) réunit des opérateurs de navires de recherche représentant 49 organisations de 30 pays. Ensemble, ils exploitent plus de 100 des principaux navires de recherche en sciences marines du monde. L’adhésion à l’IRSO est ouverte à toutes les organisations exploitant des navires de recherche et à tous les programmes de recherche nationaux qui collectent des données à partir de navires en mer et suivent des protocoles établis pour la publication ouverte de leurs résultats.

L’IRSO a été fondé en 1986 et depuis lors, des réunions annuelles sont organisées par et dans les pays participants. En 2023, l’Institut des Sciences naturelles, exploitant du RV Belgica, et l’Institut flamand de la mer (VLIZ), exploitant du RV Simon Stevin, ont repris l’organisation. Ensemble, ils garantissent également la représentation belge au sein de l’IRSO. 129 participants se sont rendus à Bruges pour cette 34ème réunion de l’IRSO. Outre les sessions plénières et certains ateliers spécifiques, qui se sont déroulés au Grand Hôtel Casselbergh de Bruges, le programme comprenait également des activités sociales. Une visite des navires de recherche RV Belgica et RV Simon Stevin était bien sûr incontournable. Pour l’occasion, les deux navires étaient amarrés à la base navale de Zeebrugge le vendredi 20 octobre.

RV Simon Stevin et RV Belgica dans la base navale de Zeebrugge (© Institut des Sciences naturelles)

Objectifs de l’assemblée annuelle

Le partage d’expériences réussies (meilleures pratiques) dans la conception et l’exploitation de navires de recherche et d’équipements scientifiques font partie des principaux objectifs de la réunion annuelle de l’IRSO.

« Ces réunions permettent un partage efficace de l’information et la résolution de problèmes d’intérêt commun. De cette manière, les efforts de recherche de la communauté scientifique marine en mer peuvent être de plus en plus soutenus », explique Greg Foothead, président de l’IRSO et directeur général de NIWA Vessel Management Ltd de Nouvelle-Zélande.

Giuseppe Magnifico, vice-président de l’IRSO et directeur adjoint du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR) italien, ajoute : « L’IRSO agit également comme porte-parole de la communauté de recherche et fournit des conseils d’experts à d’autres organismes si nécessaire. »

Avantages supplémentaires

Cependant, l’IRSO va également plus loin que la simple information mutuelle des expériences et des développements des flottes de recherche nationales. « Le fait d’être actif au sein de l’IRSO se traduit parfois aussi par de véritables collaborations et par un échange de temps d’expédition et d’équipement entre instituts et pays », explique André Cattrijsse, chef du département Infrastructure de recherche de l’Institut flamand de la mer.

« Cet échange stratégique de connaissances et d’expériences est également crucial à une époque de restrictions budgétaires, alors que le besoin de connaissance des mers côtiers et de l’océan et de leurs relations avec les humains augmente rapidement. » souligne Lieven Naudts, coordinateur du RV Belgica et chef du Service de Mesure d’Ostende de l’Institut des Sciences naturelles.

De gauche à droite : André Cattrijsse (Institut flamand de la mer), Giuseppe Magnifico (vice-président de l’IRSO), Greg Foothead (président de l’IRSO) et Lieven Naudts (Institut des Sciences naturelles) reviennent sur une réunion réussie de l’IRSO (© Institut des Sciences naturelles)

L’IRSO initie également des projets d’intérêt commun pour ses membres. Par exemple, un code de conduite pour les navires de recherche marine a été élaboré et, par l’intermédiaire de l’IRSO, des contributions ont été apportées à la création de la base de données OCEANIC pour les navires de recherche de l’Université du Delaware. L’IRSO parraine également des ateliers et des groupes de travail, tels que l’atelier biennal international des techniciens maritimes (INMARTECH).

Plan d’action pour l’océan Austral

Plus de 200 scientifiques de 19 pays ont résumé la première évaluation complète des tendances des écosystèmes de l’océan Austral dans un rapport rédigé spécialement à l’intention des décideurs politiques. L’évaluation des écosystèmes marins de l’océan Austral (MEASO) souligne que le changement climatique est le principal moteur de l’évolution des espèces et des écosystèmes dans l’océan Austral et les zones côtières de l’Antarctique.

La glace de mer se détache dans l’océan Austral (© AAPP)

L’océan Austral autour de l’Antarctique abrite une faune unique et est donc fondamental pour la biodiversité. Il est également essentiel au bien-être de l’homme, car il nous fournit de la nourriture et contribue à réguler notre climat. Mais comme l’océan Austral absorbe la majeure partie de l’augmentation de la température mondiale, la faune en ressente les effets. Avec les pressions supplémentaires de la pêche, du tourisme et de la pollution, cet environnement et ses habitants sont aujourd’hui confrontés à un avenir incertain.

« La conservation à long terme des écosystèmes de l’océan Austral, en particulier des espèces antarctiques adaptées aux conditions polaires et des systèmes côtiers, ne peut être assurée que par une action mondiale urgente de lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans », a déclaré le Dr Anton Van de Putte (Institut des Sciences naturelles et Université libre de Bruxelles, Belgique), membre du comité directeur chargé de superviser l’évaluation de l’écosystème marin de l’océan Austral (MEASO).

Le processus quinquennal de la MEASO s’est inspiré d’un groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le Dr Van de Putte, qui a également contribué activement à la rédaction d’un résumé destiné aux décideurs politiques, a ajouté : « Le rapport MEASO peut être considéré comme un rapport du GIEC pour l’océan Austral et, de la même manière, les données scientifiques ont été distillées dans un résumé concis et facile à lire afin d’informer les politiciens et les décideurs politiques du monde entier. »

Rorqual commun au bord des glaces (© Richard Youd, AAD)

Les auteurs du rapport soulignent également la nécessité de poursuivre le processus MEASO au cours de cette décennie critique pour l’action climatique. Les évaluations futures seront grandement facilitées par l’archivage, la conservation et le partage ouvert des données et des algorithmes. « Le portail SCAR sur la biodiversité de l’Antarctique (www.biodiversity.aq), hébergé par l’Institut des Sciences naturelles, apportera une contribution importante à cet égard. Tels systèmes de données ouvertes permettront de rassembler les meilleures données scientifiques disponibles en temps opportun et d’harmoniser les informations pour les décideurs politiques », a déclaré le Dr Van de Putte.

Principales conclusions

Le résumé à l’intention des décideurs politiques contient 40 conclusions clés, dont les suivantes :

  • Gérer le changement : la conservation à long terme des écosystèmes de l’océan Austral, en particulier des espèces antarctiques adaptées aux conditions polaires et des systèmes côtiers, ne peut être assurée que par une action mondiale urgente de lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans.
  • Mesurer le changement : la communauté internationale doit investir dans l’évaluation et la surveillance scientifiques de la santé des océans à long terme et à l’échelle de la zone concernée.
  • Prévoir le changement : Des modèles sont nécessaires pour comprendre ce que les changements futurs dans les habitats et les influences humaines signifieront pour les différents écosystèmes, communautés et espèces.
  • Valeur et importance des écosystèmes de l’océan Austral : L’océan Austral est connecté à l’échelle mondiale et est important pour le climat et l’océanographie, car il fournit de la nourriture et des zones de reproduction à de nombreuses espèces migratrices. Les mouvements et les activités humaines, notamment l’introduction d’espèces exotiques, les maladies et la pollution, menacent cet écosystème unique.
  • Évolution des habitats dans l’océan Austral : Les habitats de l’océan Austral, depuis la glace de surface jusqu’au fond de la mer, sont en train de changer. Le réchauffement de l’océan, le déclin de la glace de mer, la fonte des glaciers, l’effondrement des plates-formes de glace, les changements d’acidité et les influences humaines directes telles que la pêche ont tous un impact sur les différentes parties de l’océan et sur ses habitants.
  • Changements biologiques et vulnérabilités : Les organismes vivant dans l’océan Austral, des plantes microscopiques aux baleines, sont confrontés à un environnement changeant. La manière dont la plupart des espèces réagiront est incertaine, mais les principales espèces de référence, telles que le krill antarctique, risquent de décliner, ce qui aura des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème.
Manchots empereurs à la colonie d’Auster (© Pat James, AAD)

À propos de MEASO

L’évaluation de l’écosystème marin de l’océan Austral (MEASO) est la première évaluation interdisciplinaire circumpolaire de l’état et des tendances des écosystèmes de l’océan Austral et des facteurs de changement, à l’usage des décideurs politiques, des scientifiques et du grand public. Le rapport a été lancé le mercredi 18 octobre 2023 à Hobart, en Tasmanie, lors de la réunion annuelle de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), l’organisme international responsable de la conservation des écosystèmes marins de l’océan Austral, dans le cadre du système du traité sur l’Antarctique. Elle compte parmi ses membres 26 nations et l’Union européenne, dont la Belgique.

Lancé en 2018, MEASO est un processus ouvert et participatif impliquant 203 scientifiques de toute la communauté scientifique de l’Antarctique et de l’océan Austral (19 pays). Ensemble, ils ont contribué à 24 articles de recherche publiés dans un thème de recherche spécial dans les revues Frontiers.

MEASO est une activité centrale du programme Integrating Climate and Ecosystem Dynamics in the Southern Ocean (ICED), qui est un programme régional de Integrated Marine Biosphere Research (IMBeR, qui est lui-même un programme conjoint du Scientific Committee on Oceanic Research [SCOR] et de Future Earth). MEASO est également parrainé par le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR) et bénéficie du soutien du Southern Ocean Observing System (SOOS), un programme commun du SCAR et du SCOR.

Le résumé de MEASO pour les décideurs politiques peut être téléchargé ici.

Contrôle aérien sur les plates-formes pétrolières et gazières pendant le Tour d’Horizon 2023

Début juillet 2023, l’avion garde-côtes de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) a effectué sa mission annuelle de Tour d’Horizon (TdH). Il s’agit de vérifier la présence de nappes d’hydrocarbures provenant des plates-formes pétrolières et gazières offshore dans le nord de la mer du Nord (en dehors des eaux belges). La mission a permis de détecter pas moins de 30 nappes, le nombre le plus élevé jamais trouvé par un partenaire du TdH en une seule mission.

Déversement d’hydrocarbures provenant d’une plate-forme de forage dans les eaux norvégiennes (© IRSNB/UGMM)

La mission TdH est menée chaque année dans le cadre de l’Accord de Bonn et vise à contrôler la pollution marine provenant des plates-formes de forage dans les parties centrale et septentrionale de la mer du Nord. L’accent est mis sur les eaux offshore néerlandaises, danoises, britanniques et norvégiennes, et la Belgique s’engage également dans cette opération. Les activités des avions de surveillance des différents pays de la mer du Nord sont coordonnées au niveau international afin d’assurer une couverture optimale de la supervision des infrastructures pétrolières et gazières offshore.

Le plus grand nombre de déversements d’hydrocarbures jamais détectés

Au cours de cette mission TdH, l’avion garde-côtes belge a détecté pas moins de 30 nappes d’hydrocarbures. Il s’agit du nombre le plus élevé de nappes d’hydrocarbures détectées en une seule mission par un seul avion depuis le début du programme en 1991. Parmi ces détections, six concernaient des déversements importants d’hydrocarbures, avec une quantité minimale estimée à plus de 1 m³. La plus grande a été estimée à au moins 16,9 m³. Toutes les détections, sauf deux, concernaient des nappes d’hydrocarbures liées à une plate-forme de forage. 17 nappes ont été détectées dans les eaux britanniques, 12 dans les eaux norvégiennes et une dans les eaux néerlandaises.

Toutes les détections ont été signalées aux autorités nationales compétentes conformément aux procédures établies dans le cadre de l’Accord de Bonn.

La surveillance aérienne complète la surveillance par satellite

Il est à noter que le programme de surveillance par satellite (CleanSeaNet) de l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) n’a signalé aucune détection lors de ses passages par satellite dans la même zone et au cours de la même période. Cela montre l’importance primordiale de la surveillance aérienne traditionnelle, soutenue par la surveillance par satellite.

Observations des mammifères marins

Outre les nappes d’hydrocarbures, l’avion garde-côtes belges a également pu observer des orques et d’autres mammifères marins au cours de la mission TdH 2023. L’équipe a pu photographier, pour la première fois lors d’une mission TdH, deux groupes d’orques entre la Norvège et l’Écosse. Il est probable que ces deux groupes fassent partie d’un seul et même groupe plus important d’environ 10 individus.

Trois orques dans les eaux norvégiennes (© IRSNB/UGMM)

Grâce à la longue expérience de l’équipage, à la fonctionnalité et à la capacité de déploiement de l’avion garde-côtes de l’IRSNB, la Belgique continue d’honorer ses engagements dans le cadre de l’Accord de Bonn. L’IRSNB continue ainsi à prouver son engagement pour une meilleure protection de la mer du Nord. Cependant, l’avion date de 1976 et commence à présenter de plus en plus de défauts techniques. Le remplacement de l’avion est donc une priorité absolue, afin que la surveillance aérienne puisse se poursuivre à l’avenir.

L’équipe belge TdH2023 (de gauche à droite : les opérateurs Ward Van Roy et Jean-Baptiste Merveille, les pilotes Dries Noppe et Alexander Vermeire) (© IRSNB/UGMM)
Les missions TdH se déroulent dans un environnement très différent de la surveillance des eaux belges. (© IRSNB/UGMM)

La tortue luth de Knokke est morte des suites d’un traumatisme aigu

Jusqu’à la découverte d’une tortue luth morte sur la plage de Knokke le 7 octobre 2023, on ne connaissait que trois échouages de cette espèce dans notre pays. L’autopsie de l’animal, qui a eu lieu le 9 octobre, montre que le malheureux animal était en bonne santé lorsqu’un traumatisme aigu mais inconnu a provoqué sa mort subite.

Tortue luth échouée morte sur la plage de Knokke, 7 octobre 2023 (© IRSNB/J. Haelters)

Le samedi matin 7 octobre 2023, des promeneurs ont trouvé rien de moins qu’une tortue luth (Dermochelys coriacea) morte sur la plage près du parc naturel du Zwin à Knokke, près de la frontière néerlandaise. Espèce exclusivement marine qui ne vient à terre que pour pondre, la tortue luth est aussi la plus grande espèce de tortue au monde (avec une longueur maximale de 2,5 m). Le malheureux animal de Knokke mesurait 1,73 m de long et était déjà en état de décomposition. La mort soit survenue probablement quelques jours avant qu’elle ne soit rejetée sur le rivage.

L’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), chargé d’organiser l’étude des espèces marines protégées, a récupéré l’animal auprès des pompiers de Knokke après que ceux-ci l’aient retiré de la plage, en collaboration avec le service technique de la commune.

Tortue luth échouée morte sur la plage de Knokke, 7 octobre 2023 (© IRSNB/J. Haelters)

En mer du Nord ?

La tortue luth est une espèce dite cosmopolite, ce qui signifie qu’on la trouve dans le monde entier. Elle est surtout connue comme une espèce des mers chaudes, mais ce n’est que pour la ponte que les plages des mers tropicales et subtropicales sont importantes. En dehors de la saison de ponte, les tortues luth se trouvent également beaucoup plus au nord (jusqu’en Alaska et en Norvège) et au sud (jusqu’en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande). Dans les eaux peu profondes de la mer du Nord, leur présence est très sporadique, mais elles peuvent s’y nourrir pendant les périodes où les méduses sont très abondantes.

Les méduses sont donc une explication possible de l’apparition de cette tortue luth dans le sud de la mer du Nord. Ces dernières semaines, les rhizostomes (Rhizostoma pulmo) ont été particulièrement abondantes dans nos eaux, une espèce de méduse qui figure au menu de la tortue luth et qui atteint son apogée dans nos eaux d’août à octobre. Il n’est pas inconcevable que la tortue luth de Knokke ait suivi cette source de nourriture dans la mer du Nord.

Quatre échouages dans notre pays

Dans nos régions, la tortue luth est une grande rareté. Jan Haelters (IRSNB), coordinateur du réseau d’échouage et expert en mammifères marins, donne un aperçu de la situation : « On ne connaît que trois échouages de tortues luth en Belgique. Les échouages précédents datent de 1988, 1998 et 2000. En outre, seules quelques observations de tortues luth vivantes dans les eaux belges sont connues : une en 2018, deux en 2019 et une en 2020. Cette dernière a été trouvée entre Ostende et Middelkerke dans les filets d’un pêcheur de crevettes, et a pu être ramenée vivante par-dessus bord. »

Il semble que le nombre de cas dans nos eaux augmente, mais avec un si petit nombre, il est dangereux de tirer une telle conclusion. En effet, le nombre d’observateurs potentiels et le flux de données ont également considérablement augmenté grâce à la forte connectivité numérique de notre monde actuel. Il n’est pas non plus possible d’établir un lien avec le réchauffement climatique avec un si petit nombre d’observations.

Autopsie

L’autopsie de la tortue luth a eu lieu le lundi 9 octobre au matin à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Gand, dans le cadre d’une collaboration entre les universités de Gand et de Liège. Elle a révélé qu’il s’agissait d’une femelle de 247 kg. Les restes de rhizostomes dans l’œsophage montrent que l’animal était en train de manger lorsqu’elle est morte. Un petit morceau de plastique a été trouvé dans l’intestin, mais la quantité était trop faible pour causer des problèmes. Il est bien connu que les animaux qui mangent des méduses se trompent parfois et confondent le plastique flottant dans l’eau avec des méduses.

Tout semble indiquer que la tortue luth était en bonne santé lorsqu’elle est morte subitement. Bien que l’animal ne présente aucun signe extérieur de traumatisme aigu, de nombreuses hémorragies ont été observées à l’intérieur. Cela indique une mort soudaine due à un événement traumatique, mais la cause exacte de ce traumatisme n’est pas claire.

La tortue luth sur la table d’autopsie (© IRSNB/J. Haelters)
Intérieur de l’œsophage avec des restes de rhizostomes (© IRSNB/J. Haelters)
Morceau de plastique du système digestif (© IRSNB/J. Haelters)
Détail de la tête (© IRSNB/J. Haelters)