Échouage d’une orque sur la côte belge

Le 29 octobre, une orque mâle a été repérée au large de Coxyde, premier cas confirmé de cette espèce en Belgique au 21e siècle. Quelques heures plus tard, l’animal gravement affaibli s’est échoué à La Panne, où il est mort presque immédiatement. L’autopsie a eu lieu sur la plage le 30 octobre. On ne sait toujours pas dans quelle mesure l’affaiblissement et la mort de l’orque doit être associés à la vieillesse ou à des problèmes de santé. L’origine de l’animal n’est pas non plus encore connue.

Image: Institut des Sciences naturelles/Jan Haelters

Dans la matinée du dimanche 29 octobre, un animal marin de grande taille mais non identifié a été repéré à la frontière entre Nieuport et Oostduinkerke. Un peu plus tard, Laurent Raty remarque la grande nageoire dorsale en forme d’épée d’un mammifère marin au large de Coxyde. Il était immédiatement clair que cela ne correspondait qu’à une orque mâle. L’animal s’est déplacé lentement vers le sud-ouest le long de la côte et la nouvelle s’est rapidement répandue.

Image: Filip De Ruwe

Lorsqu’une heure plus tard, il est apparu que l’orque s’était entre-temps à peine déplacée jusqu’au large de Saint-Idesbald et qu’il s’y attardait, des centaines de spectateurs se sont précipités sur le rivage dans l’espoir d’apercevoir l’animal. Cela n’a pas été difficile, la mer étant plate, l’orque était visible de loin. Mais il arrivait aussi que l’animal s’approche à quelques dizaines de mètres de la ligne de marée.

Image: Vincent Legrand

Échouage inévitable

Beaucoup de « oh » et de « ah », mais l’apparition de cette orque dans le sud de la mer du Nord, sa nage lente et son approche de la plage étaient des mauvais signes. L’euphorie a donc rapidement tourné court lorsqu’il est devenu évident que l’animal s’échouerait avec la marée montante. Une ultime tentative du canot de sauvetage Brandaris (Ship Support, Nieuport) pour inciter l’orque à choisir la haute mer est restée sans effet.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

À deux heures et quart de l’après-midi, l’orque s’est échouée à La Panne, juste de l’autre côté de la frontière avec Saint-Idesbald. Une fois à sec sur la marée descendante, l’animal très maigre est mort presque immédiatement. Outre son état de faiblesse, la perte de la force de soutien de l’eau joue également un rôle. Sur la terre ferme, la pression de son propre poids sur les organes, la circulation sanguine et la respiration devient rapidement trop importante.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Autopsie

En raison de la taille de l’animal – 6,13 m de long – et de la volonté de conserver le corps aussi intact que possible pour l’autopsie et de préserver le squelette, il a été décidé d’organiser sur place l’enquête sur les antécédents médicaux et les causes de la mort de l’orque.

L’autopsie a été pratiquée le lundi 30 octobre au matin par le personnel des facultés de médecine vétérinaire de l’Université de Gand et de l’Université de Liège et de l’Institut des Sciences naturelles. Le public a pu suivre à distance le déroulement de l’opération, qui a duré environ trois heures. Toutes les parties du corps et tous les organes ont été inspectés extérieurement et intérieurement, et divers échantillons de tissus ont été prélevés en vue d’études microbiologiques (maladies) et écotoxicologiques (contamination chimique).

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Cause du décès ?

L’analyse du système digestif a montré que l’estomac et les intestins étaient complètement vides et que l’animal n’avait donc pas réussi à se nourrir depuis un certain temps. La fine couche de graisse (sous-cutanée) et les dents très usées semblent également y être liées. Ces constatations sont cohérentes avec l’émaciation et l’affaiblissement de l’animal observés extérieurement.

L’inspection des autres organes a révélé des signes d’infection du système lymphatique et des saignements mineurs dans la paroi intestinale. La gravité et le rôle de ces signes dans l’affaiblissement et la mort de l’orque font l’objet d’une surveillance microbiologique plus poussée. Les autres organes ne présentaient aucun signe d’infection ou de pathologie évidente. Aucune quantité suspecte de parasites internes ou externes n’a été trouvée non plus.

Il n’est donc pas encore totalement établi dans quelle mesure l’affaiblissement, puis l’échouage et la mort de l’orque sont liés à son âge avancé (et à sa mort naturelle), à des problèmes de santé sous-jacents ou à une combinaison de ces deux facteurs.

Image: Institut des Sciences naturelles/Kelle Moreau

Orques en Belgique

Il n’y a guère de cas bien documentés d’orques en Belgique au cours des siècles passés. Nous disposons de quatre rapports datant du 20e siècle et pour un échouage plus ancien, il faut déjà remonter à l’année 1850. Les cas plus récents (dont certains signalés en 2022) n’ont pas pu être suffisamment documentés pour être retenus comme certains. L’animal du 29 octobre 2023 concerne donc la première orque confirmée en Belgique au 21ème siècle. Entre-temps, on a appris qu’il avait également été filmé en mer, jeudi 26 octobre, le long des côtes nord de la France, entre Wimereux et Boulogne-sur-Mer.

Bien qu’une orque se soit également échoué à Cadzand (Pays-Bas) en octobre 2022, qu’une orque ait été trouvé dans la Seine (France) en mai de la même année (aucun des deux n’a survécu) et que d’autres mammifères marins rares et inattendus aient également été observés dans le sud de la mer du Nord au cours des dernières années, il convient d’être prudent dans l’interprétation de ces données en raison de leur nombre peu élevé. Il en va de même pour l’identification des causes de l’apparition de ces espèces dans des zones où elles ne sont pas normalement présentes.

Origine

En ce qui concerne l’origine de l’orque belge, la question n’est pas encore tranchée. L’orque est une espèce cosmopolite, c’est-à-dire qu’on la trouve partout dans le monde, mais elle vit généralement en populations plus ou moins résidentes dans des zones bien définies (qui peuvent être assez vastes). Le sud de la mer du Nord ne compte aucune population locale, les orques les plus proches vivant en Écosse, en Norvège et au sud du golfe de Gascogne (au nord de l’Espagne).

Les populations d’orques sont invariablement bien suivies par les scientifiques locaux, et les individus sont généralement connus et documentés dans des bases de données photographiques. La reconnaissance des individus est souvent possible sur la base des marques, de la forme des nageoires et des dommages et cicatrices éventuels. L’orque de la côte belge est actuellement comparée aux photos de ces bases de données. Jusqu’à présent, aucune similitude n’a été trouvée avec les orques de la péninsule ibérique (Espagne – Portugal), de Madère, d’Écosse et d’Irlande. Une origine possible des populations de Norvège, d’Islande et des Açores est encore à l’étude.

 

Merci

Un mot de remerciement explicite à la police locale et aux pompiers, aux services municipaux de La Panne, aux services de sauvetage, à la protection civile, au personnel de l’Université de Gand et de l’Université de Liège, aux collègues de l’Institut des Sciences naturelles et du SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, ainsi qu’aux nombreux bénévoles et autres parties prenantes qui ont joué un rôle dans le suivi et la documentation de l’orque, la gestion de l’échouage, du public et de l’autopsie.

La commune de La Panne a donné à l’infortuné orque le nom de « Reveil », d’après l’initiative qui vise à faire entrer la culture flamande du deuil dans le 21e siècle et dont La Panne pourrait s’attribuer le titre de « capitale de la consolation » en 2023. La veille de l’échouage de l’orque, 10 000 bougies ont été placées sur la plage de La Panne dans ce contexte.

Publication Nature Communications Earth and Environment : La réglementation maritime internationale fait diminuer les émissions de dioxyde de souffre mais augmenter les émissions d’oxyde d’azote en mer du Nord et en mer Baltique

En collaboration avec des chercheurs d’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas et de la Suède, les scientifiques de l’Institut des Sciences naturelles (Ward Van Roy et collègues) ont évalué l’efficacité des règles entourant les émissions des navires qui ont été mises en œuvre depuis plus de 15 ans dans la mer du Nord et dans la mer Baltique. Les résultats de cette étude ont été publiés aujourd’hui, le 26 octobre 2023, dans la revue scientifique réputée Nature Communication Earth and Environment. Cette étude est basée sur les mesures de plus de 110 000 panaches de fumée ainsi que sur des inspections à bord des navires. Les mesures à distance ont été effectuées grâce à différentes stations de contrôle fixes mais également en mobilisant des drônes, des hélicoptères et l’avion garde-côtes de l’Institut des Sciences naturelles.

L’avion garde-côtes belge opéré par l’Institut des Sciences naturelles (© Institut des Sciences naturelles/UGMM)

Les données révèlent une amélioration substantielle du taux de conformité aux limites d’émissions de souffre depuis le début de la campagne de mesures. Cette tendance positive a été observée dans la mer du Nord et dans la Baltique. Néanmoins, il a été observé que l’introduction du plafond mondial de 0,5 % FSC (teneur en soufre du carburant) a conduit à une légère augmentation des émissions de SO2 dans la zone SECA (zone de contrôle des émissions de soufre) à partir de 2020, peut-être en raison de l’utilisation accrue des épurateurs (scrubbers) et de l’inflation du prix du carburant.

Evolution du taux de non-conformité potentielle dans la zone SECA européenne

Contrairement à la réduction réussie des émissions de SO2 des navires, les réglementations internationales sur les émissions des navires ne semblent pas avoir d’impact sur les émissions d’oxyde d’azote (NOx). Au contraire, un accroissement des émissions de NOx des navires a même été observé. Ce résultat peut être attribué à diverses lacunes dans les réglementations sur les NOx, un sujet sur lequel l’Institut des Sciences naturelles et d’autres chercheurs ont publié précédemment.

Augmentation des émissions de NOx entre les périodes 2019-2020 et 2021-2022

Les résultats de ces recherches revêtent une importance particulière pour les décideurs politiques et les autres parties prenantes responsables de la réglementation environnementale et de sa mise en œuvre car ils offrent des indications précieuses pour l’élaboration de réglementations et de stratégies  plus efficaces en vue de leur application en mer et dans les ports.

Vous pouvez consulter l’article complet ici, et lire un article de blog « Derrière le journal » ici.

Réunion des opérateurs internationaux de navires de recherche à Bruges

Du 16 au 20 octobre 2023, la ville de Bruges, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, a été le théâtre de la 34e réunion annuelle des opérateurs de navires de recherche internationaux. La réunion était organisée par l’Institut des Sciences naturelles et l’Institut flamand de la mer. 129 participants ont assisté à la réunion pour partager des informations et résoudre des problèmes d’intérêt commun. L’amélioration du soutien aux efforts de recherche en mer de la communauté scientifique marine est toujours une priorité.

Opérateurs de navires de recherche internationaux, 16-20 octobre 2023, Bruges, Belgique

Le forum international des opérateurs de navires de recherche (International Research Ship Operators – IRSO) réunit des opérateurs de navires de recherche représentant 49 organisations de 30 pays. Ensemble, ils exploitent plus de 100 des principaux navires de recherche en sciences marines du monde. L’adhésion à l’IRSO est ouverte à toutes les organisations exploitant des navires de recherche et à tous les programmes de recherche nationaux qui collectent des données à partir de navires en mer et suivent des protocoles établis pour la publication ouverte de leurs résultats.

L’IRSO a été fondé en 1986 et depuis lors, des réunions annuelles sont organisées par et dans les pays participants. En 2023, l’Institut des Sciences naturelles, exploitant du RV Belgica, et l’Institut flamand de la mer (VLIZ), exploitant du RV Simon Stevin, ont repris l’organisation. Ensemble, ils garantissent également la représentation belge au sein de l’IRSO. 129 participants se sont rendus à Bruges pour cette 34ème réunion de l’IRSO. Outre les sessions plénières et certains ateliers spécifiques, qui se sont déroulés au Grand Hôtel Casselbergh de Bruges, le programme comprenait également des activités sociales. Une visite des navires de recherche RV Belgica et RV Simon Stevin était bien sûr incontournable. Pour l’occasion, les deux navires étaient amarrés à la base navale de Zeebrugge le vendredi 20 octobre.

RV Simon Stevin et RV Belgica dans la base navale de Zeebrugge (© Institut des Sciences naturelles)

Objectifs de l’assemblée annuelle

Le partage d’expériences réussies (meilleures pratiques) dans la conception et l’exploitation de navires de recherche et d’équipements scientifiques font partie des principaux objectifs de la réunion annuelle de l’IRSO.

« Ces réunions permettent un partage efficace de l’information et la résolution de problèmes d’intérêt commun. De cette manière, les efforts de recherche de la communauté scientifique marine en mer peuvent être de plus en plus soutenus », explique Greg Foothead, président de l’IRSO et directeur général de NIWA Vessel Management Ltd de Nouvelle-Zélande.

Giuseppe Magnifico, vice-président de l’IRSO et directeur adjoint du Consiglio Nazionale delle Ricerche (CNR) italien, ajoute : « L’IRSO agit également comme porte-parole de la communauté de recherche et fournit des conseils d’experts à d’autres organismes si nécessaire. »

Avantages supplémentaires

Cependant, l’IRSO va également plus loin que la simple information mutuelle des expériences et des développements des flottes de recherche nationales. « Le fait d’être actif au sein de l’IRSO se traduit parfois aussi par de véritables collaborations et par un échange de temps d’expédition et d’équipement entre instituts et pays », explique André Cattrijsse, chef du département Infrastructure de recherche de l’Institut flamand de la mer.

« Cet échange stratégique de connaissances et d’expériences est également crucial à une époque de restrictions budgétaires, alors que le besoin de connaissance des mers côtiers et de l’océan et de leurs relations avec les humains augmente rapidement. » souligne Lieven Naudts, coordinateur du RV Belgica et chef du Service de Mesure d’Ostende de l’Institut des Sciences naturelles.

De gauche à droite : André Cattrijsse (Institut flamand de la mer), Giuseppe Magnifico (vice-président de l’IRSO), Greg Foothead (président de l’IRSO) et Lieven Naudts (Institut des Sciences naturelles) reviennent sur une réunion réussie de l’IRSO (© Institut des Sciences naturelles)

L’IRSO initie également des projets d’intérêt commun pour ses membres. Par exemple, un code de conduite pour les navires de recherche marine a été élaboré et, par l’intermédiaire de l’IRSO, des contributions ont été apportées à la création de la base de données OCEANIC pour les navires de recherche de l’Université du Delaware. L’IRSO parraine également des ateliers et des groupes de travail, tels que l’atelier biennal international des techniciens maritimes (INMARTECH).

Plan d’action pour l’océan Austral

Plus de 200 scientifiques de 19 pays ont résumé la première évaluation complète des tendances des écosystèmes de l’océan Austral dans un rapport rédigé spécialement à l’intention des décideurs politiques. L’évaluation des écosystèmes marins de l’océan Austral (MEASO) souligne que le changement climatique est le principal moteur de l’évolution des espèces et des écosystèmes dans l’océan Austral et les zones côtières de l’Antarctique.

La glace de mer se détache dans l’océan Austral (© AAPP)

L’océan Austral autour de l’Antarctique abrite une faune unique et est donc fondamental pour la biodiversité. Il est également essentiel au bien-être de l’homme, car il nous fournit de la nourriture et contribue à réguler notre climat. Mais comme l’océan Austral absorbe la majeure partie de l’augmentation de la température mondiale, la faune en ressente les effets. Avec les pressions supplémentaires de la pêche, du tourisme et de la pollution, cet environnement et ses habitants sont aujourd’hui confrontés à un avenir incertain.

« La conservation à long terme des écosystèmes de l’océan Austral, en particulier des espèces antarctiques adaptées aux conditions polaires et des systèmes côtiers, ne peut être assurée que par une action mondiale urgente de lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans », a déclaré le Dr Anton Van de Putte (Institut des Sciences naturelles et Université libre de Bruxelles, Belgique), membre du comité directeur chargé de superviser l’évaluation de l’écosystème marin de l’océan Austral (MEASO).

Le processus quinquennal de la MEASO s’est inspiré d’un groupe de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le Dr Van de Putte, qui a également contribué activement à la rédaction d’un résumé destiné aux décideurs politiques, a ajouté : « Le rapport MEASO peut être considéré comme un rapport du GIEC pour l’océan Austral et, de la même manière, les données scientifiques ont été distillées dans un résumé concis et facile à lire afin d’informer les politiciens et les décideurs politiques du monde entier. »

Rorqual commun au bord des glaces (© Richard Youd, AAD)

Les auteurs du rapport soulignent également la nécessité de poursuivre le processus MEASO au cours de cette décennie critique pour l’action climatique. Les évaluations futures seront grandement facilitées par l’archivage, la conservation et le partage ouvert des données et des algorithmes. « Le portail SCAR sur la biodiversité de l’Antarctique (www.biodiversity.aq), hébergé par l’Institut des Sciences naturelles, apportera une contribution importante à cet égard. Tels systèmes de données ouvertes permettront de rassembler les meilleures données scientifiques disponibles en temps opportun et d’harmoniser les informations pour les décideurs politiques », a déclaré le Dr Van de Putte.

Principales conclusions

Le résumé à l’intention des décideurs politiques contient 40 conclusions clés, dont les suivantes :

  • Gérer le changement : la conservation à long terme des écosystèmes de l’océan Austral, en particulier des espèces antarctiques adaptées aux conditions polaires et des systèmes côtiers, ne peut être assurée que par une action mondiale urgente de lutte contre le changement climatique et l’acidification des océans.
  • Mesurer le changement : la communauté internationale doit investir dans l’évaluation et la surveillance scientifiques de la santé des océans à long terme et à l’échelle de la zone concernée.
  • Prévoir le changement : Des modèles sont nécessaires pour comprendre ce que les changements futurs dans les habitats et les influences humaines signifieront pour les différents écosystèmes, communautés et espèces.
  • Valeur et importance des écosystèmes de l’océan Austral : L’océan Austral est connecté à l’échelle mondiale et est important pour le climat et l’océanographie, car il fournit de la nourriture et des zones de reproduction à de nombreuses espèces migratrices. Les mouvements et les activités humaines, notamment l’introduction d’espèces exotiques, les maladies et la pollution, menacent cet écosystème unique.
  • Évolution des habitats dans l’océan Austral : Les habitats de l’océan Austral, depuis la glace de surface jusqu’au fond de la mer, sont en train de changer. Le réchauffement de l’océan, le déclin de la glace de mer, la fonte des glaciers, l’effondrement des plates-formes de glace, les changements d’acidité et les influences humaines directes telles que la pêche ont tous un impact sur les différentes parties de l’océan et sur ses habitants.
  • Changements biologiques et vulnérabilités : Les organismes vivant dans l’océan Austral, des plantes microscopiques aux baleines, sont confrontés à un environnement changeant. La manière dont la plupart des espèces réagiront est incertaine, mais les principales espèces de référence, telles que le krill antarctique, risquent de décliner, ce qui aura des répercussions sur l’ensemble de l’écosystème.
Manchots empereurs à la colonie d’Auster (© Pat James, AAD)

À propos de MEASO

L’évaluation de l’écosystème marin de l’océan Austral (MEASO) est la première évaluation interdisciplinaire circumpolaire de l’état et des tendances des écosystèmes de l’océan Austral et des facteurs de changement, à l’usage des décideurs politiques, des scientifiques et du grand public. Le rapport a été lancé le mercredi 18 octobre 2023 à Hobart, en Tasmanie, lors de la réunion annuelle de la Commission pour la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR), l’organisme international responsable de la conservation des écosystèmes marins de l’océan Austral, dans le cadre du système du traité sur l’Antarctique. Elle compte parmi ses membres 26 nations et l’Union européenne, dont la Belgique.

Lancé en 2018, MEASO est un processus ouvert et participatif impliquant 203 scientifiques de toute la communauté scientifique de l’Antarctique et de l’océan Austral (19 pays). Ensemble, ils ont contribué à 24 articles de recherche publiés dans un thème de recherche spécial dans les revues Frontiers.

MEASO est une activité centrale du programme Integrating Climate and Ecosystem Dynamics in the Southern Ocean (ICED), qui est un programme régional de Integrated Marine Biosphere Research (IMBeR, qui est lui-même un programme conjoint du Scientific Committee on Oceanic Research [SCOR] et de Future Earth). MEASO est également parrainé par le Scientific Committee on Antarctic Research (SCAR) et bénéficie du soutien du Southern Ocean Observing System (SOOS), un programme commun du SCAR et du SCOR.

Le résumé de MEASO pour les décideurs politiques peut être téléchargé ici.

Contrôle aérien sur les plates-formes pétrolières et gazières pendant le Tour d’Horizon 2023

Début juillet 2023, l’avion garde-côtes de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) a effectué sa mission annuelle de Tour d’Horizon (TdH). Il s’agit de vérifier la présence de nappes d’hydrocarbures provenant des plates-formes pétrolières et gazières offshore dans le nord de la mer du Nord (en dehors des eaux belges). La mission a permis de détecter pas moins de 30 nappes, le nombre le plus élevé jamais trouvé par un partenaire du TdH en une seule mission.

Déversement d’hydrocarbures provenant d’une plate-forme de forage dans les eaux norvégiennes (© IRSNB/UGMM)

La mission TdH est menée chaque année dans le cadre de l’Accord de Bonn et vise à contrôler la pollution marine provenant des plates-formes de forage dans les parties centrale et septentrionale de la mer du Nord. L’accent est mis sur les eaux offshore néerlandaises, danoises, britanniques et norvégiennes, et la Belgique s’engage également dans cette opération. Les activités des avions de surveillance des différents pays de la mer du Nord sont coordonnées au niveau international afin d’assurer une couverture optimale de la supervision des infrastructures pétrolières et gazières offshore.

Le plus grand nombre de déversements d’hydrocarbures jamais détectés

Au cours de cette mission TdH, l’avion garde-côtes belge a détecté pas moins de 30 nappes d’hydrocarbures. Il s’agit du nombre le plus élevé de nappes d’hydrocarbures détectées en une seule mission par un seul avion depuis le début du programme en 1991. Parmi ces détections, six concernaient des déversements importants d’hydrocarbures, avec une quantité minimale estimée à plus de 1 m³. La plus grande a été estimée à au moins 16,9 m³. Toutes les détections, sauf deux, concernaient des nappes d’hydrocarbures liées à une plate-forme de forage. 17 nappes ont été détectées dans les eaux britanniques, 12 dans les eaux norvégiennes et une dans les eaux néerlandaises.

Toutes les détections ont été signalées aux autorités nationales compétentes conformément aux procédures établies dans le cadre de l’Accord de Bonn.

La surveillance aérienne complète la surveillance par satellite

Il est à noter que le programme de surveillance par satellite (CleanSeaNet) de l’Agence européenne pour la sécurité maritime (AESM) n’a signalé aucune détection lors de ses passages par satellite dans la même zone et au cours de la même période. Cela montre l’importance primordiale de la surveillance aérienne traditionnelle, soutenue par la surveillance par satellite.

Observations des mammifères marins

Outre les nappes d’hydrocarbures, l’avion garde-côtes belges a également pu observer des orques et d’autres mammifères marins au cours de la mission TdH 2023. L’équipe a pu photographier, pour la première fois lors d’une mission TdH, deux groupes d’orques entre la Norvège et l’Écosse. Il est probable que ces deux groupes fassent partie d’un seul et même groupe plus important d’environ 10 individus.

Trois orques dans les eaux norvégiennes (© IRSNB/UGMM)

Grâce à la longue expérience de l’équipage, à la fonctionnalité et à la capacité de déploiement de l’avion garde-côtes de l’IRSNB, la Belgique continue d’honorer ses engagements dans le cadre de l’Accord de Bonn. L’IRSNB continue ainsi à prouver son engagement pour une meilleure protection de la mer du Nord. Cependant, l’avion date de 1976 et commence à présenter de plus en plus de défauts techniques. Le remplacement de l’avion est donc une priorité absolue, afin que la surveillance aérienne puisse se poursuivre à l’avenir.

L’équipe belge TdH2023 (de gauche à droite : les opérateurs Ward Van Roy et Jean-Baptiste Merveille, les pilotes Dries Noppe et Alexander Vermeire) (© IRSNB/UGMM)
Les missions TdH se déroulent dans un environnement très différent de la surveillance des eaux belges. (© IRSNB/UGMM)

La tortue luth de Knokke est morte des suites d’un traumatisme aigu

Jusqu’à la découverte d’une tortue luth morte sur la plage de Knokke le 7 octobre 2023, on ne connaissait que trois échouages de cette espèce dans notre pays. L’autopsie de l’animal, qui a eu lieu le 9 octobre, montre que le malheureux animal était en bonne santé lorsqu’un traumatisme aigu mais inconnu a provoqué sa mort subite.

Tortue luth échouée morte sur la plage de Knokke, 7 octobre 2023 (© IRSNB/J. Haelters)

Le samedi matin 7 octobre 2023, des promeneurs ont trouvé rien de moins qu’une tortue luth (Dermochelys coriacea) morte sur la plage près du parc naturel du Zwin à Knokke, près de la frontière néerlandaise. Espèce exclusivement marine qui ne vient à terre que pour pondre, la tortue luth est aussi la plus grande espèce de tortue au monde (avec une longueur maximale de 2,5 m). Le malheureux animal de Knokke mesurait 1,73 m de long et était déjà en état de décomposition. La mort soit survenue probablement quelques jours avant qu’elle ne soit rejetée sur le rivage.

L’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), chargé d’organiser l’étude des espèces marines protégées, a récupéré l’animal auprès des pompiers de Knokke après que ceux-ci l’aient retiré de la plage, en collaboration avec le service technique de la commune.

Tortue luth échouée morte sur la plage de Knokke, 7 octobre 2023 (© IRSNB/J. Haelters)

En mer du Nord ?

La tortue luth est une espèce dite cosmopolite, ce qui signifie qu’on la trouve dans le monde entier. Elle est surtout connue comme une espèce des mers chaudes, mais ce n’est que pour la ponte que les plages des mers tropicales et subtropicales sont importantes. En dehors de la saison de ponte, les tortues luth se trouvent également beaucoup plus au nord (jusqu’en Alaska et en Norvège) et au sud (jusqu’en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande). Dans les eaux peu profondes de la mer du Nord, leur présence est très sporadique, mais elles peuvent s’y nourrir pendant les périodes où les méduses sont très abondantes.

Les méduses sont donc une explication possible de l’apparition de cette tortue luth dans le sud de la mer du Nord. Ces dernières semaines, les rhizostomes (Rhizostoma pulmo) ont été particulièrement abondantes dans nos eaux, une espèce de méduse qui figure au menu de la tortue luth et qui atteint son apogée dans nos eaux d’août à octobre. Il n’est pas inconcevable que la tortue luth de Knokke ait suivi cette source de nourriture dans la mer du Nord.

Quatre échouages dans notre pays

Dans nos régions, la tortue luth est une grande rareté. Jan Haelters (IRSNB), coordinateur du réseau d’échouage et expert en mammifères marins, donne un aperçu de la situation : « On ne connaît que trois échouages de tortues luth en Belgique. Les échouages précédents datent de 1988, 1998 et 2000. En outre, seules quelques observations de tortues luth vivantes dans les eaux belges sont connues : une en 2018, deux en 2019 et une en 2020. Cette dernière a été trouvée entre Ostende et Middelkerke dans les filets d’un pêcheur de crevettes, et a pu être ramenée vivante par-dessus bord. »

Il semble que le nombre de cas dans nos eaux augmente, mais avec un si petit nombre, il est dangereux de tirer une telle conclusion. En effet, le nombre d’observateurs potentiels et le flux de données ont également considérablement augmenté grâce à la forte connectivité numérique de notre monde actuel. Il n’est pas non plus possible d’établir un lien avec le réchauffement climatique avec un si petit nombre d’observations.

Autopsie

L’autopsie de la tortue luth a eu lieu le lundi 9 octobre au matin à la faculté de médecine vétérinaire de l’université de Gand, dans le cadre d’une collaboration entre les universités de Gand et de Liège. Elle a révélé qu’il s’agissait d’une femelle de 247 kg. Les restes de rhizostomes dans l’œsophage montrent que l’animal était en train de manger lorsqu’elle est morte. Un petit morceau de plastique a été trouvé dans l’intestin, mais la quantité était trop faible pour causer des problèmes. Il est bien connu que les animaux qui mangent des méduses se trompent parfois et confondent le plastique flottant dans l’eau avec des méduses.

Tout semble indiquer que la tortue luth était en bonne santé lorsqu’elle est morte subitement. Bien que l’animal ne présente aucun signe extérieur de traumatisme aigu, de nombreuses hémorragies ont été observées à l’intérieur. Cela indique une mort soudaine due à un événement traumatique, mais la cause exacte de ce traumatisme n’est pas claire.

La tortue luth sur la table d’autopsie (© IRSNB/J. Haelters)
Intérieur de l’œsophage avec des restes de rhizostomes (© IRSNB/J. Haelters)
Morceau de plastique du système digestif (© IRSNB/J. Haelters)
Détail de la tête (© IRSNB/J. Haelters)

Nouvelles impulsions pour l’observation et la prévision océaniques interdisciplinaires

Dans le cadre du projet européen EuroSea, 53 partenaires de 14 pays européens ainsi que du Brésil et du Canada ont travaillé ensemble pour améliorer le système européen d’observation et de prévision des océans dans un contexte mondial. Ce faisant, ils ont fourni une base importante pour répondre à la demande croissante d’informations à l’appui des processus et décisions sociaux et politiques. Environ 200 parties prenantes se sont réunies à Paris pour la réunion plénière (19-20 septembre 23) et le symposium final (21 septembre 23). GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel a dirigé le projet, qui est financé par l’Union européenne à hauteur de 12,6 millions d’euros de 2019 à 2023.

Toste Tanhua, océanographe chimiste au GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel, a dirigé le projet EuroSea. (Image : UNESCO/Fabrice Gentile)

L’océan est à la base de toute vie sur notre planète. Il régule le climat et fournit de la nourriture et de l’oxygène. Cependant, les changements induits par l’homme, tels que la pollution, la surpêche, le réchauffement et d’autres facteurs, perturbent les écosystèmes marins. Il est essentiel de comprendre les processus océaniques et côtiers pour préserver la santé des océans et assurer leur gestion durable.

Le projet EuroSea, financé par l’Union européenne à hauteur de 12,6 millions d’euros, a permis de combler d’importantes lacunes en matière de connaissances dans ces domaines au cours des quatre dernières années et d’ouvrir la voie à un système interdisciplinaire et durable d’observation et de prévision de l’océan. À cette fin, les principaux acteurs européens de l’observation et de la prévision océaniques ont collaboré avec les utilisateurs de produits et de services océanographiques. Fin septembre 2023, les parties prenantes se sont réunies pour l’Assemblée générale et un symposium ultérieur au siège de la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) à Paris.

Sous la direction du Dr Toste Tanhua, océanographe chimiste au GEOMAR Helmholtz Centre for Ocean Research Kiel et coordinateur d’EuroSea, le projet a rassemblé 53 partenaires de 14 pays européens ainsi que du Brésil et du Canada. Parmi les participants figuraient des institutions scientifiques, des partenaires du secteur privé et des organisations et réseaux internationaux tels que la COI-UNESCO, le Conseil maritime européen et la partie européenne du Système mondial d’observation de l’océan (EuroGOOS).

Les partenaires du projet ont ouvert la voie à la connexion des systèmes d’observation des océans existants des différents acteurs européens et à l’amélioration de la précision et de l’accessibilité des données océaniques pour tous. Par exemple, les acteurs de l’économie bleue – une économie respectueuse de l’environnement basée sur l’utilisation des océans, y compris la pêche, les ports, le tourisme et la production d’énergie en mer – et les décideurs politiques devraient être en mesure de prendre des décisions mieux informées sur la base des données. Lors de l’assemblée générale d’EuroSea, les groupes de travail des dix work packages individuels et interconnectés ont partagé leurs résultats.

Le projet a produit de nombreuses innovations qui améliorent l’observation et la prévision des océans au niveau européen, dans un contexte mondial. Les partenaires ont notamment mis au point un outil destiné aux villes et à leurs ports, basé sur les données de trois sites d’essai en Espagne, en Italie et en Colombie, qui fournit des informations et des prévisions en temps réel sur les vagues, le niveau de la mer et la température de surface de la mer, augmentant ainsi la sécurité des opérations maritimes. Un système de surveillance de l’aquaculture utilisant des capteurs, des bouées uniques et des capacités de modélisation avancées pour mesurer des paramètres tels que l’oxygène, la température et le pH a également été créé dans le cadre du projet EuroSea. Il permet de prédire de manière ciblée les événements marins extrêmes tels que les vagues de chaleur marine et fournit aux exploitants aquacoles un mécanisme d’alerte précoce.

Lors du symposium final qui a suivi, les acteurs nationaux et internationaux du monde politique, scientifique et industriel ont pu s’informer sur l’état actuel des innovations dans le domaine de l’observation et de la prévision des océans en Europe. En plus d’aborder les défis à venir, la discussion s’est concentrée sur les recommandations pour un système efficace, durable et interdisciplinaire.

Dans son discours de clôture, le Dr Toste Tanhua a souligné le caractère pionnier du projet et a plaidé pour la poursuite des efforts conjoints au niveau européen : « EuroSea a ouvert la voie à un système interdisciplinaire et durable d’observation et de prévision de l’océan. Nous, experts et acteurs de l’océan, sommes engagés dans une action concertée pour renforcer durablement le système européen d’observation et de prévision de l’océan afin de répondre aux besoins croissants de la société et des politiques européennes et de soutenir le Green Deal européen et la mission Océan et Eaux. »

Les parties prenantes souhaitent s’appuyer sur les collaborations et les relations qui ont été établies dans le cadre du projet. Des ateliers parallèles du Système mondial d’observation de l’océan (GOOS) et une réunion des points focaux nationaux européens pour le GOOS ont également eu lieu à Paris. Les possibilités de projets de suivi y ont été discutées et les expériences échangées. « Nous avons pu transmettre les connaissances que nous avons acquises directement au niveau mondial », a déclaré le Dr Toste Tanhua, qui est également coprésident du GOOS.

 

Financement du projet :

Le projet EuroSea est une action d’innovation de l’Union européenne financée à hauteur de 12,6 millions d’euros de 2019 à 2023 par le programme de financement de la recherche et de l’innovation Horizon 2020 de la Commission européenne dans le cadre d’un appel à soutenir l’initiative du G7 sur l’avenir des mers et des océans.

Valeur ajoutée de la surveillance aérienne des émissions des navires

Les émissions polluantes des navires dans l’air sont soumises à des normes strictes dans le monde entier. Ward Van Roy a analysé le potentiel et la valeur ajoutée de la surveillance aérienne pour contrôler les émissions nocives des navires dans le cadre d’une étude doctorale. À cette fin, il a utilisé les données recueillies par l’avion de surveillance aérienne belge1. Ses conclusions mettent en évidence les avantages opérationnels de la surveillance aérienne et fournissent des indications précieuses sur l’efficacité des réglementations internationales en matière d’amélioration de la qualité de l’air en mer du Nord. En outre, l’étude a mis en évidence des lacunes réglementaires et fournit des recommandations pour les combler. Ward Van Roy est rattaché à l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRNB) et, le 28 septembre 2023, est devenu le tout premier docteur en sciences maritimes à obtenir ce diplôme à la faculté de droit et de criminologie de l’université de Gand. Une raison supplémentaire pour Ward, l’université et l’IRSNB d’être fiers.

Ward Van Roy, docteur en sciences maritimes, et les membres de son jury de doctorat.

Le transport maritime joue un rôle crucial en reliant les économies et les cultures du monde entier, mais il est aussi l’une des plus grandes sources de pollution atmosphérique. En effet, la combustion des carburants marins traditionnels génère des composés soufrés, des composés azotés et du « carbone noir », qui ont des effets néfastes sur la santé humaine et l’environnement.

Pour y remédier, des efforts internationaux ont été déployés pour élaborer des réglementations2 visant à réduire les émissions des navires dans l’atmosphère. Cependant, sans une mise en œuvre efficace, les réglementations risquent de rester lettre morte. C’est ce qui a poussé Ward Van Roy3 à décrire dans un doctorat dans quelle mesure la surveillance de l’air peut contribuer à l’élaboration d’une stratégie de suivi et d’application des règles relatives aux émissions dans le secteur du transport maritime.

La thèse de doctorat de Ward s’intitule « Application of remote measurements for compliance monitoring and enforcement of SO2 and NOx emissions under Marpol Annex VI » et a été défendue publiquement le 28 septembre 2023 à Gand, étape finale pour l’obtention du titre de docteur en sciences maritimes. La recherche a donné lieu à pas moins de cinq articles déjà publiés et trois soumis pour publication dans des revues scientifiques.

Méthode et tendances

La première partie de la thèse de doctorat présente la méthode scientifique de surveillance aérienne des émissions des navires. Le « capteur renifleur » intégré dans l’avion de surveillance belge joue un rôle central à cet égard. Grâce à la mise en œuvre de plusieurs innovations, Ward a également pu améliorer de manière significative la méthode de surveillance des oxydes de soufre (SOx) dans les émissions des navires. Un manuel complet, qui fait également partie de la thèse, garantit l’uniformité et la qualité des mesures et peut servir de guide pour la mise en place de programmes correspondants dans d’autres pays.

L’analyse des données obtenues montre non seulement que les réglementations internationales sur les émissions de dioxyde de soufre (SO2) et d’oxydes d’azote (NOx) peuvent être contrôlées efficacement à partir de l’air, mais aussi que les réglementations sur les émissions de SO2 sont relativement bien respectées, tant en Belgique que dans la zone de contrôle des émissions plus large englobant l’ensemble de la mer du Nord et de la mer Baltique.

Ward Van Roy : « On peut conclure que la surveillance aérienne a effectivement contribué à la réduction significative des émissions de SO2. En ce qui concerne les émissions de NOx, en revanche, il semble que la réduction des émissions visée n’ait pas encore été atteinte, ni en Belgique ni ailleurs. »

Les analyses ont utilisé des données provenant de la surveillance aérienne en Belgique ainsi que des données provenant de campagnes de mesure dans d’autres pays, de stations terrestres de surveillance de la qualité de l’air et de l’imagerie satellite.

L’avion de surveillance aérienne belge © IRSNB/UGMM

Des résultats inattendus

L’étude de Ward a également mis en évidence des tendances inattendues.

Il a ainsi été démontré pour la première fois que les navires équipés de systèmes de post-traitement de leurs émissions dans l’air, connus sous le nom d’épurateurs, sont à l’origine d’une proportion nettement plus élevée d’infractions en matière d’émissions. Étant donné que les épurateurs ne sont installés que pour réduire les émissions de composants nocifs dans l’air, cette constatation va à l’encontre des attentes. De plus l’utilisation des épurateurs est en augmentation, pour atteindre déjà 30 % des navires observés en 2022. Si cette tendance se poursuit, combinée à l’augmentation actuelle du trafic maritime, les émissions de SO2 provenant du trafic maritime augmenteront encore et le secteur deviendra responsable d’une part plus importante des émissions totales de SO2.

Ward a également fait une observation remarquable concernant les NOx : « Mes recherches montrent que les émissions moyennes de NOx des navires construits plus récemment sont nettement plus élevées que celles des navires plus anciens, ce qui ne peut évidemment pas être le but recherché », indique-t-il. « De plus, j’ai constaté que les réglementations visant à réduire les émissions de NOx sont très lentes à prendre effet en raison de la manière dont ces réglementations internationales sont rédigées ». Si rien ne change, le secteur du transport maritime devrait être la principale source de NOx chez nous (en Flandre) d’ici 2025, et représenterait même 40 % de toutes les émissions de NOx d’ici 2030.

Valeur ajoutée et recommandations politiques

Dans sa thèse, Ward se penche également sur les aspects juridiques de la surveillance aérienne et sur la valeur ajoutée pour les différentes parties prenantes.

Tout d’abord, une valeur ajoutée importante pourrait être démontrée pour les services d’inspection portuaire. En identifiant les contrevenants potentiels en mer, les services d’inspection portuaire peuvent suivre les navires concernés de manière plus ciblée lorsqu’ils font escale dans un port, ce qui peut conduire à des sanctions le cas échéant. La surveillance aérienne semble donc avoir une influence positive sur le suivi et la sanction des infractions commises par les navires en matière d’émissions. Une analyse coût-bénéfice montre que la surveillance aérienne est également rentable sur le plan financier.

Les résultats belges profitent également à la coopération internationale et sont pris en compte dans les efforts visant à mettre en place une surveillance internationale efficace et harmonisée.

Sur la base de l’expérience acquise, Ward formule également un certain nombre de recommandations à l’attention des décideurs politiques, qui peuvent aider à contribuer efficacement sur le terrain à la réduction de la pollution de l’air due au transport maritime. Il s’agit notamment d’accroître la valeur juridique directe des mesures aériennes (qui doivent actuellement toujours être confirmées par le contrôle portuaire), d’obtenir un protocole internationalement accepté pour contrôler les violations de NOx en mer et un mécanisme d’application associé, et d’éliminer certaines lacunes réglementaires. Ces recommandations sont discutées au niveau international dans le cadre de l’accord de Bonn (coopération des États de la mer du Nord en matière de détection, de signalement et de lutte contre la pollution de la mer du Nord) et de l’Organisation maritime internationale (OMI), tandis qu’en Belgique, des solutions sont recherchées en collaboration avec la Direction générale navigation (SPF Mobilité et Transports), qui peuvent être intégrées dans les réglementations internationales par l’intermédiaire des décideurs politiques fédéraux.

 

Informations complémentaires

1 L’Unité de Gestion du Modèle Mathématique de la Mer du Nord (UGMM), Service Scientifique de l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique (IRSNB), est responsable de la mise en oeuvre du programme belge de surveillance aérienne de la Mer du Nord. Pour ce faire, l’IRSNB possède un avion de type Britten Norman Islander équipé de capteurs scientifiques pour la détection de la pollution marine et collabore avec la Défense qui fournit les pilotes. Depuis 1990, ce programme donne des résultats significatifs. L’accent est mis ici sur trois groupes de tâches essentielles : 1) la surveillance de la pollution marine illégale et accidentelle, 2) la surveillance de l’environnement marin et 3) la surveillance maritime au sens large dans le cadre de la Garde côtière (l’avion porte donc l’inscription « Coast Guard » et est aussi largement connu sous le nom d’avion de la Garde côtière).

2 Les normes d’émission applicables au niveau mondial pour le soufre et l’azote sont décrites dans l’annexe VI de la convention internationale MARPOL (Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires). En outre, la directive européenne sur le soufre impose également des restrictions sur les émissions de soufre des navires, et les émissions de composés soufrés et azotés sont encore plus strictement réglementées dans la très active « zone de contrôle des émissions de la mer du Nord et de la mer Baltique » (dont les eaux belges font également partie) qu’à l’extérieur de cette zone. Le carbone noir (une mesure de la concentration de suie en suspension dans l’air) provenant de la navigation n’est pas encore soumis à des restrictions internationales, mais ces émissions sont actuellement cartographiées afin d’alimenter le développement d’un cadre restrictif.

Le promoteur, le professeur Frank Maes, a proposé à l’époque le titre de docteur en sciences maritimes à l’Université de Gand et se réjouit particulièrement – une semaine avant de prendre sa retraite – de voir Ward être le premier à obtenir ce titre.

3 Ward Van Roy a obtenu son diplôme de bioingénieur à l’Université de Gand en 2008 et a ensuite rejoint l’équipe de surveillance aérienne de l’IRSNB (UGMM) en tant qu’opérateur. Il est également responsable de la gestion des instruments scientifiques et est considéré comme le cerveau de l’intégration de ce que l’on appelle le « capteur renifleur » dans l’avion de surveillance aérienne belge. Il est donc en partie responsable de la renommée internationale de l’équipe dans le domaine de la surveillance aérienne des émissions des navires. Ward a l’honneur d’être la toute première personne à obtenir le titre de « docteur en sciences maritimes » à l’université de Gand (faculté de droit et de criminologie).

Carcasse de rorqual commun dans le port d’Anvers

Un rorqual commun (Balaenoptera physalus) mort a été trouvé dans le Deurganckdok du port d’Anvers le mardi 29 août 2023. La carcasse a été sortie de l’eau par le navire-grue Brabo.

© IRSNB/J. Haelters

L’autopsie pratiquée mercredi a confirmé que l’animal était mort suite à une collision et avait été amené au port sur la proue d’un navire. Des contusions ont été constatées au niveau de la nageoire pectorale, et la colonne vertébrale était également fracturée à cet endroit.

« Il s’agissait d’un jeune mâle de 10,5 m de long et pesant environ 8 à 9 tonnes », a déclaré Jan Haelters, expert en mammifères marins à l’IRSNB. « L’animal n’était pas en bonne santé, de nombreux parasites ont été trouvés et la couche de lard était très fine ».

© IRSNB/J. Haelters

L’autopsie a été réalisée par le personnel des universités de Gand, d’Anvers et de Liège, et la protection civile a apporté son soutien technique, en collaboration avec le port d’Anvers.

En raison du trafic maritime intense dans le golfe de Gascogne et en Méditerranée, entre autres, les collisions avec les grands cétacés ne sont pas rares. En 2009 également, un rorqual commun de 20 mètres s’est retrouvé dans le port d’Anvers à la suite d’une collision. En 2015, la même chose s’est produite dans le port de Gand, avec un rorqual commun de 11 mètres.

Impact de la fonte des glaciers sur les fjords du Groenland

Le Belgica documente le changement climatique dans un écosystème marin arctique

Le 13 juillet 2023, le nouveau navire de recherche océanographique belge RV Belgica quittera Reykjavik, en Islande, pour trois semaines dans les régions arctiques du sud-ouest du Groenland. L’équipe de recherche internationale à bord utilisera les installations de pointe du Belgica pour étudier comment le changement climatique, et plus particulièrement la fonte accélérée des glaciers, affectera la dynamique du carbone, la biodiversité et le réseau alimentaire dans les fjords du Groenland, un écosystème marin typique de l’Arctique.

Les fjords sont d’une importance régionale et mondiale, non seulement parce qu’ils abritent un réseau alimentaire très productif et diversifié, mais aussi parce que cette riche vie marine absorbe une grande quantité de carbone. Les fjords jouent donc un rôle de stockage de carbone plus important qu’on ne le soupçonne en raison de leur taille limitée par rapport au vaste bassin océanique.

Des glaciers de mer aux glaciers terrestres

Depuis plusieurs décennies, le réchauffement climatique a un impact significatif sur les fjords marins en raison de la fonte accélérée des glaciers. Ce phénomène a des conséquences importantes dans les régions polaires, dont le Groenland. Ici, les glaciers se terminent souvent par des fjords, appelés glaciers marins.

Les glaciers marins du Groenland, en particulier, ont récemment connu une très forte augmentation du débit des eaux de fonte causée par la fonte de la calotte glaciaire. En conséquence, de nombreux glaciers marins du Groenland se déplacent progressivement vers la terre, un processus qui se renforce même.

Icebergs provenant de la fonte d’un glacier marin au Groenland. (©UGent/A. Vanreusel)

Impact sur le fonctionnement des écosystèmes et les services écosystémiques

Bien qu’il soit de plus en plus évident que les changements de types de glaciers entraînent des modifications majeures des processus physiques, biogéochimiques et écologiques dans les systèmes de fjords adjacents, les impacts sur le réseau trophique marin et sur l’absorption et le stockage du carbone dans les fonds marins sont actuellement mal cartographiés. Par conséquent, les impacts d’un réchauffement plus important sur les services écosystémiques importants de ces fjords arctiques, tels que l’approvisionnement en nourriture et la régulation du climat, restent largement inconnus.

Cette expédition Belgica explorera dans quelle mesure la transformation des glaciers marins aux glaciers terrestres dans les fjords arctiques entraîne une baisse de la productivité primaire (production de biomasse algale à partir de carbone et d’eau en utilisant de l’énergie externe), et donc une communauté biologique et un réseau alimentaire moins riches. Cette recherche fait partie du projet CANOE (Climate chANge impacts on carbon cycling and food wEbs in Arctic Fjords), financé par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO).

Zone d’étude

La zone d’étude se compose de deux fjords adjacents dont les apports glaciaires, respectivement marins et terrestres, sont différents. Dans les deux fjords, un gradient allant de l’estuaire à la partie la plus intérieure du fjord sera échantillonné. Les processus dans la colonne d’eau seront décrits à haute résolution dans chaque fjord, en plus des processus et de la biodiversité du fond océanique. Le réseau trophique sera étudié à deux endroits différents dans chaque fjord.

Zone de recherche au sud du Groenland, indiquant les lieux d’échantillonnage prévus et la bathymétrie. Le fjord Ikersuaq est influencé par des glaciers marins, tandis que le fjord Igaliku est influencé par un glacier terrestre. (© CANOE)

« Avec cette expédition, l’équipe contribuera à deux problèmes sociétaux importants pour lesquels la recherche est cruciale pour des politiques durables, à savoir la pêche et le changement climatique », déclare Ann Vanreusel, professeur au département de biologie de l’université de Gand et scientifique en chef de l’expédition RV Belgica au Groenland. « En comprenant les effets du changement climatique sur les réseaux alimentaires marins, nous obtiendrons des informations importantes pour la gestion future de ces fjords ».

Le projet CANOE, coordonné par le professeur Ulrike Braeckman (Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et Université de Gand), développera également des modèles prédictifs qui aideront à anticiper les changements actuels et futurs liés au climat dans les écosystèmes marins et les conséquences pour les ressources naturelles et les autres fonctions des écosystèmes telles que le stockage naturel du CO2.

La tradition de la recherche intégrée

La Belgique a une longue tradition en matière de recherche marine dans l’Arctique depuis qu’Adrien de Gerlache est parti en 1907 avec l’historique Belgica pour une expédition scientifique visant à explorer certaines parties de l’océan Arctique. À l’époque déjà, il s’agissait d’intégrer différentes disciplines de recherche et d’impliquer des scientifiques de différentes nationalités dans cette expédition. Dans une tradition similaire, les scientifiques de CANOE utilisent maintenant le nouveau RV Belgica pour une campagne de recherche intégrée et internationale, étudiant les aspects physiques, biogéochimiques et biologiques du sol et de la colonne d’eau dans ces écosystèmes de fjords du Groenland en relation avec la dynamique des glaciers sous l’influence du changement climatique. Une telle campagne interdisciplinaire nécessite une utilisation optimale des nombreux outils de recherche océanographiques et biologiques offerts par le RV Belgica.

 

L’équipe internationale et multidisciplinaire CANOE est dirigée par des chercheurs de l’Université de Gand (Prof Ulrike Braeckman) et comprend aussi des chercheurs de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB), de l’Institut flamand de la mer (VLIZ), de l’Université d’Anvers (UAntwerpen), de l’Institut royal néerlandais de recherche sur la mer (NIOZ), de l’Université du Sud du Danemark et de l’Université de Bonn (Allemagne). La recherche est également menée en collaboration avec des instituts de recherche groenlandais.

CANOE est financé par la Politique Scientifique Fédérale (BELSPO) en tant que bénéficiaire d’un appel spécifique destiné à donner un élan au lancement de la recherche sur le nouveau RV Belgica et à permettre aux chercheurs d’apprendre à connaître le navire et son potentiel. Le projet se déroule du 15 décembre 2021 au 15 mars 2026. Plus d’informations sur le projet à http://canoe.marinetraining.eu/.

L’expédition CANOE avec le RV Belgica fait suite à l’expédition DEHEAT qui s’est déroulée dans les eaux islandaises du 26 juin au 11 juillet. Elle a étudié comment l’altération naturelle des minéraux silicatés dans la mer consomme le gaz à effet de serre qu’est le dioxyde de carbone, contribuant ainsi à l’éliminer de l’atmosphère, et comment l’accélérer pourrait être un allié dans la lutte contre le réchauffement de la planète.

De plus amples informations sur le RV Belgica peuvent être consultées sur les sites web du navire chez l’IRSNB (y compris les positions en direct et les images de la webcam) et BELSPO. Le navire et ses activités scientifiques peut également être suivi sur Facebook et Twitter.