10 février, 06:50, comme chaque matin l’observation au dortoir commence dès le lever du jour. Des milliers de cygnes, principalement des Bewick, sont rassemblés pour passer la nuit en toute sécurité dans les marais de Dimitriades. La bande s’allonge sur 1 km ; c’est un spectacle très impressionnant !
La plupart des cygnes nagent dans l’eau peu profonde, une minorité est debout dans la vase qui affleure. Les contacts sont intenses, les cygnes sont des oiseaux très sociaux en dehors de la période de nidification. Ils vocalisent en permanence. Leurs appels sont très mélodieux et atteignent leur paroxysme au moment de l’envol. Ceux-ci se succèdent, par petits groupes.
08:03, deux familles de Cygnes de Bewick prennent leur envol depuis le coin sud-ouest du dortoir. Se faisant, ils dégagent la vue vers un autre petit groupe. Il est là ! Le cygne à collier jaune découvert il y 5 jours, mais dont le code n’avait pas pu être déchiffré. Il fait aujourd’hui beaucoup moins venteux et la distance n’est que de 400 m. Cela va aller ! Au bout de quelques minutes d’observation au télescope zoom 70x, les 4 caractères du code apparaissent clairement. Plus de doutes, c’est bien un Cygne de Bewick bagué aux Pays-Bas. L’encodage du code sur la plateforme geese.org qui compile les données des programmes de marquage de cygnes et oies en Europe permet de connaitre immédiatement son origine. Le cygne a collier jaune a été marqué le 26/12/2014 en Noord Brabant, non loin de la ville de s’Hertogenbosch. Il a rapidement quitté la zone pour poursuivre son hivernage en Belgique, à 50 km au sud-ouest, dans le nord de la province d’Anvers où il est resté jusqu’au 01/03/2015. Il sera observé ensuite le 31/03/2015 en Lituanie, en migration vers la Sibérie. Et l’hiver suivant, c’est donc en Grèce que nous le retrouvons.
C’est le 3ème Cygne de Bewick bagué aux Pays-Bas que nous observons dans le Delta de l’Evros. Le précédent l’avait été le 19/02/2010. Est-ce un nouveau témoignage du fait que les Bewick hivernant traditionnellement dans ce pays le désertent ? Mais si c’est bien le cas (3 observations ne permettent pas de tirer des conclusions), pourquoi un tel phénomène ? Que se passe-t-il donc aux Pays-Bas qui ne plait plus aux Cygnes de Bewick ? Manifestement, nul ne le sait avec certitude.
Objectif suivant de la journée : observer le comportement des Oies naines, une autre espèce en déclin qui hiverne également dans le Delta de l’Evros.
Les ornithologues de l’Institut de Recherche Forestière de Thessalonique, partenaire du programme sur les Bewick, étudient leur régime alimentaire en analysant les fragments de cellule des végétaux, extraits des crottes récoltées dans le marais de Dimitriades. Tout un programme !